Le monde est à nous. Brexit, huitième round : les hostilités sont ouvertes !
On l'avait (un peu) oublié pendant la crise du coronavirus. Le Brexit est de retour ! Huitième rendez-vous de négociations à partir de mardi entre Britanniques et Européens.
Nouvelle session d'entraînement pour les deux équipes : mardi 8 septembre, ce sera la huitième rencontre de l'année entre les délégations britanniques et européennes. Et c'est aussi le coup d'envoi de la phase finale de ce processus de sortie de l'Union européenne qui a commencé... en 2016.
Depuis le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni n'est plus membre de l'Union européenne : il n'est plus représenté ni au Parlement ni à la Commission. Mais pour ce qui est de la relation commerciale entre Londres et les 27, rien n'est encore écrit, nous sommes en période de transition, et ce jusqu'à la fin de l'année.
Un accord d'ici la mi-octobre nécessaire, mais pas garanti
A partir du 1er janvier prochain, seuls deux scénarios sont possibles. Le premier : Londres et Bruxelles réussissent à définir ensemble un accord de libre-échange. Dans ce cas, coup de sifflet final : tout le monde a gagné ! Toutefois, et ce n'est pas un détail, il faut prévoir un peu de temps pour que les 27 ratifient le texte. Dans l'idéal les choses doivent donc être figées dès la mi-octobre, autant dire demain. Mais les négociations butent toujours sur la pêche et les conditions de concurrence équitable.
If only there was some way of knowing why Boris Johnson’s government is so keen on the countrycidal insanity of No Deal. https://t.co/SpH8y5NOxO
— David Schneider (@davidschneider) September 7, 2020
Si rien ne bouge et qu'aucun compromis n'est possible, les partis s'engageront dans le deuxième scénario, qui est à ce stade le plus probable. Sans accord, seules s'appliquent les règles de l'Organisation mondiale du commerce, avec des droits de douane élevés. Il ne s'agit pas du scénario rêvé pour des économies qui sortent très affaiblies par l'épidémie de coronavirus. Le PIB du Royaume-Uni a perdu 20% au deuxième trimestre ce qui représente la pire récession de toute l'Europe (la France est à -13,8% selon les chiffres de l'OCDE. D'ailleurs le nouveau mot à la mode outre-manche ce n'est pas le Brexit, ce n'est pas le Covid, c'est une nouvelle chose étrange entre les deux : le "Brovid". Les pro-européens, eux, lui préfèrent "britastrophe !"
CORRECTION BBC RADIO 4
— Peter Cook - Speaker, Author, Mentor, Consultant (@AcademyOfRock) August 29, 2020
The correct wording to describe #Corona crisis + #Brexit disaster is #Britastrophe not #Brovid
Please keep up
I'm available to explain on The Today programme @KatKatisha @dawspeter @16MillionRising @BBCRadio4 @DalbidEU @atatimelikethis #r4today pic.twitter.com/uolFqPKfs0
Boris Johnson met la pression
Est-ce de l'amateurisme ? Ou bien une vraie tactique échafaudée dans les vestiaires de Downing Street ? Depuis quelques jours les Britanniques appliquent un pressing offensif sur leurs adversaires : ce week-end, fait rare, le négociateur David Frost a donné une interview au Mail on Sunday. Il y prévient que son pays ne deviendra pas "un Etat vassal" de l'Union européenne.
A fascinating interview in the Mail on Sunday with Britain's EU negotiator, @DavidGHFrost, who tells the EU that we aren't scared to walk away if they continue to be so unreasonable.
— Leave.EU (@LeaveEUOfficial) September 6, 2020
Time to get real, @MichelBarnier, or we're gone by the end of the year: "Come what may!"
Lundi matin, c'est le patron du club lui-même qui en remet une couche. Boris Johnson fait savoir, via ses services de Downing Street, qu'il prendra la parole cet après-midi et que si aucun accord n'est trouvé au 15 octobre, eh bien tant pis, ce sera le fameux no deal, et on passera à autre chose. Même pas peur !
S'il n'y a pas d'accord de libre-échange entre nous, nous devrons l'accepter et passer à autre chose
Boris Johnson
BoJo fait du BoJo : il attaque pour ne pas être pris en défaut et joue les matamore face à son électorat, pour redire qu'il n'est pas question de toucher aux fondamentaux et de brader "l'indépendance du pays" - l'argument revient comme un leitmotiv.
Pour le Premier ministre conservateur, une absence d'accord n'empêcherait absolument pas le pays de faire de bonnes affaires et de renouer avec la croissance. Jeudi dernier, le gouvernement a d'ailleurs autorisé la construction en urgence de 29 parkings pour les poids lourds autour du tunnel sous la manche et des ports du sud de l'Angleterre, simplement "au cas" où le retour des contrôles aux frontières entraînerait des embouteillages monstres. Simple mesure de précaution ou préparation à un scénario qui semble inévitable ? Signe des inquiétudes grandissantes des investisseurs, la livre sterling s'est nettement orientée à la baisse lundi sur les marchés financiers.
Droit vers le no-deal ?
Depuis quelques jours, Londres multiplie les coups de bluff. Comme cette "exclusivité" du Telegraph, quotidien proche de Boris Johnson, qui assurait il y a quelques jours que Michel Barnier ne serait plus le négociateur européen. Une rumeur de plus (pour fissurer le clan européen ?), aussitôt démentie par Clément Beaune, le secrétaire français aux Affaires européennes.
#Brexit | Sans doute l’humour britannique dont @Telegraph ne se départ pas : évidemment, plein soutien au négociateur @MichelBarnier et à son mandat ! #FakeNews https://t.co/WXaQAb3jTW
— Clement Beaune (@CBeaune) September 5, 2020
Le dernier coup de pression est d'une toute autre importance : selon des fuites - bien organisées - le gouvernement britannique va présenter mercredi un texte qui rendrait sa souveraineté à la loi britannique sur certaines parties de l'accord signé en octobre. Un texte qui permettrait notamment "d'éliminer" la portée juridique des réglementations douanières en Irlande du Nord. Les dispositions en question prévoyaient le maintien de certaines règles européennes dans la province britannique afin de garantir l'absence de frontière physique et éviter la résurgence de tensions dans cette région.
Brexit: Boris Johnson to override EU withdrawal agreement https://t.co/xdmL3Mt0O4
— The Guardian (@guardian) September 7, 2020
Une porte-parole du gouvernement britannique explique : en cas de no-deal, "en tant que gouvernement responsable, nous envisageons des options de repli (...) afin de garantir la protection des communautés d’Irlande du Nord".
Il n'y aura pas d'accord avec le Royaume-Uni au détriment de l'Union européenne
Michel Barnier
On en saura plus mercredi, mais cette loi risque de torpiller les négociations commerciales en cours. Usant d'un ton encore diplomatique, le ministre des Affaires étrangères irlandais juge qu'un tel projet de loi serait une "manière très imprudente de procéder". Un diplomate européen, lui, sort le carton rouge et n'hésite pas à parler de "stratégie auto-destructrice".
Brexit : "Il n'y aura pas d'accord avec le Royaume-Uni au détriment de l'Union européenne", assure Michel Barnier https://t.co/tASDbSpuDR pic.twitter.com/H1p1XevCdm
— franceinfo (@franceinfo) September 7, 2020
Une autre source diplomatique à Bruxelles interrogée par l'AFP a ces mots : "Si Downing Street veut vraiment se jeter de la falaise du Brexit pour des raisons idéologiques, l'UE n'aura absolument aucun moyen d'empêcher ça. Si, d'un autre côté, l'approche du Royaume-Uni devient plus pragmatique et réaliste, il y aura probablement de bonnes chances de sauver les négociations et de s'entendre sur un accord en octobre". Le match est loin d'être terminé.
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