États-Unis : pour balayer leur héritage raciste ou esclavagiste, les écoles de San Francisco veulent se débaptiser
Le conseil des écoles propose de changer le nom d'un tiers des écoles de la ville californienne. Les noms de Thomas Jefferson, George Washington, et même Abraham Lincoln et Thomas Edison risquent de se retrouver interdits de fronton.
Aux États-Unis, dans la foulée du mouvement Black Lives Matter pour les droits des Afro-Américains, les Américains se sont interrogés sur les symboles de leur passé raciste ou esclavagiste.
A San Francisco, en Californie, plutôt que de déboulonner les statues des généraux confédérés, le Conseil des écoles propose de débaptiser tous les établissements scolaires publics qui portent un nom controversé.
Une école sur trois doit changer de nom
Un petit groupe de travail, constitué d'enseignants, d'élèves et de parents (mis sur pied il y a déjà trois ans, mais jusqu'ici relativement inactif), a phosphoré pendant 7 heures, à la fin du mois de janvier. Son verdict : 44 établissements (soit un sur trois) doivent changer de nom.
San Francisco voted this week to rename 44 of its #schools to purge the district of homages to what it said were controversial people with ties to racism, sexism or slavery: https://t.co/yGfw9MUkn1 pic.twitter.com/cCi5OdeA1b
— InnerCityInnerChild (@Innercitychild) February 4, 2021
Pourquoi ? Parce qu'ils portent tous un nom qui n'est plus du tout en odeur de sainteté : père fondateur de la République jugé trop tolérant vis-à-vis de l'esclavage, conquistador, missionnaire espagnol, raciste ou oppresseur en tout genre ayant, plus ou moins récemment, bafoué les droits des Amérindiens, des Noirs, des immigrés, des homosexuels, des femmes, des enfants... voire des animaux.
"Il est grand temps que nous racontions notre histoire avec des symboles de persévérance, de diversité, et de tolérance", plutôt que de "racisme et de division" dit le comité, qui ne fait pas dans la nuance : à San Francisco, il ne doit plus y avoir selon lui ni d'école Thomas Jefferson ni de collège George Washington.
Pas non plus de lycée Abraham Lincoln ! Certes le 16è président américain a aboli l'esclavage, mais a aussi, en 1862, ordonné la pendaison simultanée de 38 guerriers sioux lors de ce qui reste la plus grande exécution publique de l'histoire des États-Unis.
Plus de Thomas Edison ni de Robert Louis Stevenson
D'autres noms sont mis à l'index, tel celui de l’écrivain Robert Louis Stevenson, auteur de L'Île au trésor et de L'Étrange cas du Docteur Jekyll et de M. Hyde, car certains de ses écrits sont aujourd'hui jugés racistes.
Même celui de Thomas Edison, l'inventeur de l'ampoule électrique, accusé d'avoir électrocuté plusieurs animaux, dont Topsy, une éléphante de cirque très populaire à l'époque.
80% des parents approuvent les propositions de ce groupe de travail. Malgré leur coût : au moins 10 000 dollars par école, car il faut repeindre les façades, changer le flockage des tenues de sport, des uniformes et toute la paperasse.
Les familles et le personnel ont par ailleurs jusqu’à la mi-avril pour proposer un nouveau nom. A entendre l'un des conseillers, Kevine Boggess, il faudrait même ne plus donner de noms de personnalités aux écoles. "C’est faire des héros de simples mortels", dit-il. "La manière dont nous décidons des noms de nos écoles doit refléter nos véritables valeurs. »
L'urgence ? Plutôt le coronavirus !
Néanmoins cette initative, parfois qualifiée de véritable "purge", est loin de faire l'unanimité. La maire de San Francisco, London Breed, n'a d'ailleurs pas fait preuve d'un enthousiasme débordant.
L'urgence, pour elle, c'est plutôt la pandémie : cela fait presque un an que les cours se font uniquement à distance, qu'il faut s'occuper des élèves qui risquent de décrocher, se pencher sur le protocole de réouverture des écoles. Et puis le district ne roule pas sur l'or : son déficit pour 2021 s'élève déjà à près de 75 millions de dollars...
San Francisco Mayor London Breed criticizes school board's COVID plan as they rename 44 schools https://t.co/5g2ki0sQ0J
— Newsweek (@Newsweek) January 28, 2021
Les critiques portent aussi sur la méthodologie du groupe de travail mis sur pied par le Conseil des écoles. Il n'a tenu compte ni du contexte historique, ni du parcours global des personnalités, se focalisant parfois sur des détails. Dommage, regrettent certains, qu'ils aient cherché sur Wikipedia plutôt que de faire appel à des historiens...
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