Allemagne : le climat social se dégrade, la situation économique et politique aussi

En Allemagne aussi, les agriculteurs sont dans la rue. En outre, les trains sont à l’arrêt pendant six jours, tout cela dans un pays dont on a si souvent vanté la culture du compromis.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Panneau d'information sur la grève des conducteurs de train, à Brême (Allemagne) le 26 janvier 2024 (SINA SCHULDT / DPA)

L'Allemagne connaît en ce moment deux conflits sociaux d'ampleur. En premier lieu un bras de fer entre la Deutsche Bahn et le syndicat GDL des conducteurs de train, qui refuse de négocier et reste ferme dans ses revendications : passage à la semaine de 35 heures au lieu de 38, prime de 2 850 euros pour compenser l’inflation et augmentation de salaire de 555 euros par mois.

En parallèle, le mouvement des agriculteurs ne faiblit pas contre les mesures d’économie du gouvernement. Les exploitants dénoncent notamment la suppression des avantages fiscaux sur le diesel agricole. La fin de cette niche fiscale permettra au gouvernement de récupérer un peu plus de 900 millions d’euros, de quoi combler une partie du lourd déficit budgétaire. Mais pour certains agriculteurs, cela signifie une perte annuelle de parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Tous ces conflits font mal à la première économie européenne, d’autant que c’est déjà le quatrième mouvement à la Deutsche Bahn depuis novembre 2023. Cette fois, selon un économiste, la facture de ces 144 heures d’arrêt de travail pourrait atteindre un milliard d’euros. Le ministre des Transports qualifie la grève de "destructrice", avec un impact évidemment pour des centaines de milliers de voyageurs mais aussi pour d’autres pans de l’économie, dont l’activité dépend étroitement du transport ferroviaire, comme l’automobile, la chimie, la sidérurgie… Et ce ne sont là que quelques exemples, car avec ses six corridors de fret européens, l’Allemagne est une plaque tournante pour le trafic de marchandises.

Selon la Deutsche Bahn, il faudra plusieurs jours, peut-être même davantage, pour que le réseau européen soit à nouveau opérationnel.

Ces mouvements expriment une "peur de l'avenir"

C'est la culture du compromis, si chère à l’Allemagne, qui vacille : cette capacité à désamorcer les conflits avant qu’ils s’enveniment est mise à l’épreuve car le climat social est tendu, analyse Marcel Fratzscher, président de l’institut allemand de recherches économiques (DIW) : "Beaucoup de gens ont peur de l'avenir. Peur pour leur emploi, peur pour leurs revenus. L’Etat allemand a distribué beaucoup d’argent aux citoyens et notamment au secteur industriel, pendant la crise sanitaire et pendant la crise énergétique.  Et la population attend que le gouvernement continue à voler à son secours. C’est tout simplement irréaliste. Et cela conduit à cette grande frustration."

Pour le chancelier Olaf Scholz et sa coalition, ces mobilisations annoncent une année difficile. Avec un parti en embuscade, l’AfD, l’extrême-droite allemande, qui espère profiter de la défiance vis-à-vis du gouvernement alors que plusieurs scrutins régionaux sont prévus cette année.

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