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Tunisie : après la crise sanitaire, la crise politique ?

Dans la nuit de dimanche à lundi, le président Kaïs Saïed a suspendu le Parlement et limogé le chef du gouvernement.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Manifestation à Tunis pour célébrer la décision du président tunisien Kaïs Saïed qui décide la suspension du Parlement et la déstitution du Premier ministre, le 25 juillet 2021. (FETHI BELAID / AFP)

C'est la fin surprise d'un bras de fer qui durait depuis des mois en Tunisie. Dimanche 25 juillet, des milliers de Tunisiens descendent dans les rues. Exaspérés par la crise sanitaire et la gestion de la pandémie, ils réclament la démission du gouvernement et la dissolution du Parlement.

Des exigences entendues par le président, Kaïs Saïed, qui annonce vers 23h qu'il limoge le chef du gouvernement et suspend les travaux du Parlement pendant 30 jours. Il a d'ailleurs fait ces annonces sur Facebook, réseau social très utilisé par les jeunes qui ont manifesté. Il décide aussi d'assurer lui-même le pouvoir exécutif en attendant de nommer lui-même un nouveau chef du gouvernement, alors que selon la nouvelle Constitution, le président tunisien ne s’occupe que de diplomatie et de sécurité.

Lutte de pouvoir

Le pays est politiquement paralysé depuis 2019. Lors d'une double élection, les Tunisiens élisent cette année-là avec plus de 72,71%, un président, Kaïs Saïed, farouchement indépendant des partis. Au Parlement, en revanche, aucune majorité ne se dégage. Le parti Ennahdha devient l'un des principaux. Commence alors une lutte de pouvoir entre Kaïs Saïed et le gouvernement, soutenu par Ennahdha. Aujourd'hui, le président a pris le dessus. Il justifie ses décisions en assurant les avoir prises pour "sauver la Tunisie, l'État et le peuple tunisien". De nombreux habitants sont descendus dans les rues dimanche soir pour célébrer la nouvelle, malgré le couvre-feu.

Le parti Ennahdha dénonce, lui, "un coup d'État". En signe de défiance, son chef de file au Parlement, Rached Ghannouchi, a tenté d'entrer au Parlement lundi pour organiser une session, mais l'armée l'en a empêché. "Je suis contre rassembler tous les pouvoirs entre les mains d'une seule personne", a-t-il déclaré, appelant les Tunisiens à descendre dans la rue, comme ils l'avaient fait en 2011, pour contester la décision de Kaïs Saïed. Des dizaines de partisans du parti islamiste étaient autour du Parlement protégé par la police.

Afflux de dons

Ce sont ces luttes de pouvoir qui ont notamment mené à la catastrophe sanitaire que vit la Tunisie aujourd’hui, d’où la montée de la colère sociale. Avec 18 000 morts pour 12 millions d'habitants, la Tunisie a l'un des pires taux de mortalité officiels au monde. Et les infrastructures hospitalières sont dans l'incapacité de répondre à l'urgence. Les tensions entre le président et le gouvernement ont jusqu'à présent désorganisé les pouvoirs publics et ont empêché une réaction rapide.

Mais les perspectives sanitaires semblent meilleures. Grâce aux dons, la Tunisie passe par exemple de 90 lits de réanimation à 500. Et plus de 3,2 millions de doses de vaccin sont arrivées la semaine dernière, notamment données par la France, la Chine, les Émirats arabes unis.

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