"La zone d'intérêt" : la mort hors champ, l'horreur partout

Les sorties cinéma de la semaine avec Thierry Fiorile et Matteu Maestracci : "La zone d'intérêt" de Jonathan Glazer et "La ferme des Bertrand" de Gilles Perret.
Article rédigé par Thierry Fiorile, Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7 min
Photo du film "La zone d'intérêt" de Jonathan Glazer (Filmcoopi/ A24)

La zone d'intérêt de Jonathan Glazer

Il s'appelle, il s'appelait, Rudolf Höss. Lorsque l'Allemagne nazie a lancé la solution finale, l'extermination des juifs, ce militaire haut gradé est nommé directeur du camp d'Auschwitz. Il s'installe avec femme et enfants dans une confortable maison de fonction avec jardin, dont le mur d'enceinte donne directement sur le camp. De l'intérieur de cette usine de la mort, on ne verra rien, sinon au loin, une cheminée à la sinistre fumée. Des cris, des coups de feu, des ordres hurlés en allemand : ce sont les seuls échos qui nous parviennent.

Personnage central du film, la femme de ce fonctionnaire de la terreur, jouée par la surréaliste, vu le rôle, Sandra Hüller (l'actrice d'Anatomie d'une chute). Cette épouse et mère adore la maison et soigne son jardin. Sa totale inhumanité, son indifférence au génocide en cours nous glace.

Jonathan Glazer, réussit ce récit hors norme, du côté du mal, de l'autre côté du mur qui nous sépare du camp. Incroyable défi de cinéma, La zone d'intérêt atteint son but, ce qui est inconfortable pour le public, mais nécessaire, Jonathan Glazer observe plus qu'il ne filme ses acteurs jouant aux bourreaux, dans la maison, reconstituée à proximité du camp, chaque pièce était équipée de caméras pilotées à distance, c'est en entomologiste que le cinéaste a scruté l'intimité des artisans de l'horreur.

La ferme des Bertrand de Gilles Perret

Gilles Perret avait déjà filmé en 1997 cette exploitation agricole, située non loin de chez lui dans la vallée du Giffre, en Haute-Savoie, pour son film Trois frères pour une vie. Une ferme qui avait aussi fait l'objet d'un reportage, en 1972, de Marcel Trillat. Gilles Perret choisit donc de mélanger toutes ces images, pour documenter sur trois périodes et un demi-siècle la vie de cette ferme et de cette famille, mais aussi une histoire en creux de l'agriculture française, en faisant se répondre les époques et les générations, celle qui aujourd'hui a le choix de rester à la ferme ou non, et celle qui ne s'est jamais posé la question.

Émouvant avec des personnages que l'on voit vieillir, et porté – ce qui ne gâche rien – par de très belles images de campagne et de montagne, La ferme des Bertrand est un document précieux qui choisit d'évoquer l'agriculture sous un biais positif, en cette période où les agriculteurs dénoncent leurs conditions de travail et vivent, pour certains, une situation dramatique.

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