En Tunisie, le président aux pleins pouvoirs Kaïs Saïed est critiqué mais très populaire
Il y a un mois, le président tunisien s’octroyait les pleins pouvoirs pour débloquer la situation politique du pays. Depuis, il n’a toujours pas nommé de Premier ministre et a lancé une chasse anti-corruption, avec l’aval d'une grande partie de la population.
Le 25 juillet, le président Kaïs Saïed s’octroyait les pleins pouvoirs après deux ans de paralysie politique. Depuis un mois, le président s’est lancé dans une "purge" anti-corruption, et la manière inquiète la communauté internationale. Plusieurs responsables politiques, magistrats, hommes d’affaires sont actuellement visés par des arrestations et assignés à résidence. Sans justification. Certains ont essayé de se rendre à l’aéroport mais ont été empêchés de quitter le pays.
Une quarantaine de magistrats dénoncent dans un communiqué une "affreuse atteinte gratuite et sans précédent de la liberté de circulation." L'immunité des Parlementaires a été levée. Le parti Ennahdha et ses membres, principale force parlementaire du pays, est particulièrement visé. Certains médias également. Au lendemain du coup de force du président, la chaîne Al-Jazeera, prétendument proche du mouvement islamiste a été fermée.
Kaïs Saïed assure respecter la Constitution
Comment le président tunisien justifie-t-il ces mises à l’écart ? Parce que la Constitution, c’est lui ! Kaïs Saïed, théoricien du droit, connait parfaitement les rouages des textes de lois. Et depuis qu’il est élu, il se présente comme l’interprète ultime de la Constitution adoptée en 2014, au lendemain des Printemps arabes.
Pour expliquer les assignations à résidence, il répète qu’il ne fait qu’agir "dans le cadre de la loi", et s’appuie sur l’article 80. Cet article permet d’envisager des mesures exceptionnelles en cas de "péril imminent" à la sécurité nationale. La justification parfaite pour ses "mesures exceptionnelles". Pour Kaïs Saïed, "la liberté de déplacement" est évidemment un "droit constitutionnel", mais, nuance-t-il lors d’une prise de parole la semaine dernière, "certaines personnes doivent rendre des comptes à la justice avant de pouvoir voyager". Mais pour une professeur tunisienne en droit public, Sana Ben Achour, cela s’appelle un "coup d’État", une dérive autoritaire.
Des Tunisiens exaspérés par leur classe politique
La population soutient très majoritairement le président. Mais les Tunisiens ne sont pas aveugles pour autant. Pour l’instant, les voix dissidentes ne se font pas trop entendre car la popularité de Kaïs Saïed est énorme. Un mois après le "coup de force" du président, la population tunisienne lui fait confiance. Elle est même "soulagée" que le gel des activités du Parlement soit prolongé "jusqu’à nouvel ordre", comme le président l’a annoncé mardi. Ils sont soulagés car ils étaient épuisés de voir les députés s’écharper – quand il y avait des députés : très souvent le Parlement était à moitié vide.
La Tunisie vie une sorte de "coup d’État" avec l’aval populaire. Une telle adhésion permet à Kaïs Saïed de garder sereinement les pleins pouvoirs. Il n’a toujours pas nommé de Premier ministre et n’a pas non plus donner sa feuille de route. Certains pensent qu’il n’arrive pas à former un nouveau gouvernement, d’autres disent qu’il prend du temps. Il assure en tout cas vouloir prendre la parole "dans le prochains jours".
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