Cet article date de plus d'un an.

Immobilier au Portugal : flambée des prix et trop de locations saisonnières

L'actualité portugaise en compagnie d’Ana Navarro Pedro, journaliste correspondante à Paris de la presse portugaise et les prix des loyers et des logements qui s'envolent depuis des années et qui ont provoqué de grandes manifestations ces derniers mois.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5 min
Lisbonne, Portugal. Les prix de l'immobilier et du marché locatif obligent certains habitants à quitter leur logement. Les visas dorés ont été supprimés au début de cette année 2023. (ALEXANDER SPATARI / MOMENT RF)

Micro européen et la question du logement et de l'immobilier au Portugal, avec Ana Navarro Pedro, journaliste correspondante portugaise à Paris, notamment correspondante de l'hebdomadaire Visão

franceinfo : L'économie portugaise ne se porterait pas si mal que ça, mais attention, il y a un problème avec l'immobilier et les logements en particulier ?

Ana Navarro Pedro : Oui, un énorme problème. D'ailleurs, les grandes manifestations que vous pouvez voir au Portugal ces derniers mois, c'est à cause essentiellement du prix des loyers et des logements. Pour vous donner un exemple, à Lisbonne, maintenant, pour un loyer d'un studio de 25 m², c'est environ 700 € et 30 m², c'est 800 €. Le salaire moyen est à 1500 euros, salaire minimum à 760 €. Et au Portugal, nous payons des impôts, dès le premier euro gagné. Ça veut dire que le logement, aujourd'hui, est l'équivalent de 63 à 70% des revenus des Portugais. C'est insoutenable.

Pour la première fois, on a des familles à la rue, qui sont logées dans les hôtels ou dans les familles proches. Mais quand même, c'est une situation de gens qui travaillent dans un emploi régulier, qui ne sont pas marginalisés. C'est la classe moyenne qui subit de plein fouet cette situation. L'achat d'immobilier aussi devient quasiment excessif. Les Portugais n'aiment pas trop le marché locatif et préfèrent avoir un petit patrimoine immobilier.

Oui, sauf que là, si on compare avec Bruxelles….

Oui, Bruxelles est moins chère que Lisbonne, et les salaires ne sont pas les mêmes. Rome est moins chère que Lisbonne.

La question aussi de l'immobilier, pour le logement, c’est la question du Airbnb ?

Tout à fait. Alors c'est une des mesures que le gouvernement a prises. Je donne un exemple l'année dernière 2022, il y a 10.000 étrangers qui ont acheté de l'immobilier. Sur 10.000 achats d'immobilier, on a reçu environ 4 milliards. Et tout ça, c'est pour de la location saisonnière, du tourisme. Et donc le gouvernement a pris des mesures à ce niveau-là. Maintenant, des licences d'octroi de locations saisonnières sont données au compte-goutte, ou pas données du tout.

Seulement, les propriétaires ont la possibilité, contrairement à ce qui se passe en France, de résilier les contrats d'un moment à l'autre, quand ils veulent, et du coup, ils augmentent. Et parfois, évidemment, il y a des propriétaires qui ne font même pas de bail. Ils remettent les gens à la rue quand ils veulent parce qu'il n'y a aucun moyen de se défendre.

Conséquence : certains immigrés quittent le Portugal…

Oui, surtout les immigrés américains…

Il faut expliquer que les Américains choisissaient le Portugal parce qu'il y avait la sécurité...

Une partie des Américains le faisait pour la Sécurité sociale, parce qu'ils pouvaient travailler et commencer à avoir la Sécurité sociale, la couverture médicale et une pension de retraite, et puis une allocation-chômage. Ils appelaient ça la "Californie de l'Europe", mais maintenant, ils quittent parce qu'ils ne peuvent plus payer du loyer.

Et puis il y a une deuxième catégorie d'étrangers, dont beaucoup d'Américains qui ne cherchent plus à venir au Portugal, ce sont ceux qui pouvaient bénéficier des visas dorés. C'est une autre mesure phare du gouvernement portugais. Ils ont supprimé les visas dorés, c'est-à-dire l'octroi de visas pour le pays et donc pour l'Europe, en échange d'un achat immobilier par exemple. Donc cela a été supprimé. Mais le problème, c'est vraiment Airbnb et les achats des étrangers, dont énormément de Français.

En revanche, le gouvernement portugais, face à la crise, a supprimé la TVA pour les produits de première nécessité ?

Tout à fait, ça a énormément contribué à faire baisser un peu le coût de la vie, un peu l'inflation. Le gouvernement a d'ailleurs un but de ramener l'inflation en trois ans à 2,5%. Et ça, ça a donné un peu d'oxygène aux familles parce que là, c'était intenable. Donc tous les produits de première nécessité, c'est maintenant à taux zéro. Ça n'a pas été supprimé, mais c'est à taux zéro. Ça sera remis plus tard. Et pour le reste, l’économie va bien. On aura peut-être cette année la croissance la plus forte en Europe, un peu en dessous de 3%, grâce au tourisme, 22 milliards de recettes l'année dernière, et les exportations, 10% d'augmentation des exportations…

Quelles sont les exportations ?

Les choses traditionnelles un peu de textiles, dans la mode, mais aussi beaucoup le chêne-liège qui est une industrie extrêmement de pointe aujourd'hui au Portugal, mais aussi, par exemple, le vélo. Nous sommes le premier producteur exportateur de vélos en Europe…

Donc, pour l'instant, c'est la crise de l'immobilier, la crise du logement, est-ce que le gouvernement s’y attelle ?

Il s'y attelle avec toutes ces mesures, mais une mesure gouvernementale fait scandale aujourd’hui, le gouvernement veut réquisitionner les logements vides. Dans les régions de forte demande, il y a de fortes pénuries, et le gouvernement va obliger les propriétaires à mettre sur le marché locatif leurs logements vides, ou à les occuper eux-mêmes, si au bout de deux ans les appartements vides ne sont pas occupés.

Par contre, comment le gouvernement va-t-il avoir les moyens de constater, de faire un état des lieux concernant ces logements et imposer ces mesures ? Ça, c'est une autre paire de manches. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.