"Je mourrais sans théâtre": Vincent Dedienne bien en vie sur scène dans la pièce "Un chapeau de paille d'Italie"
Vincent Dedienne est un artiste, tour à tour comédien, humoriste, auteur, metteur en scène, homme de radio et de télé aussi. Ses métiers sont autant de passions, mais la plus importante reste celle du verbe. Il aime les mots et ils le lui rendent bien. Il les déclame sur scène, au cinéma et dans la vraie vie.
Avant la sortie le 15 novembre prochain, du film de Rudy Milstein Je ne suis pas un héros dans lequel il joue aux côtés de Géraldine Nakache et Isabelle Nanty et la reprise de son seul en scène Un soir de gala au mois de janvier 2024 avec trois Olympia prévus les 23, 24 et 25 avril, il est sur les planches du Théâtre de la Porte-Saint-Martin avec la comédie en cinq actes d'Eugène Labiche, Un chapeau de paille d'Italie. Tout commence avec un chapeau de paille mangé par un cheval. L'animal qui commet ce méfait est celui de Fadinard, un jeune rentier parisien, qu'il incarne, et qui doit se marier à Hélène, une jeune pépiniériste. Il va devoir remplacer le chapeau qui appartient à une demoiselle bien déterminée à récupérer son bien en parfait état pour éviter la folle jalousie de son mari.
franceinfo : Cette pièce qui mélange mariage et adultère a été jouée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal le 14 août 1851. C’était il y a 172 ans et pourtant, elle semble avoir été écrite aujourd'hui.
Vincent Dedienne : C'est le cas des œuvres d'art en général au théâtre. Quand elles traversent les siècles, c'est qu'elles sont d'une acuité, d'une modernité... Mais c'est encore plus balèze pour les pièces comiques, pour les comédies. Et effectivement, même si la langue de celle-ci est quand même un peu celle d'autrefois, l'efficacité de l'humour, des situations et la férocité de ce que ça dit sur les rapports sociaux entre les gens, entre les gens de la ville et ceux de la campagne, les puissants, les plus faibles, font qu'elle est très moderne.
C'est vrai que le mariage est un fonds de commerce énorme du Vaudeville en 1850 comme l'adultère. Il y a une absurdité comique assumée qui fait penser au rêve.
C'est exactement ce que nous a dit le metteur en scène Alain Françon.
"Pour jouer cette pièce, le metteur en scène nous a dit : ‘N'essayez pas d'être cohérents, pensez que c'est un rêve de jour et que dans les rêves, tout est permis. On peut passer de tout à son contraire en une fraction de seconde’."
Vincent Dedienneà franceinfo
À quoi rêvez-vous alors ?
À quoi je rêve ? C'est aussi un rêve de jour pour moi de jouer ça. Parce que d'abord, je n'avais même jamais osé rêver travailler avec Alain Françon un jour. J'ai fait des études de théâtre et j'ai été un grand spectateur de tous les théâtres que ce soit le théâtre privé, le théâtre public, les one man shows, les classiques, les contemporains. Et Alain Françon est très haut dans mon Panthéon personnel, parce que c'est vraiment un grand metteur en scène. C'est un des derniers grands maîtres du théâtre contemporain aujourd'hui. Pour moi, il y avait Chéreau et Françon. C'était un rêve de travailler avec lui. Voir un grand esprit comme lui, mettre en scène un Vaudeville, c'est extraordinaire à regarder.
L'adultère et le mariage font bon ménage ! Quel amoureux êtes-vous ?
C'est intime, Elodie Suigo ! Non, ça va... Je ne suis pas le meilleur. Je ne suis pas le pire. Je suis dans le peloton.
Avez-vous l'impression que l'image qu'on a pu avoir de nos aïeux ou de nos parents avec cette idée du mariage "Ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leur vie" est encore valable aujourd'hui ?
Nos grands-parents réparaient tout ce qu'ils cassaient. Nous, on a perdu l'habitude de réparer, les gens changent.
Est-ce que c'est un schéma à suivre ?
Quand on est très amoureux, on a le fantasme que ça dure toute la vie quand même. Et à la fois, il faut se réconcilier avec l'éphémère et le fait que tout passe. Je trouve que dans la vie, le plus dur, c'est d'accepter le fait que tout s'arrête un jour et d'arriver à apprivoiser les fins, la fin de tout, la fin de la vie, la fin d'une histoire d'amour, la fin d'une histoire d'amitiés, la fin d'un spectacle.
Vous serez avec Géraldine Nakache et Isabelle Nanty à l’affiche du film Je ne suis pas un héros de Rudy Milstein, le 15 novembre prochain. On sent que vous avez besoin du cinéma comme du théâtre.
Je ne pourrais pas me passer de théâtre, ça c'est sûr. Je mourrais sans théâtre. Mais le cinéma, j'y arriverais peut-être. J'en ai moins rêvé quand j'étais petit.
"Si on devait m'enlever une jambe, je préfère qu'on m'enlève le cinéma, plutôt que le théâtre."
Vincent Dedienneà franceinfo
Le théâtre a été un coup de foudre à sept ans. Ça a été une révélation.
Je n'avais pas vraiment besoin de fuir la réalité ou de m'échapper de ma vie. J'ai eu une enfance très joyeuse, mais qu'il y ait des bâtiments comme ça, au cœur de la ville, et même parfois à la campagne, il y en avait un au milieu des vignes en Saône-et-Loire où j'ai grandi, qui soient consacrés entièrement au mensonge, à la fiction, à la magie... J'ai été sûr tout de suite que ça serait ma vie.
Est-ce que vous avez peur du vide ?
Non, j'ai peur que tout ça passe vite. Je sais déjà qu'il y a des choses que je ne pourrai pas faire. Il y a certains rôles pour lesquels, je suis trop vieux pour les jouer. Ce n'est pas que j'ai peur du vide, mais j'ai peur du temps qui passe. Là, "Un chapeau de paille d'Italie" par exemple, c'est un peu moins de deux heures et je cours partout, je suis en âge au bout de quatre répliques ! Je me suis mis au sport, pour la première fois de ma vie, pour jouer cette pièce. Donc dans dix ans, je serai moins en forme pour le jouer. Ça va vite, une vie d'acteur, ça passe vite.
Pour terminer, le théâtre, c'est l'ivresse ?
Ça me rend heureux, que je sois sur scène ou dans la salle. Je trouve que c'est se faire beaucoup de bien que d'aller au théâtre. Quand on est spectateur, on prend soin de nous. C'est bien quand même un moment où on n'est pas seul. Il faut prendre soin de ces moments-là.
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