Nadia Tereszkiewicz "questionne la liberté d'être soi" en incarnant une femme à barbe dans le film "Rosalie"
Nadia Tereszkiewicz est une actrice franco-finlandaise, remarquée grâce à son rôle de folle amoureuse dans Seules les bêtes de Dominik Moll en 2019 et dans la série franco-israélienne Possessions diffusée sur Canal+ en 2020. Elle a été notamment récompensée avec le César du meilleur espoir féminin en 2023 pour son rôle de Stella dans le drame semi-biographique Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi. En 2016, elle faisait sa première apparition en tant que figurante dans La danseuse de Stéphanie Di Giusto. La réalisatrice a fait à nouveau appel à elle pour le film Rosalie qui sort mercredi 10 avril et dans lequel elle est aux côtés de Benoît Magimel. Dans ce film engagé et engageant, elle est Rosalie, une femme de 1870. Elle cache un lourd secret depuis sa naissance. Son visage et son corps sont recouverts de poils. Pour ne pas être rejetée, elle se rase. Elle épouse un tenancier qui va découvrir le pot aux roses très vite. Il va donc falloir qu'il apprenne à l'aimer.
franceinfo : Rosalie est vraiment un regard sur l'amour et sur les affres de l'amour.
Nadia Tereszkiewicz : Oui, c'était ça, au-delà des apparences. Si on arrive à oublier cette barbe, questionner l'amour aujourd'hui, se questionner sur ce qu'est la féminité dans une société où on juge énormément les gens différents, eh bien, j'espère que le film appelle à un peu plus de tolérance.
Est-ce que la différence n'est pas devenue finalement au fil du temps une force ?
En tout cas, ce personnage, Rosalie, fait de sa particularité une force et j'ai l'impression que c'est un combat auquel je m'identifie dans le sens où tout le film, elle cherche à s'accepter elle-même, s'affranchir du regard des autres.
"'Rosalie' est un film qui questionne la liberté d'être soi."
Nadia Tereszkiewiczà franceinfo
La réalisatrice dit qu'elle avait auditionné plusieurs actrices avant vous et que quand vous êtes arrivée, vous avez été la seule à ne faire qu'une avec cette barbe. Qu'est-ce qui justifie ça ? Est-ce que c'est le fait que vous ayez fait de la danse avant ? Vous deviez être danseuse étoile. La danse, c'est quelque chose de très difficile. Il faut rentrer dans ses diktats, dans ses codes. Est-ce que ça a joué ?
Peut-être que ça a joué inconsciemment sur le fait que j'ai trouvé dans le cinéma une forme de liberté d'incarner des femmes différentes parce que la danse m'a énormément apporté. Ça a été des années merveilleuses. Elles m'ont aussi chargée émotionnellement. Mais c'était aussi très difficile sur le jugement, sur le corps et où on essaye, en tout cas pour la danse classique, de chercher une forme d'uniformisation. En fait, c'est plus difficile de devenir femme si on n'est pas dans les codes dans la danse classique et l'idée de s'abandonner. Vous parliez de Valeria Bruni-Tedeschi, elle m'avait dit : "Le ridicule est merveilleux". Et là, je trouve que je ne suis pas ridicule. J'ai gardé cette phrase qui dit qu'il faut s'affranchir de tous les regards, même si on est dépendant du regard des autres, essayer de s'abandonner et de lâcher prise.
"Avec ce personnage, j'ai eu l'impression de travailler aussi sur moi, ce n'était pas anodin parce que littéralement, la barbe me collait à la peau."
Nadia Tereszkiewiczà franceinfo
Votre mère est finlandaise, votre papa polonais. Vous avez toujours une personnalité assez marquée d'ailleurs dès vos débuts parce que l'un de vos réalisateurs vous avait suggéré de changer votre nom de famille en vous disant que si vous vouliez réussir dans ce milieu, il fallait changer ce nom de famille et vous avez résisté.
C'est vrai. Non, mais je ne changerai pas et ça me paraît fou. Je n'aurais pas pu dire à mon grand-père que j'avais changé de nom. En plus, c'est mon seul lien à la Pologne parce que je ne me sens pas polonaise. Je me sens très finlandaise.
Vous parlez le finnois couramment.
Oui, c'est vraiment ma langue maternelle. C'est la langue de ma petite enfance. C'est quand même quelque chose. Je crois qu'on est liées quand même étrangement, très fortement à des choses de la petite enfance.
Vous avez d'abord fait Hypokhâgne, Khâgne. Après, vous avez fait la classe libre du cours Florent. Et là, il y a eu comme une évidence de la part de tout le monde. Est-ce que c'est devenu une évidence pour vous que ce métier était celui qui allait vous accompagner toute votre vie ?
En fait, je ne sais pas. J'espère. En tout cas, j'ai réalisé à quel point il y a tout ce que j'aime dans le cinéma, ma passion pour la littérature, la danse ou le fait de rencontrer tellement de gens, de voyager. Après, je sais que c'est aussi éphémère. Rien n'est jamais acquis. Là, j'ai eu de la chance, j'ai quand même rencontré des cinéastes incroyables, des personnes qui ont vraiment changé ma vie.
Quand on regarde bien les rôles, que ce soit pour Mon crime, que ce soit pour Les Amandiers pour lequel vous avez reçu ce César ou là pour Rosalie, il y a toujours quand même un brin de féminisme, mais du féminisme positif, c'est-à-dire l'envie de dire des choses à travers les films que vous choisissez. Il est là votre engagement ?
Je suis contente si vous dites ça. J'ai l'impression qu'à chaque fois, j'ai incarné des femmes qui m'ont questionnée, qui déstabilisent ou qui à chaque fois avaient, et ça, je m'en suis rendu compte en interview, une émancipation en devenir. Je pense à L'Île rouge de Robin Campillo par exemple, où c'est une femme dans les années 60, mais on sent qu'à tout moment elle peut échapper et elle peut s'émanciper et je trouvais que c'était beau de voir en fonction des époques, quelle femme on est dans les années 30, dans les années 60.
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