Guerre en Ukraine. "Avec la mort autour"
Sur un terrain de guerre, la profession reporter se frotte à la mort. La mort des soldats, des civils, les horreurs, les tortures, les exactions, les exécutions, la mort dont on réchappe par miracle, la mort dont on parle, celle qui a frappé à côté, la mort partout autour de soi, dans les conversations et les appréhensions.
Agathe Mahuet, grand reporter à France Info, accompagnée d’Arthur Gerbault, technicien de reportage à Radio France, ont accompagné en Ukraine les gendarmes qui prélevait les ADN sur les corps pour les identifier et ont rencontré aussi, dans le sud du pays, des populations civiles directement confrontées aux agresseurs russes.
18 gendarmes français ont été chargés d’enquêter sur les "crimes de guerre" commis autour de Kiev par l’armée russe. Deux médecins légistes et une quinzaine de militaires sont venus en renfort de leurs homologues ukrainiens.
Agathe Mahuet et Arthur Gerbault ont pu suivre dans leur laboratoire mobile cette équipe de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale, (IRCGN) chargée d'identifier les victimes de la guerre, et de déterminer les causes de leur mort pour répondre aux questionnements du procureur de Kiev, mais aussi pour soulager la douleur des victimes qui veulent que justice soit rendue.
Dans le reportage d’Agathe Mahuet, on sent le professionnalisme de ces experts des scènes de crime et d’identification des corps. Ils ont pu travailler dans de bonnes conditions et le parquet disposera d’éléments probants.
Et puis il y a les exactions dont on ne sait rien, les corps qu’on imagine et qu’on ne voit pas. Parce que les reporters n’y sont pas, parce que les humanitaires n’y ont pas accès. Cette mort invisible qui arrange les propagandes et qui empêche le développement de toute enquête.
Le cas de Marioupol
Sans le travail des deux photographes de l’AP, le monde aurait-il pris la mesure de ce qui se jouait à Marioupol ? Combien de Boutcha existe-t-il ? Le savons-nous vraiment ? Entre Odessa et Kherson, Agathe et Arthur ont frôlé les lignes de l’occupation russe, des lignes fluctuantes, tout comme dans la zone de Kharkiv, il existe des villages qui ont été libérés.
Et la parole se déverse dans les micros, comme un trop plein emmagasiné. Maria qui raconte l'histoire de son fils, que les Russes ont voulu tuer, sans prendre la peine de vérifier s’il était mort, la vue du sang a suffi, mais il était conscient et vivant. Blessé, il a rampé, blessé, il restera des séquelles et un traumatisme. Et pourtant, le retrait des Russes de leur village est un signe.
Résilience, Agathe l’emploie souvent ce mot
Dans les villes d’Ukraine qui ont vu reculer les soldats russes, des artistes recommencent à jouer, on sort des caves, les clowns font des numéros aux enfants, on veut croire à une fin prochaine de la guerre, on se raccroche à cet espoir, sans trop savoir de quoi sera fait demain.
La mort est partout autour, mais c’est l’instinct de survie qui domine et comme pour convaincre les reporters qu’ils croient vraiment à un futur, une paix pérenne, les Ukrainiens rencontrés les invitent à venir passer leur vacances ici, même quand tout ne sera plus comme aujourd’hui. Agathe Mahuet a promis de revenir.
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