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Isabelle Autissier signe "Le Naufrage de Venise" et tire à nouveau la sonnette d’alarme sur les effets du changement climatique

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la navigatrice, présidente d’honneur de WWF France et écrivaine, Isabelle Autissier. Elle publie un nouveau roman, "Le Naufrage de Venise", aux éditions Stock.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Isabelle Autissier, présidente du WWF France. (LOIC VENANCE / AFP)

Isabelle Autissier est navigatrice dans la vie, dans l'âme et dans le cœur, notamment dans celui des Français qui l'ont adoptée rapidement. Elle est la première femme à avoir accompli un tour du monde lors d'une compétition en 1991, donc il y a plus de 30 ans. Elle est également présidente d'honneur du WWF France. Elle sort un nouveau roman, Le Naufrage de Venise, aux éditions Stock.

franceinfo : L'écriture est votre autre passion. Vous avez, d'ailleurs, reçu le prix Fémina pour Oublier Klara en 2019. C'est un exutoire ?

Isabelle Autissier : La façon de m'exprimer, c'est les mots, la parole et j'ai toujours adoré ça et j'ai été élevée là-dedans. Pour moi, l'écriture, c'est vraiment important.

L’écriture est une façon d'exister et une façon de communiquer avec mes semblables.

Isabelle Autissier

à franceinfo

C'est-à-dire que, petite fille, vous étiez déjà attachée aux mots ?

Complètement. J'ai eu cette chance d'être dans une famille où on m'a proposé de lire. Je dévorais les livres, comme on dit, c'est-à-dire que je lisais beaucoup, tout le temps. Et à un moment donné, j'ai eu un coup de foudre pour la littérature en tant que telle, c'est-à-dire l'art des mots, l'art de faire des phrases qui ont aussi une musique au-delà du sens. Et puis j'ai été frappée par la façon dont, finalement, à travers une histoire qu'on raconte, on raconte une sorte d'autre monde, d'autres choses. Il y a quelque chose qui passe entre les lignes et ça, ça m'a toujours fascinée chez les écrivains et c'est peut-être à ma modeste manière ce que j'essaie de faire.

Il y a beaucoup de poésie dans votre façon d'écrire. Il y a le soin du détail. C'est l'histoire d'un naufrage, celui de Venise, cette ville si emblématique, si romantique, si intrigante. Un homme, Guido, se réveille à l'hôpital après qu'une catastrophe ait balayé toute la ville sur son passage. Ça paraît impossible, ça paraît improbable et ça nous projette finalement dans des possibilités qu'on n'imaginait pas auparavant.

Absolument. Et pour moi, c'est un peu parler du déni parce que, ça c'est peut être ma casquette 'environnement', je suis frappée par le fait qu'on sait les choses, si vous prenez le rapport du GIEC, on a tous les chiffres, les conclusions et pour autant on est comme les yeux d'un lapin pris dans les phares d’une voiture. Il y a une espèce de dissociation entre les chiffres qu'on a d'un côté et notre projection mentale sur les choses. J'ai en quelque sorte appliqué la méthode, à Venise parce qu'évidemment c'est une ville emblématique. Venise a presque 10 siècles d'existence, a connu tous les aléas possibles et imaginables et elle est toujours là, elle sera toujours là. Eh bien non ! C'est une façon un peu violente de dire : "Stop, ça ne va pas se passer comme ça".

C'est marrant parce que l'eau vous a attiré alors que vous n'étiez pas du tout née dans ce milieu-là. Vous avez grandi à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne et c'est au cours d'un séjour en Bretagne, à l'âge de six ans, que vous allez totalement craquer sur le monde marin.

Il se passe un truc bizarre. Dans ma génération, les bonnes familles comme la mienne, avaient le petit dériveur en bois, le petit machin sur lequel on amenait les gosses. Pourquoi est-ce que moi, ça me scotche ? Les autres, bof, pas plus que ça, ça les amusait une demi-journée et moi, j'étais fascinée par la mer. A tel point que je ne rêvais que de ça. Après, quand on venait à Saint-Maur et qu'il y avait toute l'année scolaire, je ne rêvais que du moment où on allait y retourner. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il y a une espèce de connivence qui se passe entre les choses, à tel point que vraiment, très tôt, je me suis dit : voilà, mon histoire est là.

Quand on parle de vous, on pense au fait que vous avez été la première femme à faire ce tour du monde en compétition en 1991, mais aussi à faire avancer les choses.

Oui, mais alors moi je ne me suis pas posé la question comme ça.

J'ai eu une chance incroyable dans mon éducation, c'est qu'on ne m'a jamais dit qu'il y avait des trucs pour les filles et des trucs pour les garçons.

Isabelle Autissier

à franceinfo

Intimement, je me posais pas cette question. Évidemment, les autres me la posaient et ça me faisait rire quand les journalistes me disaient : "Alors, qu'est-ce que ça fait pour une femme de faire un tour du monde ?" Je répondais : je ne sais pour une femme. Je sais que ça me fait beaucoup parce que c'est un truc hyper important, mais pourquoi plus pour une femme que pour un homme ? Je ne sais pas.

A un moment donné, votre bateau s'est renversé. Ça a été dramatique. Est-ce que ça a été justement ce qui vous a poussé à trouver autre chose ?

J'ai eu la chance de participer à quatre tours du monde. À la fin du troisième, je me suis un peu posée dans mon canapé en me disant : je fais quoi ? Je me suis dit : allez, j'en fais encore un, c'est trop bien. Mais attention, c'est le dernier parce qu'après il faudra que je passe à autre chose quoi qu'il arrive, que je gagne ou que je perde. C'est vrai que le fait que le bateau se renverse, c'est un moment assez dramatique. Là, j'ai eu une toute petite hésitation en me disant : peut-être encore une fois... Et, je me suis dit : non, je me suis jurée ça, il faut que j'aille jusqu'au bout maintenant. Il faut que j'aille voir ailleurs ce qui se passe.

Ce livre n'est-il pas, pour le coup, une énorme déclaration d'amour à la vie et au besoin de respecter la nature ?

Bien sûr. Souvent, on me demande si je suis optimiste ou pessimiste et je réponds que je suis ni l'un ni l'autre. J'essaie juste de combattre. Mais si je regarde quand même, 10 ans, 20 ans en arrière, le regard des sociétés a changé sur ces questions-là. Écolo, ce n'est plus une insulte et je crois profondément que le petit dixième de degré qu'on va empêcher de monter, la petite espèce qu'on va empêcher de disparaître sont ultra importants.

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