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Pensionnats pour enfants autochtones : le Canada de nouveau confronté à son passé tragique

Le Canada est sous le choc après la découverte de 751 tombes près d'un ancien pensionnat pour enfants autochtones. Le pays ne s'est toujours pas réconcilié avec ces pages tragiques de son passé. 

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
751 tombes ont été découvertes près d'un ancien pensionnat pour enfants autochtones dans la province du Saskatchewan au Canada. (EYEPRESS NEWS / AFP)

Les tombes se trouvent dans la province de la Saskatchewan, sur le site d'un ancien pensionnat géré par l'Eglise catholique :  le pensionnat de Marieval, qui a fermé ses portes il a 25 ans. Ces tombes, on ne les voit pas à l'œil nu. Elles sont enfouies dans un immense terrain gazonné, sous une bonne épaisseur de terre. C'est grâce à un géoradar capable de détecter des objets dans le sous-sol que les chercheurs ont cartographié ce cimetière fantôme où l'on enterrait les élèves de l'établissement et les religieux. Les stèles portant mention des noms, des dates de naissance et de décès des enfants ont peut-être existé mais elles ont été détruites – il y a sans doute plusieurs dizaines d'années – pour empêcher toute identification des corps.

Pourquoi vouloir dissimuler ces morts ? Parce que les enfants de ce pensionnat font partie d'une tragédie plus vaste, d'un pan d'histoire qui a longtemps été refoulé dans les tréfonds de la conscience nationale. Pendant des dizaines d'années, jusqu'au milieu des années 1990, 150 000 enfants amérindiens, métis et inuits ont été arrachés à leurs familles, à leur langue et à leur culture ; ils ont été envoyés de force dans ce genre d'institution souvent surpeuplées et insalubres pour y être "assimilés". On disait "pour qu'ils s'intègrent à la société".

Tuberculose, mauvais traitements, racisme, violences sexuelles, etc. On sait aujourd'hui qu'au moins 4 000 de ces enfants sont morts prématurément dans ces établissements que le chef de la Fédération des nations autochtones souveraines de la province de la Saskatchewan, Bobby Cameronqualifie de "camps de concentration" : "on se souviendra du Canada comme d'un pays qui a essayé d'exterminer les Premières Nations".

Il y a un mois, dans un autre pensionnat en Colombie Britannique, les restes de 215 enfants ont été mis au jour. Une première découverte qui a bouleversé, traumatisé les Canadiens et justement déclenché de nouvelles fouilles un peu partout dans le pays, avec le soutien des gouvernements locaux.

Le Canada n'a pas encore réglé tous ses comptes avec le passé. Une "Commission de vérité et réconciliation" a été créée pour faire la lumière sur le système de ces pensionnats. En 2015 elle avait sorti un rapport accablant : non seulement elle dénonçait un "génocide culturel" de la part du Canada mais elle expliquait qu'en raison de la destruction volontaire des dossiers médicaux ou des registres des décès, on ne pourrait sans doute jamais connaître avec précision le nombre de victimes. 

Le silence de l'Église catholique

De leur côté, les experts en droits humains de l'ONU ont exhorté Ottawa et le Vatican à mener une enquête rapide et complète. Le gouvernement canadien a, lui, présenté des excuses officielles il y a plusieurs années. Mais les survivants des pensionnats autochtones qui sont aujourd'hui adultes attendent, eux, le pardon officiel du pape et de l’Église, silencieuse malgré les appels du Premier ministre Justin Trudeau.

Cette nouvelle découverte va sans doute raviver les tensions avec une communauté qui continue aujourd'hui d'être victime de discriminations au quotidien, en matière de santé, d'éducation, etc. Sur les terres autochtones de Colombie-Britannique la semaine dernière, deux églises ont été détruites par des incendies criminels. Un vrai travail de réconciliation mémoriel doit être lancé, et de toute urgence.

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