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Nicaragua : deux Françaises jugées pour "complot", la dérive dictatoriale du président Daniel Ortega

Au Nicaragua, une mère et sa fille vont être jugées pour complot contre l'État. Leur particularité : elles ont la double nationalité, française et nicaraguayenne. Elles sont surtout proches de l'opposition.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Daniel Ortega, président du Nicagua pendant son discours lors de la commémoration du 43e anniversaire de la fondation de la police nationale à Managua, le 28 septembre 2022. (JAIRO CAJINA / NICARAGUAN PRESIDENCY via AFP)

Jeannine Horvilleur, 63 ans, et sa fille Ana, 43 ans, sont à l'isolement dans une prison de Managua, "el Chipote", qui servait autrefois de centre de torture. Elles sont accusées d'avoir conspiré "pour porter atteinte à l'intégrité nationale" et d'avoir "diffusé de fausses informations". En réalité, les deux Franco-nicaraguayennes sont surtout coupables d'être la femme et la fille du leader de l'opposition au pouvoir du Nicaragua, Javier Alvarez.

Le jour de leur arrestation, il a réussi à prendre la fuite et à se réfugier au Costa Rica. Son gendre a également été arrêté. Les audiences préliminaires qui permettront de fixer une date de procès pour les deux femmes sont prévues les 13, 18 et 21 octobre.

En attendant, leurs proches n'ont "aucune information", ne savent "absolument rien", dit Javier Alvarez dans une interview au media Confidencial.

La répression monte d'un cran

Leur situation témoigne de l'escalade répressive dans laquelle s'est engagée le Nicaragua. Plus de 200 opposants sont déjà en prison ou en résidence surveillée. La plupart sont accusés de « trahison à la patrie », « blanchiment d’argent » ou « cyberdélits » selon les lois liberticides votées fin 2020.
En un an, une trentaine de journaux, radios et télévisions trop critiques ont été fermés, au moins 150 journalistes ont quitté le pays. La liste des ONG interdites s'allonge chaque jour (il y en a aujourd'hui plus de 2000).

Cet été, un évêque a été mis en résidence surveillée et des prêtres jetés en prison. Daniel Ortega ne pardonne pas à l'église d'avoir aidé des protestataires pendant les grandes manifestations contre le pouvoir qui avaient fait plus de 355 morts en 2018. Aujourd'hui, ce sont donc les proches des personnes recherchées qui deviennent des cibles à leur tour.

Les étrangers ne sont pas épargnés : le site France Diplomatie rappelle qu'il est "recommandé d’observer la plus grande réserve dans l’expression d’une opinion politique, y compris en ligne ou sur les réseaux sociaux. Il est déconseillé de se joindre à toute manifestation ou rassemblement. Pour rappel, la participation des étrangers à la vie politique du pays est interdite par la loi nicaraguayenne sous peine d’expulsion".

Isolement international

Le Nicaragua s'isole de plus en plus sur la scène internationale : l'ancien révolutionnaire sandiniste devenu dictateur, réélu en novembre pour un quatrième mandat - c'était facile, tous ses adversaires étaient en prison ou en exil et le taux d'absentation a atteint 80% - accumule les gestes d'humeur. 

Vendredi 30 septembre, Daniel Ortega a rompu ses relations diplomatiques avec les Pays Bas, qualifiant le gouvernement néerlandais d’"interventionniste" et de "néocolonial". La Haye venait d'annoncer son retrait d'un projet de financement d’hôpital, faute de progrès dans le pays en matière de respect des droits de l'homme. Le lendemain, des policiers escortent l’ambassadrice de l’Union européenne jusqu'à l'aéroport : au Conseil des droits de l’homme à Genève, un représentant des 27 a demandé à Managua de "restaurer" la démocratie. Adios la diplomate.

Ortega refuse aussi de laisser entrer le nouvel ambassadeur américain, qui a récemment employé le mot "dictature" au cours de son audition par le Sénat pendant sa procédure de nomination. En mars, l'homme fort de Managua avait même dégagé manu militari l’ambassadeur du Vatican, décision inédite dans le monde. Ses relations avec l'église sont très tendues depuis 2018.

Sa dérive lui vaut déjà depuis quatre ans toute une série de sanctions de la part de l'Union européenne et des États-Unis. Bruxelles, qui entend répondre "de manière ferme et proportionnée" à Managua, devrait les renforcer.

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