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Israël : une vente d'anciens tampons de tatouage des Juifs à Auschwitz suspendue par la justice

Un tribunal de Tel Aviv vient de suspendre une vente aux enchères polémique en Israël : des outils de tatouage utilisés par les nazis dans le camp d'Auschwitz pour marquer les prisonniers juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le numéro tatoué par les nazis sur le bras de Claude Bloch, rescapé du camp de concentration d'Auschwitz. (MAXIME JEGAT / MAXPPP)

C'est un lot de huit tampons à tatouer, similaires à ceux que l'on utilise pour marquer le bétail. Ils sont en acier dotées de piques un peu grossières qui dessinent un chiffre. On les trempe dans de l'encre indélébile avant de les enfoncer dans la chair.
Sauf que ces tampons-là n'ont pas servi dans une exploitation agricole. Mais au camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz, pendant la Seconde Guerre mondiale, pour tatouer les prisonniers d'un numéro sur l'avant-bras gauche. Matricule qu'il fallait apprendre par cœur en allemand à la place de son nom.

Ces tatouages sont devenus l'un des symboles les plus terribles de l'Holocauste, six millions de Juifs assassinés à travers l'Europe par le régime d'Adolf Hitler. Dont 1,1 million à Auschwitz.

La maison d'enchères Tzolman's vendait son lot pour un collectionneur privé. Avec les tampons il y avait aussi le manuel d'instructions fourni aux nazis par le fabricant, Aesculap. Le décrivant comme une pièce extrêmement rare, elle l'avait estimé entre 26 000 et 35 000 euros, somme sur laquelle elle devait prélever une commission de 25%.

Une vente "moralement inacceptable"

La vente, prévue le 9 novembre, a suscité l'indignation, en particulier auprès des autorités juives et des survivants de la Shoah qui la jugent "moralement inacceptable". L'Association juive européenne (EJA) a écrit au ministre de la justice, Gideon Saarc, pour lui demander d'empêcher une "humiliation faite aux victimes". On ne peut pas faire le commerce d’articles aussi sensibles, estime le rabbin Menahem Margolin, car cela encourage la vente et même la contrefaçon de souvenirs nazis. Il n'existe pas de loi en Israël qui réglemente ces pratiques.

Pour Dani Dayan, président de Yad Vashem, le mémorial mondial de l’Holocauste, c'est une évidence : "la seule place de ces objets historiques" est dans un musée. Ils ne sont pas destinés à finir entre les mains d'un propriétaire privé mais doivent servir de témoignage pour les chercheurs et le grand public.

Selon la maison de vente aux enchères il n'existe dans le monde que deux autres ensembles d'appareils à tatouer de ce genre. Il sont conservés au musée de la médecine militaire de Saint-Pétersbourg et au musée d'Auschwitz.

Plusieurs acheteurs intéressés

La vente est aujourd'hui suspendue après une décision d'un tribunal de Tel Aviv, saisi par des organisations d’aide aux survivants de la Shoah. La maison Tzolman n'a pas commenté cette décision. Mais en début de semaine le commissaire priseur, Meir Tzolman, a rappelé qu'il était lui-même petit-fils de survivants de l'Holocauste. Expliquant, sans convaincre, que la vente était un moyen de s'assurer que les pièces parviendraient entre de "bonnes mains", que plusieurs acheteurs s'étaient montrés très intéressés et qu'ils s'engageaient à en faire un don à un musée.

"Je suis le dernier à sous-estimer ou à diminuer la valeur de l'Holocauste", a-t-il déclaré à la radio de l'armée, selon le Times of Israel. "Je veux m'assurer que l'objet arrive dans les bonnes mains et ne disparaisse pas des pages de l'histoire".

Pour l'instant la vente est suspendue, pas annulée. L'audience qui doit trancher se tiendra le 16 novembre.

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