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Journée internationale du bonheur : "Pour être heureux, il faut déconstruire un mythe d'un bonheur inatteignable", assure le philosophe Fabrice Midal

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 20 mars 2023, à l'occasion de la Journée internationale du bonheur, le philosophe et écrivain Fabrice Midal. Il vient de publier aux Éditions Flammarion, "Tout ce qui nous empêche d'être heureux et ce qu'il faut savoir pour l'être".
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le philosophe et écrivain Fabrice Midal sur franceinfo, en 2020. (FRANCEINFO)

Fabrice Midal est philosophe, écrivain et est considéré comme l'un des principaux enseignants de la méditation en France. La méditation, c'est bien son credo, en tout cas, c'est ce qu'il aime transmettre. Il a fondé une école basée sur la méditation dans la perspective de parler d'un bouddhisme qui n'a pas de tête religieuse. Ses livres sont une sorte de porte d'entrée, notamment pour celles et ceux qui s'intéressent au bouddhisme, au bonheur et à la méditation. Son travail consiste à aider les autres à aller mieux.

Lundi 20 mars, c'est la Journée internationale du bonheur, une journée qui existe depuis 2013, décidée par l'Organisation des Nations unies (ONU). Il vient de publier Tout ce qui nous empêche d'être heureux et ce qu'il faut savoir pour l'être aux Éditions Flammarion.

franceinfo : C'est quoi le bonheur ?

Fabrice Midal : J'ai été très gêné par la question du bonheur pendant longtemps parce que j'avais l'idée tout de suite que le bonheur était un état de perfection un peu paradisiaque dans lequel tout irait bien. On serait au bord de la piscine, il ferait beau, personne n'aurait aucun problème, ce qui n'est pas notre vie à nous. Et donc, au fond, poser la question du bonheur, et je crois aussi que c'est pourquoi il y a la journée du bonheur, c'est plutôt de se dire : "Mais qu'est-ce qui fait que moi, je peux être heureux ?" c'est vraiment ça qui était la grande pensée des philosophes grecs. Se poser cette question, c'est déjà se mettre en mouvement de manière positive. Donc on pourrait dire à tous les auditeurs pour la journée du bonheur de se demander : "Qu'est-ce qui me rend heureux ? Qu'est-ce qui m'empêche d'être heureux aujourd'hui ?" C'est déjà se mettre en mouvement et c'est déjà faire un pas considérable.

Est-ce que cela veut dire qu'on apprend à être heureux ?

Ah oui, c'est un art. Au fond, on n'est pas heureux comme un état fixe, mais c'est un art qu'on a tous les jours à apprendre. Et c'est en faisant ce mouvement-là que d'un seul coup, on apprend à être un peu plus heureux. Puisque finalement, je déconstruis, beaucoup de gens qui lisent mes livres me disent : "Ah, je me rends compte que j'étais heureux sans l'avoir vu jusqu'alors".

"Au fond, pour être heureux, il faut déconstruire un mythe d'un bonheur inatteignable et il faut juste voir comment on peut faire un petit pas de côté par rapport à nombre de nos problèmes du quotidien."

Fabrice Midal

à franceinfo

Ce qui est étonnant, c'est que ce livre est un peu votre parcours, c'est-à-dire qu'au tout début, vous le dites, vous n'aimiez pas l'école.

J'étais un enfant hypersensible, complètement à part, me sentant un peu comme le vilain petit canard ou une sorte d'ovni. Je sentais qu'il n'y avait vraiment pas de place pour moi dans ce monde. Je ne comprenais absolument rien et donc je me sentais vraiment très, très isolé. Je n'ai parlé quasiment à personne jusqu'à 17 ans.

Et vous avez rencontré la philosophie.

J'ai rencontré la philosophie, ce qui a été était un moment important. J'ai aussi rencontré la littérature, la poésie et ça a commencé à tout changer. J'ai commencé à voir qu'il y avait un autre monde que celui, voilà juste de comprendre, d'être efficace, d'être efficient, qu'il y avait quelque chose d'autre. Mais après, ça a été un long parcours pour essayer de voir que ce n'est pas parce que j'avais une enfance vraiment difficile et cette hypersensibilité extrême que c'était impossible pour moi d'être heureux.

"C'est en acceptant d'être un peu singulier que j'ai fini par trouver une manière d'être heureux en étant simplement et de manière tout à fait limitée, simplement ce que je suis."

Fabrice Midal

à franceinfo

Il y a donc eu évidemment des rencontres autour de cette philosophie. Il y a eu des rencontres aussi plus spirituelles, comme le bouddhisme par exemple. Et c'est vraiment l'association des deux qui vous a donné envie d'avancer, de comprendre davantage ce qui se passait en nous.

Quand j'ai eu 21 ans, j'ai rencontré un neuroscientifique chilien qui s'appelait Francisco Varela, qui était passionné par la méditation et qui trouvait que c'était une manière d'explorer notre esprit qui était passionnante pour un Occidental. J'étais très proche de lui et ça a joué vraiment un rôle important. En ce qui concerne la philosophie, j'ai eu la chance d'être l'élève de François Fédier, ce qui a vraiment été majeur pour moi. Oui, il y a eu beaucoup de rencontres qui ont jalonné mon parcours.

À tel point que l'enfant qui n'aimait pas l'école est devenu docteur en philosophie !

Oui, c'est incroyable. C'est incroyable et c'est aussi un professeur que j'ai eu qui m'a dit un jour : "Toi, tu n'aimes pas l'école, tu as peur des examens. Dans mon cours, pendant un mois, tu es dispensé de contrôle. Fais un dossier sur le sujet" et ça m'a passionné. Peut-être que j'écris des livres grâce à lui parce que ça m'a passionné de me plonger comme ça, de chercher, de prendre une encyclopédie, à mon rythme, à ma manière. Et je trouve que c'est souvent ça aussi qui donne espoir, c'est qu'on peut trouver son chemin quand on apprend à connaître un peu mieux son mode d'emploi.

La première chose que vous indiquez, c'est de dire : "Je", d'assumer le "je".

C'est le début de ce qui me semble être la quête du bonheur, c'est d'oser dire "je". Dans n'importe quel contexte, le boulanger, le médecin s'il commence à dire "je", qu'il commence à vous parler, alors il vous parle aussi à vous comme à un être humain et je trouve que c'est une bonne manière d'essayer d'être heureux, d'assumer qu'on est des êtres humains.

Comment vous définissez-vous ?

Comme un type qui vit dans sa bibliothèque, qui adore penser, se mettre en question, questionner. Lire de nouvelles choses, inventer de nouvelles manières de parler, essayer de discerner par où on est empêché de vivre. Je trouve cela passionnant d'essayer de comprendre ce qui nous empêche d'être heureux dans notre société.

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