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Guerre en Ukraine : qui est l'impitoyable général Sourovikine, chargé par le Kremlin de relancer "l'opération spéciale" ?

Face aux revers de son armée en Ukraine, le Kremlin nomme un nouvel homme à la tête de "l’opération militaire spéciale" : Sergueï Sourovikine.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le président russe Vladimir Poutine décore le commandant des troupes russes en Syrie, le colonel général Sergei Surovikin, lors d'une cérémonie de remise de récompenses d'État aux militaires russes ayant combattu en Syrie, au Kremlin à Moscou, le 28 décembre 2017. (ALEXEI DRUZHININ / SPUTNIK / KREMLIN / POOL / SPUTNIK POOL)

Sur sa photo officielle, il se tient bien raide dans son costume vert kaki bardé de médailles. Regard noir, cou épais, crâne entièrement lisse... Il faut dire que, à 55 ans, Sergueï Sourovikine collectionne les états de service : Afghanistan, Tchétchénie, Syrie, une guerre qui en 2017 lui vaut titre de "héros de la Russie" - la plus haute des récompenses.

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Dans la foulée, il est promu patron de l'armée de l'air. En Ukraine, Sourovikine commandait déjà les forces armées du sud. Il avait été nommé général cet été.

Côté pile, il est surtout connu pour sa brutalité. "Impitoyable", dit même de lui le rapport d'un groupe de réflexion américain sur la politique de défense, la Jamestown Foundation. Sa "volonté d'exécuter vigoureusement tous les ordres l'emporte" sur toute autre question.

Bombardements contre des civils

En Syrie, Sourovikine est accusé d’avoir ordonné des bombardements sans discrimination contre les combattants anti-régime. Notamment à Idlib, comme le relève un rapport de l'organisation Human Rights Watch publié en 2020. En Ukraine, le chef du renseignement lui attribue des frappes à Odessa contre un immeuble et deux camps de vacances.

Mais sa notoriété sulfureuse ne s'est pas construite que sur les champs de bataille : en 1995, il est reconnu coupable de vol et de vente d’armes mais sa condamnation sera annulée. En 1991, lors d'une tentative manquée de coup d’État, il envoie son unité contre les barricades des manifestants pro-démocratie. Bilan : trois morts. Il passe quelques mois en prison, libéré par Boris Eltsine au prétexte qu’il avait "simplement suivi un ordre". 

"Pendant plus de 30 ans, la carrière de Sourovikine a été entachée d'allégations de corruption et de brutalité", ont écrit le renseignement britannique dans un récent rapport sur la probable promotion de Sourovikine, rapporté par le Guardian. Sa nomination, dimanche 9 octobre, a été saluée par une autre personnalité trouble proche du Kremlin : le chef des mercenaires de Wagner, qui salue "le commandant le plus capable de l’armée russe". 

Passer à la vitesse supérieure

Sa nomination a été rendue publique, ce qui est rarissime. Son prédécesseur n'avait pas eu droit à cet honneur, même si les médias russes évoquent le général Alexandre Dvornikov, lui aussi vétéran de la deuxième guerre de Tchétchénie et commandant des forces russes en Syrie. Elle a plusieurs objectifs : créer un choc psychologique – "donner un coup de fouet au moral des troupes" alors que depuis début septembre l'armée russe a perdu beaucoup de terrain dans le Donbass – et faire taire les critiques de plus en plus ouvertes – le patron du Comité de Défense de la Douma a appelé l'armée à "arrêter de mentir" sur ses défaites, expliquant que ça allait commencer à poser des problèmes de crédibilité.

C'est également une façon de donner des gages aux nationalistes purs et durs du gouvernement, le signal que les choses vont se durcir. "Il est hautement symbolique que Sergueï Sourovikine, le seul officier qui a ordonné de tirer sur les révolutionnaires en août 1991 et qui a effectivement tué trois personnes, soit maintenant en charge de ce dernier effort pour restaurer l'Union soviétique", a tweeté, samedi 8 octobre, Grigory Yudin, politologue et sociologue russe.  Sourovikine a le profil parfait pour venger l'affront de l'attaque du pont de Crimée

Moins de 24 heures après sa nomination, il y a eu des bombardements sur la ville de Zaporijjia. Lundi matin, c'est le centre de Kiev, épargné depuis le 26 juin, qui été touché par plusieurs explosions. Les villes de Lviv, Ternopil dans l'ouest et Dnipro dans le centre ont également été visées.

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