Cet article date de plus de deux ans.

Logiciel Pegasus : la police israélienne accusée d'avoir espionné des personnalités publiques

Une onde de choc frappe Israël après de nouvelles révélations dans l'affaire Pegasus. La police a utilisé le logiciel espion dans le pays pour pirater personnalités politiques et journalistes. A grande échelle et en toute illégalité selon un quotidien local.

Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Accueil du site web de NSO, l'entreprise à l'origine du logiciel Pegasus.  (MOURAD ALLILI / MAXPPP)

Depuis l'été dernier, grâce à un consortium de médias internationaux dont fait partie la Cellule investigation de Radio France, on sait que le logiciel Pegasus a servi à espionner les téléphones de chefs d'Etat, de militants ou de dirigeants d'entreprises dans le monde entier.

Lundi 7 février, Calcalist a remis une pièce dans la machine : le quotidien économique israélien assure que Pegasus a aussi été largement utilisé sur le sol israélien en dehors du cadre légal. Après de premières révélations en janvier, la police (après avoir longtemps nié) a reconnu avoir utilisé des technologies d'espionnage informatique sans mandat... mais sans nommer le logiciel. Pour la ministre de l’Intérieur, ces révélations sont un «tremblement de terre» pour l’Etat hébreu.

L'un des fils Netanyahu espionné

Une dizaine de noms sont cités. Journalistes, maires, hommes d'afffaires, militants des droits de l'homme, hauts fonctionnaires au ministère des transports, des finances, de la justice... Jusqu'à Avner, l'un des fils de l'ancien premier ministre Benyamin Netanyahu. 

Une fois installé, le logiciel permet de copier tous les messages, y compris ceux qui sont échangés sur des applis sécurisées; de mettre le téléphone sur écoute ou encore de faire de la géolocalisation. D'après Calcalist, ce cyber-espionnage a été pratiqué la plupart du temps avant même l'ouverture d'une enquête, donc sans autorisation judiciaire. Pégasus ou l'arme préférée de la police israélienne pour savoir tout sur n'importe qui, n'importe quand, en toute illégalité. Elle en a été équipée en 2013 mais son utilisation s’intensifie à partir de 2015. 

Dans quel but ? Par exemple pour mieux encadrer des manifestations qui risqueraient de dégénérer. C'est comme ça en tout ca que se défend l'unité Cyber de la police : selon elle, il lui fallait connaître le plan du parcours, le nombre de participants et les intentions des organisateurs. Pas seulement les anti-Netanyahou qui ont protesté pendant plus d'un an sous les fenêtres de sa résidence. Elle a aussi espionné des groupes de défense des personnes handicapées, qui défilaient pour réclamer une augmentation des allocations, ou encore des Israéliens d'origine éthiopienne qui protestaient contre les discriminations.

Contre certains responsables du gouvernement, Pegasus devait révéler s'il y avait eu fuite d'informations à des journalistes. Mais la majorité des des écoutes semblent liées à l'enquête qui a menée à l'inculpation de l'ancien premier ministre pour fraude, corruption et abus de confiance. Dans l'un de ces procès, plusieurs témoins ont été espionnés pour vérifier que leur témoignage était crédible et qu'ils ne cachaient pas d'informations.

Qui adonné l'ordre de toutes ces investigations extra-judiciaires ? A quel niveau les responsables politiques en avaient-ils connaissance ? Pour l'instant personne ne répond à ces questions. Tomer Gonen, auteur des révélations dans Calcalist, demande que ces piratages cessent immédiatement, qu'une enquête démarre rapidement et qu'elle commence par le bas de l'échelle, au niveau des policiers qui ont procédé aux écoutes puis qu'elles remontent la hiérarchie.

Un cyber-outil "contre le terrorisme, pas contre les citoyens"

Quelles conséquences après ce nouveau scandale ? L'actuel premier ministre, Naftali Bennett, promet "une réponse" ferme : "Ces cyber-outils ont été conçus pour combattre le terrorisme et la grande criminalité, pas pour être utilisés contre des citoyens." Le ministre de la sécurité publique annonce la création d'une commission d'enquête gouvernementale. 

Le président Isaac Herzog a eu ces mots : "Nous ne devons pas perdre notre démocratie. Nous ne devons pas perdre notre police. Et nous ne devons certainement pas perdre la confiance du public en eux.

Mais au fond, c'est moins l'utilisation de Pegasus qui est critiquée que son existence. Le groupe israélien de cybersécurité NSO, qui a créé le logiciel, n'a ni démenti ni affirmé l'avoir vendu à la police.

En visite aux Emirats, le commissaire en chef de la police continue quant à lui de nier. Kobi Shabtai a déclaré avoir ordonné une enquête interne sur des allégations qui n'ont selon lui trouvé "aucune preuve d'infraction à la loi". Selon la chaîne i24 NEWS, il a malgré tout écourté son séjour pour rentrer en Israël.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.