Reportage "Si ça continue, on va tous faire faillite" : en Allemagne, les agriculteurs multiplient les actions et saluent "le courage des Français"

De nombreux agriculteurs allemands manifestent depuis début janvier contre la fin de certains avantages fiscaux. Mais certains en viennent à douter de l'efficacité de leur mouvement, alors que la contestation prend de l'ampleur en France.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des agriculteurs mobilisés avec leurs tracteurs près du Reichstag, le Parlement allemand, le 20 janvier 2024 à Berlin. (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

La grogne, partout. Alors que la mobilisation du monde agricole s’étend en Europe, en Allemagne, d'où est partie la contestation, les exploitants multiplient les blocages des centres-villes et des autoroutes depuis plus d’un mois. Très mobilisés, ils protestent notamment contre la suppression d’avantages fiscaux sur le diesel agricole. Comme en France, tous ont le sentiment d’être abandonnés et incompris.

Dans son exploitation à 200 km au sud de Berlin, Alexander Otto élève 400 vaches laitières et produit aussi des céréales. À 34 ans, le jeune agriculteur emploie 45 salariés. Et il a fait ses calculs : la fin de l’exonération sur le diesel lui fera perdre 100 000 euros chaque année. "Nous avons 25 tracteurs, quatre moissonneuses-batteuses. Avec l’interdiction du glyphosate qui est en suspens, on doit travailler de plus en plus avec les machines, donc on a besoin de plus de diesel. Avec l'augmentation des frais de personnel et du fourrage, c'est difficile." Le jeune exploitant a donc dû se résigner à reporter ses investissements et notamment l’installation d’une nouvelle salle de traite.

"Une bureaucratie poussée à l'excès"

Près de Leipzig, Diana Lehmitz cultive de l’orge, du blé, du colza, du maïs... Elle est allée manifester plusieurs fois à Dresde. "Nous sommes mécontents depuis des années, nous avons tellement de réglementations, tellement d’interdictions et une bureaucratie poussée à l’excès. C’est vraiment pesant", reconnaît-elle.

"Nous sommes restés silencieux trop longtemps, bien trop longtemps"

Diana Lehmitz

à franceinfo

À Dahme, à 2 heures de Berlin, la mobilisation ne faiblit pas. Ce soir-là, 300 agriculteurs se sont donné rendez-vous, les gyrophares d’une soixantaine de tracteurs scintillent dans la nuit. Les pieds dans la neige, Guido se réchauffe près du grand feu de camp. "Il faut continuer. On ne peut pas baisser les bras maintenant, estime-t-il Je suis travailleur indépendant, ma femme aussi et on ne s’en sort plus. Si ça continue, on va tous faire faillite. Le gouvernement ne veut pas voir ce qu’il se passe dans la rue."

"On observe avec envie à la télévision le courage des Français"

Certains agriculteurs s’interrogent sur l’efficacité de leur rassemblement. Après un mois de blocage, ils n’ont rien obtenu. La mobilisation des agriculteurs français inspire Marco, 53 ans. "Nous, les Allemands, nous sommes trop sages. On observe avec envie à la télévision le courage des Français et les actions qu'ils mènent pour attirer l'attention. Avec les 'gilets jaunes', les agriculteurs, ils ont coupé les routes, ils ont fait des feux, déversé du fumier et on se dit : 'oh, on devrait le faire aussi'. Mais nous n'osons pas..."

Ces derniers temps, le parti d’extrême droite AfD multiplie les signes de soutien aux agriculteurs, à quelques semaines des élections régionales. Le chancelier Olaf Scholz a condamné toute tentative de récupération du mouvement.

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