Reportage "Ils vont détruire l'agriculture allemande" : à Berlin, des milliers de tracteurs et des agriculteurs en colère contre la baisse des aides publiques

Une mobilisation géante des agriculteurs allemands est prévue à Berlin, lundi 15 janvier. Depuis une semaine ils sont des centaines à manifester contre la fin annoncée de plusieurs subventions et allégements fiscaux.
Article rédigé par Sébastien Baer
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
10 000 manifestants et 5 000 tracteurs sont attendus lundi 15 janvier 2024 près de la porte de Brandebourg, à Berlin. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO)

Lundi 15 janvier est annoncé comme l'apogée du mouvement de colère des agriculteurs allemands. Depuis une semaine, ils sont plusieurs milliers à bloquer les centres-villes et les autoroutes pour protester contre la fin annoncée de plusieurs subventions et allégements fiscaux. Condamné à combler un déficit de plusieurs milliards dans son budget, le gouvernement explique qu’il n’a pas d’autre choix. Au moins 5 000 tracteurs sont attendus lundi à Berlin. Ils vont rejoindre ceux qui "campent" depuis déjà une semaine dans la capitale allemande.

Les visages sont fatigués après plusieurs nuits passées par certains dans leur tracteur et le froid glacial de l'hiver en Allemagne. Mais la détermination est toujours là, Tim a garé son tracteur à 200 mètres de la porte de Brandebourg à Berlin.

Depuis début janvier 2024, ils sont plusieurs milliers à bloquer les centres-villes et les autoroutes en Allemagne pour protester contre la fin annoncée de plusieurs subventions et allégements fiscaux pour les agriculteurs. (SEBASTIEN BAER / FRANCEINFO)

Sur la banderole accrochée à l’avant, il a écrit "Agriculteurs libres". "On est en colère parce qu'on risque de perdre notre travail. Les politiciens ne savent pas ce qu'ils font, ils vont détruire l'agriculture allemande. Il faut qu'ils se ressaisissent. Si ça continue comme ça, tout sera importé. Je resterai ici le temps qu'il faudra, peu importe le temps que ça durera", dit-il.

"Si rien ne change, pour beaucoup c'est la fin."

Tobias Leppin, leader du mouvement berlinois

à franceinfo

Face aux protestations, le gouvernement a adouci ses projets. L’avantage fiscal sur le diesel agricole sera supprimé progressivement et non en une fois, comme prévu initialement. Insuffisant pour Tobias Leppin, qui a pris la tête du mouvement berlinois. "Pourquoi s'en prendre toujours aux agriculteurs ? Pourquoi on devrait payer plus de taxes ? Nous sommes les seuls à ne pas pouvoir imposer nos prix donc on ne peut pas compenser", déplore-t-il. 

Un mouvement soutenu par sept Allemands sur dix

Pour tenir, le chef du syndicat d’agriculteurs DBV a demandé l’appui de la population. Le message a été entendu, sept Allemands sur dix soutiennent le mouvement. Comme Jan, qui a fait 150 km pour apporter du café aux manifestants. "Ils [les politiciens] ont commis beaucoup d'erreurs : avec la loi sur l'énergie, le marché de l'immobilier, le système de santé sont à l'agonie et maintenant ils s'en prennent aux agriculteurs. Nous devons montrer que ça ne peut pas durer comme ça", s'indigne-t-il.

"Les politiciens sont déconnectés du peuple."

Jan, un Allemand qui soutient le mouvement des agriculteurs

à franceinfo

Le plan d’austérité budgétaire auquel est contraint le gouvernement passe mal parmi la population et les manifestants. Nick, un chauffeur de camion de 28 ans, qui a rejoint le cortège des agriculteurs, s’étonne des choix de la coalition au pouvoir. "On dépense des milliards pour des projets quelconques à l'étranger qui ne nous intéressent pas. Je vais vous donner un petit exemple : l'Allemagne a subventionné la construction d'une piste cyclable au Pérou. Pourquoi ? Quel est le but ? Pour la guerre on verse encore trois milliards alors que nous n'avons plus de sous. Ce n'est pas possible ! L'argent devrait d'abord servir au pays et après on voit si on peut s'occuper d'autres projets", estime Nick.

Le ministre des Finances a promis d’aller lundi à la rencontre des manifestants. L’accueil s’annonce houleux, la semaine dernière le ministre a jugé disproportionné le blocus des agriculteurs.

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