Au Texas, la Cour suprême donne raison aux anti-avortement
Aux États-Unis, la Cour suprême a refusé, jeudi 2 septembre, de suspendre une loi du Texas qui interdit l’avortement après six semaines de grossesse. Une victoire majeure pour les ultra-conservateurs.
C'est la première fois que la Cour suprême refuse de retoquer une loi qui restreint autant l'avortement. Douze États américains avaient déjà tenté de faire passer des textes comparables : jusqu'ici, elle les avait tous invalidés.
La donne a changé. Trois nouveaux juges ouvertement "pro-life" ("pro vie"), ont été nommés par Donald Trump pendant son mandat. L'institution, par ailleurs de plus en plus politisée, est devenue majoritairement conservatrice, même si cette fois-ci la décision s'est jouée à une seule voix. Cette décision est donc aussi une victoire a posteriori pour l'ancien président et ses alliés.
Certes, la haute juridiction ne se prononce pas sur la constitutionnalité de la loi, mais elle invoque "des questions de procédures complexes et nouvelles" qui permettent de la laisser en place tant que la bataille judiciaire se poursuit, notamment devant les tribunaux de l'État. "Le combat pour le droit à l'avortement des jeunes continue", affirme cette association, Jane's Due Process.
We're overwhelmed with the outpouring of love we've gotten today from our community. Glad to have y'all in this fight with us.
— Jane's Due Process (@JanesDueProcess) September 1, 2021
Remember: if you're under 18, in Texas, and seeking information on abortion access, we're open. Call us. 866-999-5263
The work doesn't end today. pic.twitter.com/swbKXxRJ1z
En attendant, les cliniques texanes qui pratiquent l'IVG ont suspendu leur activité, contraintes de renvoyer leurs patientes vers d'autres États aux lois moins répressives. "Les patientes sont effrayées, confuses, en colère", explique à l'AFP Vanessa Rodriguez qui supervise les centres d'appels de Planned Parenthood au Texas. "On fait de notre mieux pour essayer de les aider... On cherche des rendez-vous au Colorado, dans l'Oklahoma, le Kansas, le Nouveau-Mexique..."
85% des avortements pratiqués désormais illégaux
Cette loi, entrée en vigueur 24 heures avant que la Cour suprême ne prenne sa décision (fait rarissime), stipule que l'avortement est illégal dès que le pouls de l’embryon est perceptible, autour de la sixième semaine de grossesse. On l'appelle "la loi du battement de cœur". Or à six semaines, la plupart des femmes ne savent même pas qu'elles sont enceintes. Concrètement, 85% à 90% des avortements aujourd'hui pratiqués au Texas deviennent hors-la-loi. Cela concerne 45 000 femmes par an.
Le texte, qui s’applique même en cas de viol ou d’inceste, a une autre particularité : il permet aux citoyens de porter plainte contre tous ceux qui favorisent une IVG illégale, si vous ne faites qu'accompagner une amie à la clinique par exemple, vous pouvez être condamné. À la clé, il y a une récompense de 10 000 dollars pour le délateur.
La loi ravit les républicains et les milieux religieux ; elle est "scandaleuse" dit de son côté le président américain, Joe Biden, qui promet de continuer à "protéger" le droit des femmes à avorter. Sa vice-présidente, Kamala Harris, dénonce une entrave à l'avortement "pour les près de sept millions de Texans aujourd'hui en âge de procréer".
“This all-out assault on reproductive health effectively bans abortion for the nearly 7 million Texans of reproductive age.”
— ABC News (@ABC) September 1, 2021
Vice Pres. Harris issues a statement after the most restrictive abortion law in the nation took effect in Texas. https://t.co/BL1W9a7Rls pic.twitter.com/iEkXuHu8nm
"Les républicains avaient promis de faire tomber Roe v. Wade et ils ont réussi", a immédiatement tweeté l'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez, en référence à l'arrêt emblématique de la Cour suprême qui, en 1973, a reconnu le droit à l'avortement aux États-Unis.
Un coup de barre à droite
Ce "coup de barre" à droite du Texas se traduit par deux autres lois controversées, sur le port d'armes et le droit de vote. Officiellement destinée à lutter contre la "fraude", la réforme de la loi électorale complique en réalité le vote des minorités, notamment des Latinos et des Afro-Américains, traditionnellement démocrates. Elle interdit le droit de vote vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le vote "drive-in" depuis sa voiture ou encore l’envoi d’un formulaire par correspondance si celui-ci n’a pas été demandé par l’électeur.
Les députés démocrates ont tout fait pour empêcher qu'elle soit votée. Une cinquantaine d'entre eux est même allée jusqu'à quitter le Texas plusieurs jours en juillet pour que le quorum ne soit pas atteint et que le vote n'ait pas lieu. Mais d'autres sessions ont été programmées, ça n'a fait que retarder l'échéance.
Le port d'armes possible sans permis
Par ailleurs au Texas depuis le 1er septembre, il est possible de porter ouvertement une arme à feu en public, même sans permis et sans entraînement. Il suffit d'avoir plus de 21 ans.
After the attack on El Paso, @GovAbbott promised that he would take action against gun violence.
— Rep. Veronica Escobar (@RepEscobar) June 17, 2021
Almost two years later, he has chosen to betray the victims of gun violence and legislators who believed him, proving he is neither a man of his word nor a leader with courage. https://t.co/c5ylfI4T2Y
La loi avait été signée en mai dernier. "Après l'attaque d'El Paso, le gouverneur Abbott avait promis qu'il prendrait des mesures contre la violence armée. Quasiment deux ans plus tard, il a choisi de trahir les victimes de la violence par armes à feu et les élus qui l'ont cru, prouvant qu'il n'est ni un homme de parole ni un leader courageux", dénonce sur Twitter Veronica Escobar, élue texane à la Chambre des représentants.
Des signaux à visée politique
Tous ces signaux très appuyés à destination des ultra-conservateurs ont pour objectif de faire du Texas un petit paradis pour les Trumpistes.
L'ambitieux gouverneur Greg Abott, qui s'est donné pour mission de lutter "contre le socialisme” dans le "Lone Star State", se met en effet dans les pas de l'ancien président républicain. Il vise sa propre réélection à la tête du Texas en 2022 et prépare (sans le dire officiellement) le terrain pour la présidentielle de 2024.
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