Vrai ou faux
Réchauffement climatique : quand les climatosceptiques détournent une étude scientifique

Une étude américaine observe un refroidissement rapide d'une zone de l'océan Atlantique et les climatosceptiques en concluent que le réchauffement climatique n'existe pas.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le Cap Spartel. Point de rencontre entre la mer Méditerranée et l'océan Atlantique (photo d'illustration). (MICHEL HOUET / MAXPPP)

C'est l'histoire d'une étude qui n'a pas eu le retentissement qu'elle espérait. Publiée le 14 août, ce rapport de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique dit avoir observé un refroidissement de parties de l'océan Atlantique. Elle a reçu un large écho dans la presse anglo-saxonne et francophone.

Et il n'en a pas fallu longtemps pour que les climatosceptiques s'en emparent. "Nouveau bug dans le narratif du réchauffement", s'énerve sur X François Asselineau, le président de l'Union populaire républicaine (UPR), qui ne croit pas au réchauffement climatique. "Voilà qui devrait appeler à la modestie ceux qui prétendent tout comprendre au climat", surenchérit Florian Philippot, le fondateur du mouvement Les Patriotes, sur Facebook. Mais ont-ils bien compris ?

Étude sur une possible "Niña Atlantique"

En vérité, l'étude ne conclut pas du tout que le réchauffement climatique n'existe pas. La mauvaise interprétation de l'étude vient de plusieurs éléments, dont une mauvaise titraille, un manque de connaissance sur l'Atlantique, et la volonté des climatosceptiques de trouver des preuves que le climat ne se réchauffe pas.

La première confusion vient du titre (changé depuis) d'un article paru dans le New Scientist : "The Atlantic is cooling at record speed and nobody knows why" ("L'Atlantique se refroidit à vitesse record et personne ne sait pourquoi"). Titre repris quasiment tel quel dans le Courrier international, dont la ligne éditoriale est de republier des articles de la presse du monde entier. Et c'est cet article du Courrier international (dont le titre a été changé depuis) qui a alimenté la confusion et surtout les volontés des climatosceptiques.

Cependant, l'étude, publiée sur un site gouvernemental américain et disponible ici (en anglais), ne parle pas de l'océan Atlantique dans son ensemble mais uniquement de l'eau à la surface dans la zone équatoriale, le long des côtes africaines. Pour bien comprendre ses conclusions, il faut d'abord savoir que cette zone de l'Atlantique se refroidit toujours à cette période de l'année, après avoir connu des températures maximales au printemps. C'est habituel. 

Ce que l'étude a constaté de nouveau, c'est que, cette année, la zone équatoriale de l'Atlantique s'est refroidie très vite, bien plus vite que d'habitude alors qu'elle avait connu des températures très chaudes, et un peu plus froides que la moyenne, avec 0,5 ou 1 degré de différence. Les scientifiques ne savent pas encore pourquoi.

Si cela dure, ce sera un phénomène climatique appelé "La Niña". C'est l'inverse du phénomène El Niño qui, lui, amène de la chaleur. Et c'est sur ça que porte en réalité l'étude de l'Agence américaine d'observation atmosphérique et océanique puisqu'elle est intitulée : "Une Niña Atlantique est sur le point de se développer. Voici pourquoi nous devrions nous y intéresser".

Aucune remise en cause du réchauffement climatique

Mais ces conclusions ne remettent pas en cause les milliers de preuves scientifiques du réchauffement climatique, ni le fait que l'Atlantique dans son ensemble ait battu des records de températures depuis le début de l'année, encore moins les records de températures battus sur toute la planète mois après mois.

Interrogé par l'AFP Factuel, l'auteur du rapport, Franz Philip Tuchen, explique que "cet épisode froid dans l'Atlantique équatorial ne doit pas être considéré comme un signe d'une diminution du réchauffement climatique, mais plutôt comme un écart de court terme", s'ajoutant à la tendance de fond du réchauffement climatique.

Quant au fait que les scientifiques ignorent encore les raisons de ce refroidissement rapide, il est nécessaire de rappeler que les chercheurs ne connaissent pas encore toute l'étendue des conséquences du réchauffement climatique sur les phénomènes météo El Niño ou La Niña. Mais ce qui est sûr, c'est que le dérèglement du climat dérègle aussi les océans.

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