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Ethiopie : face à l'avancée des rebelles, les évacuations de Français s'accélèrent

En Ethiopie, la rébellion armée du Tigré qui veut prendre le pouvoir se rapproche de la capitale. L'évacuation des Français et des expatriés s'accélère.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Une rue de la capitale Addis Abeba (Ethiopie). (EDUARDO SOTERAS / AFP)

Mardi 23 novembre, la France a demandé à ses ressortissants de partir "sans délais"; plus de 200 personnes ont fait leurs bagages et quitté Addis Abeba sur des vols commerciaux, où des places avaient été réservées et payées par le ministère des affaires étrangères.
Mais c'était insuffisant pour évacuer les quelque 1 000 Français présents dans le pays. Un vol charter a donc été affrété en urgence cette nuit, pour ramener tout le monde à Paris. 

Les autorités ne peuvent pas garantir qu'un autre vol aura lieu avant l'arrivée des rebelles sur Addis-Abeba.

À moins de 200km de la capitale

Si les évacuations s'accélèrent, c'est parce que les combattants du Front de libération du Peuple du Tigré (nom d'une province du Nord qui veut faire sécession), en guerre depuis plus d'un an contre les forces gouvernementales, ont fait une percée fulgurante ces derniers jours. Ils seraient à moins de 200 kilomètres de la capitale.

La France n'est pas la seule, les autres pays aussi évacuent leurs ressortissants : l'Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis surtout, qui ont 30 000 personnes sur place. Ce sont eux qui donnent le tempo. Ils ont commencé les évacuations et déployé sur la base de Djibouti toute proche une quinzaine de gros porteurs qui se tiennent prêts.

En Israël, le gouvernement a donné son feu vert dimanche 28 novembre au départ de 3000 Ethiopiens dont les proches vivent en Israël. Annonce saluée par la ministre de l'Immigration, elle-même d'origine éthiopienne. En revanche la Chine, qui est très implantée dans le pays avec environ 15 000 ressortissants, n'a pour l'instant donné aucune consigne. On n'est pas encore dans un scénario similaire à ce qui s'est passé en Afghanistan cet été, quand les Talibans ont pris Kaboul par surprise et que les pays occidentaux ont évacué leur ressortissants dans la panique générale.

Opération communication

Mais la situation est très tendue, notamment vis-à-vis des expatriés. La semaine dernière des manifestants pro-gouvernement se sont rassemblés devant les ambassades américaine et britannique, accusant les deux pays de désinformation, leur reprochant de volontairement provoquer la panique en quittant le pays.

Il est interdit aujourd'hui de rendre compte du conflit en-dehors de la parole officielle. Et la parole officielle c'est celle du premier ministre Abiy Ahmed, ex-Prix Nobel de la Paix 2019 reconverti en chef de guerre.

Vendredi 26 novembre, quatre jours après avoir promis d'aller lui-même au front, il se montre sur le terrain, dans la région Afar, en tenue de camouflage et lunettes de soleil, radio à la main. Sur les images de la chaîne de télévision de la région oromo (sa région natale), on le voit à la tête d'une section qui inspecte la brousse. Face caméra, Abiy Ahmed assure l'opération communication : la progression des rebelles du Tigré, dit-il, est exagérée. "Nous sommes confiants, nous allons gagner. Le peuple est derrière nous".

L'annonce cette semaine de son départ au front pour mener les opérations militaires a notamment suscité le soutien d'artistes et d'athlètes, dont le légendaire marathonien Haile Gebreselassie, qui ont participé samedi à une cérémonie à Addis Abeba. "Vous êtes en train de complètement détruire l'ennemi, il n'y a pas de retour en arrière sans victoire", a déclaré M. Abiy à l'attention de l'armée, dans une vidéo de 34 minutes postée samedi sur Twitter par le bureau du Premier ministre. "Nous allons gagner, l'ennemi se disperse. (...) Jusqu'à ce que nous le détruisions, il n'y aura pas de repos".

Le pouvoir dans son ensemble ne cesse de dénoncer une couverture médiatique sensationnaliste, alors même que les journalistes et les ONG sont indésirables dans le pays et que les communications sur les zones de combatssont coupées. Cette guerre civile qui s'étend au-delà de la région du Tigré et qui a précipité dans la famine plusieurs centaines de milliers de personnes est une guerre sans images.

Un risque d'implosion

Les diplomates eux aussi sont visés : fin septembre, sept responsables de l'ONU ont été expulsés pour "ingérence" présumée dans les affaires du pays. La semaine dernière, c'était au tour de quatre diplomates irlandais, uniquement parce que leur pays avait apporté son soutien à l'appel du Conseil de sécurité des Nations unies pour un cessez-le-feu.

Ces dernières semaines, les efforts diplomatiques de la communauté internationale se sont intensifiés afin de tenter d'obtenir un accord. L'émissaire de l'Union Africaine pour la Corne de l'Afrique et son homologue américain se sont rendus une nouvelle fois en Éthiopie. "Sans solution politique", a prévenu le secrétaire d'État américain Antony Blinken, la mosaïque ethnique de 110 millions d'habitants qu'est l'Ethiopie risque tout s'implement "d'imploser".

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