Waly Dia : "J'ai le sentiment qu'on est poussé à se restreindre, à ne plus vouloir voter "
Waly Dia est comédien, humoriste et chroniqueur parfois grisant et sans filtre sur France Inter. C'est par le biais de l'émission "On ne demande qu'à en rire" et grâce à ses propositions qu'il a été repéré par le métier et le public qui l'a, littéralement, adopté. Avec un passage remarqué au sein de la troupe de Jamel Debbouze, le Jamel Comedy Club. Au départ, il y avait ce besoin d'écrire sur des thèmes forts qui en disait long sur ce qui le touchait ou le heurtait. Puis il est devenu papa, ce qui a changé considérablement sa vision du monde au point de modifier la puissance de son écriture. Il est passé d'humoriste grinçant à humoriste conscient et tranchant, avec au cœur de ses interventions le besoin d'une prise de conscience collective. Il joue actuellement son spectacle Une heure à tuer avec un arrêt prévu à l'Adidas Arena le 8 février 2025.
franceinfo : Votre spectacle se joue presque à guichets fermés. Est-ce que cela signifie que le public a besoin du sans filtre ?
Waly Dia : C'est soit ça, soit je les kidnappe pour qu'ils viennent ! Je pense que oui, il y a une envie de se rencontrer autour de ça.
À quel moment vous prenez conscience que vous voulez monter sur scène, que vous voulez raconter des histoires qui sont vos histoires finalement, ce qui vous touche ? Parce que vous avez vécu beaucoup d'injustices depuis votre enfance.
Il n'y a aucun moment où je me dis : il faut que je fasse ce métier d'humoriste. C'est plutôt : "Je le tente", il se passe quelque chose, j'ai l'impression que ça fonctionne. J'ai l'impression que les gens m'écoutent. Et en fait, c'est que ce métier n'a pas été un objectif pendant très longtemps et ça l'est devenu par la force des choses.
"Ce qui fait que je me sens bien dans ce métier d'humoriste aujourd'hui, c'est que je ne suis pas du tout dans l'urgence d'un rêve."
Waly Diaà franceinfo
Vous vous amusez beaucoup. Dans votre spectacle, vous égratignez évidemment tous les hommes politiques. Tout le monde en prend pour son grade. Vous parlez de Nicolas Sarkozy notamment et de sa capacité à avoir des affaires judiciaires, tout comme ce gouvernement d'ailleurs que vous pointez du doigt en disant qu'il y a 40 affaires judiciaires. C'est triste finalement tout ça.
Je ne sais pas si c'est triste, c'est ainsi. En tout cas, c'est là. Moi, j'adore appuyer ce spectacle avec des chiffres et des réalités mathématiques qui ne sont pas des visions de l'esprit. C'est répertorié dans n'importe quel journal un peu sérieux. C'est là et d'ailleurs ça grandit. Il y a Rachida Dati maintenant, donc cela fait 41 ! La plupart des Français que je connais n'ont jamais vu un tribunal, donc à un moment donné, il faudrait peut-être s'asseoir et nous parler un petit peu plus gentiment.
L'idée, c'est aussi peut-être de savoir où vous voulez emmener votre public. On a l'impression que vous avez aussi envie de les prendre par la main et de leur dire qu'ils ont une force insoupçonnée aussi de créer ce contre-pouvoir nécessaire.
J'ai le sentiment qu'on est poussé à se restreindre, à ne pas s'exprimer, à ne plus vouloir voter, à se dire "ce n'est plus pour moi, je ne m'y intéresse pas". On a le droit de ne pas s'y intéresser, mais eux, ils s'y intéressent, on le voit avec l'abstention, etc. Ça n'a pas changé grand-chose aux politiques néolibérales d'aujourd'hui. Est-ce que je peux amener les gens à faire quelque chose ? Je n'ai pas du tout cette prétention. La seule chose que je leur promets, c'est qu'on va rigoler sur des trucs, mais c'est la seule chose que je peux promettre. Je fais peut-être partie d'une idée de l'époque qui est de se réapproprier un peu ce qui se passe dans nos institutions, mais de là à dire que je les emmène quelque part, ne me suivez pas, mauvaise idée !
Parfois, vous n'y allez pas de main morte, on ne va pas se mentir. Vous comparez Marlène Schiappa à une punaise de lit. Est-ce que, par moments, vous recevez des "menaces" ? Est-ce que, par moments, vous avez droit à des messages assez vifs ?
Oui, mais ça vient beaucoup de l'extrême droite.
"Les menaces que je reçois ne sont même pas en rapport avec mon travail, c'est le fait d'exister. Rentre dans ton pays ! Eh bien, je suis né à Grenoble, paye-moi le train, je vais voir ma mère."
Waly Diaà franceinfo
Ce serait bien que ça s'arrête. Je comprends ceux qui vivent ça comme du harcèlement et c'est terrible parce que ça peut vraiment briser des vies, mais alors moi ça ne me fait rien du tout. J'adore ça. De voir que ça crée certaines réactions extrêmes comme ça, ça signifie que peut-être que je touche à quelque chose de juste, puisque ces gens avec ces pensées-là ne supportent pas ce que je fais. Merci.
Que vous apporte la radio France Inter ?
Déjà, c'est un vrai bonheur de travailler avec Charline Vanhoenacker parce que c'est quelqu'un qui ne vérifie rien du tout ! Et ça, c'est bien !
Je ne sais pas si elle va apprécier !
Si justement c'est super parce que c'est de se dire qu'il y a une confiance, c'est "Viens et on verra bien ce que ça donne". J'adore ça. Je ne nommerai pas d'autres radios qui m'ont contacté et qui ont voulu travailler avec moi. On a réalisé un ou deux tests de chroniques, ils ont fondu et puis on a dit : "Ce n'est pas grave". Mais cette liberté est rare aujourd'hui. On le voit dans plein de groupes de médias où dès qu'il y a un cheveu qui dépasse, les gens se font virer. Alors bon, nous, on s'est fait un peu dégager aussi, mais en tout cas, la liberté est toujours là et je pense que c'est aussi important pour les gens, sinon on n'aurait pas eu ce soutien-là.
Est-ce que le fait d'être devenu un rassembleur avec ce qui divise, c'est votre plus belle victoire ?
Je suis content qu'on puisse parler de ça sans se mordre à la jugulaire. Ce sont des sujets dont on a toujours l'impression que c'est ingérable, alors que si. Il n'y a pas de sujet tabou, il n'y a pas de sujet compliqué, il n'y a rien de compliqué. La plomberie est plus compliquée que de parler du sexisme. Des inégalités comme ça, ça se règle. Si on ne le fait pas, on n'y arrivera jamais. Et je suis très content de voir que dans ce public-là, il y a tout le monde, tous les âges, toutes les origines ethniques, sociales, etc. Et que ça se passe bien. On a toujours l'impression que ce truc ne peut pas bien se passer, mais si ça peut bien se passer. Alors, c'est cool qu'ils viennent chez moi, ils payent, je suis content, mais ça pourrait bien se passer partout.
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