Bernard Lavilliers : "Ce que je fais, câest de m'occuper de choses qui ne me regardent pas"
Bernard Lavilliers est lâinvitĂ© exceptionnel du Monde d'Ălodie toute cette semaine. L'occasion de revenir sur cinq moments forts de sa vie avec cinq chansons de son rĂ©pertoire. Auteur prolifique, compositeur et interprĂšte depuis 1965, il n'a jamais cessĂ© de nous faire voyager en mĂ©langeant le rock, le reggae, la salsa, la bossa-nova et la chanson française. Fensch VallĂ©e (1976), La Samba (1975), Saint-Ătienne (1975), Stand The Ghetto (1980), Kingston (1980), IdĂ©es noires (1983) ou encore On the Road Again (1988) autant de chansons devenues pour la plupart des hymnes et la parole de celles et ceux qui ne se font pas entendre. En novembre 2023, le StĂ©phanois Ă la voix et au phrasĂ© si emblĂ©matiques, sortait un album : MĂ©tamorphose et un livre : Ăcrire sur place aux Ăditions des Ăquateurs.
franceinfo : Vous ĂȘtes pour beaucoup, un artiste proche du peuple. Vous ĂȘtes un ancien ouvrier devenu chanteur, baroudeur, un artiste Ă part, dĂ©fenseur envers et contre tous des injustices et un raconteur d'histoires. Le moteur de tout ça rĂ©side finalement en un seul mot, c'est le mot libertĂ©. Est-ce que cela a Ă©tĂ© votre moteur ?
Bernard Lavilliers : Ah oui ! Je n'ai pas fui. Je suis parti trĂšs loin, mais il n'y a pas de fuite. Je suis parti pour connaĂźtre d'autres cultures, d'autres personnes. Parmi les musiciens que j'ai frĂ©quentĂ©s, la plupart venaient aussi du peuple. Comme disait LĂ©o FerrĂ© : "Je ne suis qu'un artiste de variĂ©tĂ© et tout ce que je dis doit ĂȘtre dit de variĂ©tĂ©, sinon, on dirait que je m'occupe de choses qui ne me regardent pas". C'est exactement ce que je fais d'ailleurs, m'occuper de choses qui ne me regardent pas.
Une chanson traduit notamment cet état d'esprit, cet art de vivre avec toutes ces aventures sans attaches géographiques, c'est On the Road Again dans l'album If... Je me demandais si vous l'aimiez toujours autant.
Moi, je l'adore ! C'est ma chanson la plus abstraite. En plus, la mélodie n'est pas de moi. Elle est de Sebastian Santa-Maria qui est mort trÚs jeune. J'ai pris cette mélodie parmi un morceau beaucoup plus long et j'ai trouvé ce texte. J'ai commencé par écrire On the Road Again, mais je me suis dit : mince, il y a un groupe qui a déjà écrit ça ! Puis je me suis dit ma foi, ce n'est pas grave. Et alors aprÚs j'ai commencé : "Bandits joyeux, insolents et drÎles", voilà . On the Road Again, c'est le voyage permanent.
"'On the Road Again', je peux la chanter dans n'importe quel bar, à n'importe quelle heure, devant n'importe quelles personnes désagréables. Ils vont adorer."
Bernard LavilliersĂ franceinfo
De voyager et de partager des moments avec vous, ça a Ă©tĂ© le cas de pas mal d'artistes. Et quand on regarde bien ces artistes, ils ont tous un peu le mĂȘme ADN. Je pense Ă Jimmy Cliff avec Melody Tempo Harmony, Ă Cesaria Evora avec la chanson Elle chante, Nicoletta et Catherine Ringer sur IdĂ©es noires, Ăric Cantona avec Qui a tuĂ© Davy Moore ? Tiken Jah Fakoly sur Question de peau ou encore Bonga Kwenda sur Angola. Cette famille d'artistes a Ă©normĂ©ment de points communs avec vous. C'est une famille que vous vous ĂȘtes constituĂ©e au fil du temps ?
La plupart d'entre eux sont des résistants pour moi, d'une façon ou d'une autre, mais la plupart d'entre eux ne sont pas forcément d'accord avec le show-business.
Et ce cÎté boxeur que vous avez toujours eu.
Je suis un boxeur. J'ai fait d'autres sports dans ma vie, mais j'ai été professionnel dans la boxe avec Jean-Claude Bouttier à une époque trÚs ancienne pour ceux qui nous écoutent. Il y a un truc qui ne paraßt pas évident entre le sport, la poésie et la musique, mais je vais m'accorder facilement avec quelqu'un, qui a des points communs au niveau de la poésie et de la musique.
Il y a une chanson qui traduit finalement cet état d'esprit, cet engagement que vous avez toujours eu, c'est : Les Mains d'or. C'est devenu un hymne ouvrier. Que représente cette chanson pour vous ?
Les mains d'or, ce sont tous les gens qui travaillent avec leurs mains. Le travail manuel n'est pas Ă la mode. Tout le monde veut ĂȘtre un influenceur, mais on verra aprĂšs quand il nây aura plus de plombiers. Ăa reprĂ©sente l'Ćuvre dans le sens ouvrier. N'oubliez pas qu'ouvrier, ça vient de l'Ćuvre.
"Les mains d'or, ce sont tous les gens qui travaillent avec leurs mains, dans tous les métiers, c'est-à -dire du mineur de fond jusqu'au luthier, ça en fait du monde !"
Bernard LavilliersĂ franceinfo
L'intelligence artificielle n'arrivera pas Ă les remplacer. Je nâai rien contre l'intelligence artificielle, mais un luthier, ça va ĂȘtre compliquĂ©, et mĂȘme un plombier ça va ĂȘtre compliquĂ©. Je sais que le travail manuel n'est pas Ă la mode. MĂȘme les cultivateurs sont aussi des travailleurs manuels, ce n'est pas la mode.
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