Les confidences de Yannick Noah : "J'ai toujours écouté cette petite voix, et surtout, j'ai suivi mes rêves"
Yannick Noah chante, coache, fait du sport et est chef de village au Cameroun. Il est finalement inclassable, indomptable. Il est le seul sportif professionnel français à avoir réussi à construire une carrière musicale. Plusieurs générations le suivent et le soutiennent. Les anciens voient d'abord en lui, Roland-Garros et sa victoire en 1983 puis les plus jeunes le voient comme un chanteur grâce à ses albums et ses concerts depuis 1991. Aujourd'hui, le Cameroun rappelle Yannick Noah, en tant que chef de village Ce Cameroun qui lui a permis de découvrir le tennis, la musique et qu’il a été obligé de quitter, quand il avait 12 ans, pour poursuivre une carrière sportive.
On revient avec cet artiste qui aime la vie sans contraintes et qui ne fonctionne qu'à l'instinct sur ses victoires sportives, sur ses choix de vie qui lui ont permis de se créer une carrière atypique, solide, constante. Son dernier album La Marfée est sorti en octobre 2022.
franceinfo : Votre dernier album est sorti il y a peu, La Marfée, c'est vraiment une déclaration d'amour que vous souhaitez faire au Cameroun, mais surtout au monde en général, aux citoyens.
Yannick Noah : C'est surtout essayer, en plus de tout ce que vous venez dire, de créer cette passerelle. C'est toujours Yann : "Salut, mais maintenant, je suis au Cameroun et vous prenez un bateau si vous avez le temps, mais venez, c'est cool, vous serez bien reçus". Et oui, j'ai toujours cette envie de partager, partager mon aventure. Moi, je chante, je ne suis pas technicien, ça ne m'intéresse pas. À mon premier cours de chant, j'ai travaillé sur la timidité, sur les émotions, sur même exprimer une faiblesse voire une hésitation. Et du coup, c'est une thérapie pour moi. Aujourd'hui, je suis au Cameroun et venez !
"J'ai besoin de chanter des mots qui correspondent à ce que je vis."
Yannick Noahà franceinfo
Qu'est-ce qui fait que ça bascule vers la musique finalement ? À quel moment vous décidez que la musique va devenir votre avenir ? Que c'est justement ce que vous avez envie de faire ?
J'ai toujours suivi mon instinct. Je suis parti trop tôt de la maison. C'est pas comme si maman était là ou papa était là au quotidien en me disant : "Tiens, Yann, tu pourrais faire ça", je sais qu'ils étaient là, mais c'était spirituellement qu'ils l’étaient. J'ai toujours écouté ma petite voix et surtout, j'ai suivi mes rêves, je pense que c'est ce qu'il y a de plus fort.
Vous écoutiez quoi à la maison, petit garçon ?
Alors j'écoutais surtout ce qui passait parce que je n'avais pas le droit de toucher à la platine de papa et maman. Donc, quand maman écoutait Reggiani ou Brel, elle avait les yeux dans le vague, parfois, je voyais des petites larmichettes, ça lui rappelait la France, c'était plus que de la musique, il y avait une espèce de mélancolie puissante qui ressortait quand maman écoutait de la musique de son pays. Je voyais bien que quand c'était le tour de papa, tout d'un coup, c'était : "Ah tiens ça doit danser quelque part", donc c'était plus ça. Oui, je piquais les disques de mes parents quand ils étaient à l'autre bout du monde, qu'on n'avait pas de téléphone et que j'avais droit à cinq minutes tous les quinze jours en PCV, vite fait parce que ça coûterait trop cher. Donc, les disques, c’était le lien que j’avais avec eux. La relation avec la musique, c’était un truc d’émotions.
Quand sort le premier album, Black & What vous avez peur ou pas ?
Non, non, je n’ai pas peur. C'est le monde entier qui a peur pour moi. Mais ce n'est pas de la peur, c'est une espèce de cynisme, de scepticisme constant. Mais ça, je l'avais déjà vécu quand je jouais au tennis. Alors quand j'ai commencé au tennis, j'étais "trop petit". Après, c'était : "Lui le fêtard, qui va être capitaine". J'ai toujours eu ça autour de moi. J'ai vendu des millions d'albums, encore aujourd'hui, la reconnaissance, c'est celle du public. Au début, est-ce que j'y croyais ? Oui, j'y croyais. Pourquoi ? Parce que j'aimais ça. J'aime être en studio. On allait faire des concerts. J'ai fait trois ans de concerts, on jouait dans des MJC, j'adorais ça. J'adorais jouer, j'adorais la musique. Vous savez très bien que quand vous jouez, vous ne passez pas de la première leçon de tennis au central de Roland-Garros. Il y a des années où vous jouez pour rien, où vous jouez parce que vous rêvez de ça. Si vous n'avez pas cette passion, vous n'y arriverez jamais. C'est exactement la même chose qui m'animait quand j'ai fait de la musique sauf que je n'écoutais pas les connards autour.
Vous êtes aussi un artiste engagé. C'est important, vous êtes là aussi pour dire des choses. C'est aussi votre rôle de faire avancer des sujets qui vous touchent ?
Oui, bien sûr.
Je voudrais qu'on parle d'Aux arbres citoyens, une chanson qui vous colle à la peau. Que représente-t-elle ?
"'Aux arbres citoyens' est reprise dans les écoles parce que c'est une manière ludique de commencer à parler de l'environnement, du réchauffement climatique."
Yannick Noahà franceinfo
J'arrive en studio et je dis qu'il faut qu'on fasse une chanson sur l'écologie. Là, ce n'est pas possible, je me fais engueuler par mes filles parce qu'elles s'aperçoivent que quand je me rase, je laisse l'eau couler, parce qu'à l'école, on leur a dit que ce n'était pas bien, qu'à un moment, on allait manquer d'eau. Pour moi, c'était un peu abstrait, ma génération, c'était plutôt : "De quoi tu parles, chérie ?" Mais je vois qu'elles insistent. Mes filles attendent que je me rase. Elles viennent, éteignent le robinet entre chaque coup de rasoir. Je trouvais ça très mignon. Et je leur ai demandé : mais pourquoi vous êtes comme ça ? Elles me racontent ce qu’elles apprenaient à l’école à savoir qu’à un moment, il faut faire un peu attention à la planète. Et ça, c’était il y a un peu moins de 20 ans et donc on décide de faire une chanson qui s'appelle "Aux arbres citoyens".
On a fait un clip en dessin-animé parce qu’on parle aux gamins, parce qu'en fait, nous, on n'a rien compris, même nos politiciens n'en ont rien à foutre, en fait. Alors que là, il y a quand même une urgence. Ce n'est pas m'engager, pour moi, c'est être responsable, me servir de l'opportunité, du luxe d'avoir une plateforme de gens qui m'écoutent pour faire passer des messages, en tout cas proposer des messages. Faites comme vous voulez, mais voilà, c'est proposé et Aux arbres citoyens, c'est ça et elle résonne tellement encore aujourd'hui.
Yannick Noah sera le 31 juillet 2023 au Festival Game of Trees aux Orres et le 10 septembre à Comines dans le cadre du Lys Festival.
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