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Inde : après la vidéo de la "honte" de deux femmes humiliées, Narendra Modi rattrapé par des violences inter-ethniques

Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux a indigné toute l’Inde et obligé Narendra Modi à sortir du silence.
Article rédigé par Aurélien Colly
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Manifestation contre la violence sexuelle envers les femmes, à Imphal (Inde), le 21 juillet 2023. (- / AFP)

Il y a dix jours, le Premier ministre indien était l’invité d’honneur du défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées. Après de nouvelles commandes de Rafale et une légion d'honneur remise par le président français, il a doit désormais faire face à une vague de critiques à son retour en Inde. 

Tout est parti d’une vidéo, apparue la semaine dernière sur les réseaux sociaux, qui a provoqué une vague d’indignation dans tout le pays et contraint Narendra Modi à sortir d’un silence assourdissant qui durait depuis deux mois, depuis que l’état du Manipur est au bord de la guerre civile.

Femmes nues, viols collectifs, décapitations 

Dans cette vidéo, on voit une foule d'hommes armés, de l'ethnie dominante dans cet état, les Meiteis, majoritairement hindou, qui emmènent de force deux femmes, qui sont, elles, de la minorité des Kukis, principalement chrétienne. Les deux femmes sont nues, harcelées, humiliées, molestées. La scène est difficilement soutenable. 

L’enregistrement date du mois de mai, en pleine explosion de violence entre ces deux communautés. Bilan provisoire : au moins 120 morts et 60 000 déplacés, des dizaines d’églises et de villages incendiés, des viols collectifs, des décapitations… Mais ces exactions n’ont donné lieu à aucune enquête des autorités locales, qui ont coupé Internet ces deux derniers mois pour des raisons de sécurité. C’est aussi pour cette raison que cette vidéo ne sort que maintenant.

Indignation nationale

Ces images ont secoué l’Inde, entrainant des mobilisations et manifestations jusqu’à New Delhi, en particulier de militantes de la cause des femmes. Le Premier ministre a été accusé par le parti d’opposition du Congrès de fermer les yeux sur ces violences parce que les Meiteis sont majoritairement hindous, parce que le gouvernement régional du Manipur est aux mains du parti nationaliste hindou du Premier ministre, parce que le chef de ce gouvernement est lui-même Meiteis et membre du parti de Narendra Modi. Même la Cour suprême indienne a promis d’agir "si le gouvernement ne le fait pas". 

Muet depuis deux mois sur ces violences inter-ethniques, le Premier ministre indien est finalement sorti du silence, qualifiant la vidéo de "honte pour n’importe quelle société civilisée" et pour "toute la nation indienne". "L’indignation arrive tard", ont souligné plusieurs journaux indiens, alors que plusieurs arrestations ont enfin eu lieu ces derniers jours. "Il aura fallu un scandale sur les réseaux sociaux pour que l’appareil d’État bouge", a résumé de son côté le Times of India. 

Avant cette vidéo, avant l'arrivée à Paris du Premier ministre indien pour le 14 juillet, le Parlement européen avait tiré la sonnette d'alarme, en adoptant une résolution appelant l’Inde à protéger les minorités du Manipur. "Affaires internes", avait alors rétorqué la diplomatie indienne.

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