Nicolas Aznavour : "Mon père, Charles, avait un amour immodéré pour son métier, pour son public et pour la vie"
Nicolas Aznavour comme son nom de famille l'indique, est le dernier des six enfants du chanteur Charles Aznavour né de l’union avec Ulla Thorsell, troisième et dernière femme, épousée en 1967. Aujourd'hui, avec sa femme, il gère la Fondation Aznavour créée avec son père dans le but de poursuivre le développement et la mise en œuvre des projets éducatifs, culturels et sociaux entrepris par le chanteur.
Il publie aux éditions Albin Michel l'ouvrage "Aznavour inédit - La vie selon Charles", un portrait très intime comprenant des photos rares et inédites dont tous les droits seront reversés à la Fondation.
franceinfo : Ce livre n'est-il pas avant tout une sorte de déclaration d'amour d'un fils à son père ?
Nicolas Aznavour : Oui, bien sûr. Depuis que mon père est parti, on entend toujours sa voix à travers la musique et je voulais un petit peu que les gens aient également un peu accès à sa pensée, à ses pensées intimes, aux sujets qui le préoccupaient, à sa philosophie et à ses valeurs. C'était important de mettre ça en avant.
Vous racontez cette histoire qui n'est pas forcément très connue en le faisant parler, lui, avec le je. Son premier pays a été le Quartier latin avec des restaurants, qui étaient tenus tour à tour par son grand-père et son père. Paris, le pays de sa naissance, de son accent, il expliquait qu'il était un enfant de la rue, devenu ce qu'il était parce qu'il était un homme curieux et qu'il voulait absolument, non pas s'éduquer d'une manière littéraire extraordinaire, mais en tout cas sortir de sa position de fils de migrant. Vous a-t-il transmis cela ?
Il nous a transmis la curiosité, le goût d'apprendre, de se cultiver et c'est aussi ça qui lui a permis de progresser. Mon père avait un amour immodéré pour son métier, pour son public et pour la vie.
"Si on regarde un peu son évolution, mon père s'est essayé à tous les styles musicaux, il lisait beaucoup et était plein de projets."
Nicolas Aznavourà franceinfo
Ses parents étaient des artistes arméniens et quand ils sont arrivés en France, ce qui était un vrai choix, ils ont été confrontés à la barrière de la langue, ce qui les a obligés à se tourner vers des restaurants. Ça aussi, on a le sentiment que ça l'a beaucoup forgé dans son caractère.
Il a grandi dans ce milieu artistique arménien. Vous connaissez aussi un petit peu l'histoire avec les Manouchian. Aujourd'hui, on a un peu du mal à imaginer toutes les périodes et tous les événements qu'il a pu traverser au cours de sa vie. Tout ce qu'il a vécu est assez colossal.
Il disait que son père était un enfant, que ses parents étaient des enfants et qu'il était finalement l'adulte de la famille. Je me suis demandé si finalement il n'avait pas grandi trop vite.
Il est devenu adulte très jeune par nécessité, parce qu'il devait travailler pour aider la famille, mais également avec la Seconde Guerre mondiale qui s'est invitée dans sa vie avec mes grands-parents, qui ont aussi participé à la Résistance et de facto, mon père et ma tante y ont également participé.
L'Arménie a aussi été l'un de ses plus gros combats. Son histoire d'amour était incroyable avec ce pays. À un moment donné, on lui a même demandé de devenir le président Arménien. Il a posé la question à votre mère qui lui a répondu que si jamais il faisait ça, elle divorcerait. Que représentait l'Arménie pour lui ?
C'est la culture dans laquelle il a été élevé, la culture de ses parents, les racines, mais en même temps, il était très français. En fait, il s'est surtout impliqué pour l'Arménie après le tremblement de terre en 1988, parce qu'avant ça, l'Arménie n'existait pas. Cela faisait partie de l'Union soviétique jusqu’en 1991. Dès que le pays a été créé, il a fait tout ce qu'il a pu pour essayer d'aider un peu tous les gens qui souffrent.
"Mon père disait régulièrement : ‘Je suis 100 % arménien, 100 % français’."
Nicolas Aznavourà franceinfo
Toute la famille de sa mère a été décimée avec le Génocide arménien au début du XXe siècle et il a dit : "Il faudra un jour, pour qu'on oublie, d'abord d'avoir été reconnus". Vous qui habitez en Arménie, où en est-on aujourd'hui ?
Il y a beaucoup de pays qui ont reconnu le génocide, dont la France. Le problème, c'est qu'il faudrait également que la Turquie se penche sur son histoire. Mon père n'a jamais ressenti de haine envers le peuple turc. Il nous répétait tout le temps que le peuple était bon, que c'étaient des questions politiques. En Arménie, la mémoire du génocide est très présente, peut-être moins que pour les Arméniens de la diaspora car en Arménie, ils ont d'autres soucis actuellement. C'est encore très présent, mais ils essaient de se concentrer sur une paix. Je pense que c'est l'avenir du pays qui les préoccupe plus aujourd'hui.
Au départ, on lui a dit avec cette voix, tu ne pourras jamais réussir. Après, on lui a dit : "Si tu n'avais pas cette voix-là, tu n'aurais pas réussi". Son souhait, c'était justement pour l'avenir d'être toujours en haut de l'affiche. Selon vous, a-t-il réussi ?
Deux semaines avant son départ, j'étais avec lui, il a donné son dernier concert à Osaka, au Japon, dans une salle bondée. Il a fait 90 minutes sur scène sans boire un verre d'eau, en donnant toute son énergie et en dansant un petit peu comme il le faisait. Et oui, il n'y a aucun doute là-dessus.
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