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"On ne devrait pas perdre espoir dans l'être humain" : Yuval Noah Harari sensibilise les enfants à l’avenir de la Terre dans son nouveau livre

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’historien et professeur d'histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem, Yuval Noah Harari. Il vient de publier "Nous, les indomptables. Comment les humains ont conquis le monde" aux éditions Albin Michel Jeunesse.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 272 min
L'historien et professeur d'histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem, Yuval Noah Harari, le 28 juillet 2022 en Belgique. (NICOLAS MAETERLINCK / MAXPPP)

Yuval Noah Harari est historien et professeur d'histoire à l'Université hébraïque de Jérusalem. Passionné et passionnant, ses recherches, son travail consiste d'abord et avant tout à rendre accessible la petite et la grande Histoire de l'espèce humaine, des espèces humaines. Il est l'auteur du best-seller international Sapiens. Une brève histoire de l'humanité (Albin Michel - 2011). Il a publié en octobre 2022 : Nous les indomptables. Comment les humains ont conquis le monde aux éditions Albin Michel Jeunesse.

franceinfo : Vous avez décidé de vous adresser aux enfants. Et pourtant, cet ouvrage s'adresse aussi aux ados, aux parents et plus si affinités. Vous débutez votre ouvrage avec une phrase : "Pour tous les êtres vivants, ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain. Nos ancêtres ont fait de notre monde ce qu'il est. À nous de décider ce qu'il doit devenir. Les enfants sont indiscutablement notre avenir". Ce livre sert aussi à ça, à les informer, à les sensibiliser, à leur expliquer qu'ils ont les cartes entre les mains.

Yuval Noah Harari : Oui, un des messages extrêmement importants du livre, c'est le message de la responsabilisation. Nous sommes les animaux les plus puissants sur Terre. Le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui n'a pas été créé que par les lois de la nature, il a été créé aussi par les êtres humains.

Les gens ont fait le monde tel qu'il est. Et donc les gens peuvent aussi le changer. S'il y a quelque chose au monde dont vous pensez qu'il est inégal, qui n'est pas bon, injuste, nous avons le pouvoir de le changer.

Yuval Noah Harari

à franceinfo

Homo sapiens veut dire "homme sage". Vous nous prouvez à travers cet ouvrage à quel point l'homme, depuis qu'il a évolué, a détruit notre planète, en tout cas, a détruit bon nombre d'espèces animales. L'homme est donc, selon vous, l'animal le plus dangereux du monde ?

Oui, et de loin. Nous sommes l'animal le plus dangereux du monde.

Finalement, est-ce que l'on porte bien notre nom ?

C'est une excellente question ! On s'est fait passer pour des êtres humains sages. Mais regardez, par nos actions, il ne faut jamais sous-estimer l'imbécilité humaine. Nous prenons des décisions extrêmement stupides au niveau de l'individu, dans les mauvaises relations que l'on tisse jusqu'au niveau de pays. Quand on regarde Poutine qui prend la décision idiote d'envahir l'Ukraine jusqu'au niveau de l'espèce entière. Nous sommes en train de torpiller, de détruire le système environnemental, ça ne fait pas du mal simplement aux autres animaux, ça nous fait du mal à nous. D'un autre côté, on ne devrait pas perdre espoir dans l'être humain. Oui, bien sûr, on peut être très autodestructeur et prendre des décisions très bêtes. Mais on peut aussi apprendre de nos erreurs et prendre de meilleures décisions. L'Humanité est extrêmement puissante, nous n'avons pas simplement le savoir scientifique.

Nous avons toutes les ressources économiques dont nous avons besoin pour pouvoir éviter un changement climatique catastrophique. Il faut simplement prendre les bonnes décisions politiques.

Yuval Noah Harari

à franceinfo

Finalement, c'est aussi l'histoire de votre vie que vous nous racontez à travers vos écrits. Vous êtes très attaché à la famille. Vous avez une grande pensée pour votre grand-mère qui vous a quitté pendant l'écriture de ce livre. La famille, c'est l'essentiel ?

Oui, la transmission familiale est essentielle, mais il faut faire très attention de ne pas transmettre automatiquement les choses que l'on reçoit du passé. On traverse la vie avec ce grand sac sur le dos et ce sac est plein de choses. Certaines sont bonnes, certaines ne le sont pas. Il ne faut pas simplement, automatiquement, prendre ce sac et le jeter sur la génération suivante. Non, il faut faire attention. Il faut ouvrir le sac, regarder ce qu'il y a dedans et décider ce qui devrait être continué à porter et ce dont il faudrait se débarrasser. Il y a beaucoup de traditions qui sont très bonnes pour nous, mais il y en a beaucoup aussi qui sont très mauvaises. Par exemple, le traitement des femmes. On voit aujourd'hui que ce qui se passe en Iran avec des filles et des femmes qui se soulèvent contre des traditions que le régime tente de les forcer à suivre. Et les gens disent : "Ah oui, mais c'est la tradition ! Non, ce sont les lois de la nature". Mais non, en disant que les femmes sont inférieures aux hommes et qu’elles ne peuvent pas faire ceci ou ne devraient même pas aller à l'école, comme on le voit en Afghanistan, ce n'est pas une loi de la nature. Que les femmes étaient inférieures aux hommes est une histoire que les gens ont inventé il y a des millénaires et ça a été conservé. Ça a été passé de génération en génération et il est temps de faire tomber ce sac et de dire qu'on ne veut plus continuer à porter ce sac. Ça fait du mal.

Ça veut dire que les enfants peuvent changer la donne ?

Si les enfants veulent agir, c'est très important de leur donner ses responsabilités. Mais il ne faut pas faire passer nos responsabilités et la faire porter aux enfants. Et lorsque eux seront adultes, lorsqu'ils auront 40 ou 50 ans, ça sera leur responsabilité.

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