Cet article date de plus d'un an.

En Iran, on empoisonne les filles qui vont à l'école

S'agit-il d'une nouvelle méthode pour mater la contestation ? En Iran, les autorités viennent de reconnaître que plusieurs centaines de jeunes filles ont été intentionnellement intoxiquées ces derniers mois dans leur établissement scolaire.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Des étudiantes dans une université de Teheran (Iran), le 25 juin 2009. Photo d'illustration. (MONA HOOBEHFEKR / ISNA)

À cette échelle, ça devenait difficile de faire croire à un simple concours de circonstance : selon les médias locaux, plus de 800 élèves ont été touchées à travers le pays. La ville religieuse de Qom est particulièrement visée. Depuis la fin novembre, une dizaine d'établissements réservés aux filles ont rapporté des intoxications collectives causées par l'inhalation d'un gaz pendant les cours. Évanouissements, maux de tête, nausées ou vomissements, faiblesse généralisée... Les collégiennes ou les lycéennes finissent systématiquement à l'hôpital.

>> Iran : comment la violente réponse du régime a étouffé les manifestations, sans éteindre la colère de la société

Qom, Téhéran, Ispahan, Borujerd...

Le même phénomène a été relevé à Téhéran, Ispahan et Borujerd. Dans cette ville de l'ouest, le lycée pour filles a fermé ses portes jeudi après deux journées d'empoisonnement consécutives. Quand il a rouvert samedi, rebelote, 44 élèves ont de nouveau dû être prises en charge dans des centres de soin.

On ne sait pas avec quel gaz elles ont été intoxiquées. Il faut dire que les autorités ont mis du temps avant de prendre les choses au sérieux. Au début, le ministre de l'éducation a parlé de "rumeurs", affirmant que les élèves conduites à l'hôpital souffraient "de maladies sous-jacentes". 

Il a fallu que les familles manifestent leur colère devant le siège du gouvernorat de Qom le 14 février, pour qu'une enquête soit enfin ouverte : le lendemain, le porte-parole du gouvernement, Ali Bahadori Jahromi, annonçait que "les ministères des Renseignements et de l'Éducation coopéraient" pour trouver l'origine de l'empoisonnement.

On a parlé de monoxyde de carbone, de gaz à odeur de mandarine... Au lycée de Monirieh à Téhéran, les élèves racontent avoir plutôt senti l'odeur d'un spray au poivre, certaines se plaignant de brûlures aux yeux. Le vice-ministre de l'éducation, Youness Panahi, qui a donné une conférence de presse dimanche 26 février, s'est contenté d'expliquer qu'il s'agissait "de composés chimiques disponibles" sur le marché (donc "pas d'usage militaire") et qu'on savait comment les traiter.

Il a surtout reconnu que "certains individus voulaient que toutes les écoles, en particulier les écoles de filles, soient fermées". Mais aucune interpellation n'a été annoncée.

Une méthode utilisée en Afghanistan

Cette méthode des intoxications collectives a déjà été utilisée par les talibans en Afghanistan. Comme en 2015, quand 600 élèves de la province d'Herat avaient été intoxiquées par un produit répandu dans les salles de classe ou que dans certaines écoles, c'est l'eau du puits qui avait été empoisonnée.
En Iran, l'éducation pour tous est obligatoire ; dans les universités, les filles représentent même 55 % des étudiants.

Mais les extrémistes religieux préféreraient les voir rester à la maison, encore plus depuis le 16 septembre et la mort de Mahsa Amini, arrêtée par la police parce qu'elle ne portait pas correctement le hijab. Car ce sont les femmes et les jeunes filles qui portent la contestation, contre le port du voile et contre le régime des mollahs. Pour certains militants, les extrémistes religieux veulent se substituer à la police des mœurs - dissoute en décembre - et cherchent par tous les moyens à empêcher la poursuite du soulèvement.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.