Projet de loi immigration : l'embarras du patronat sur la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension
Le point crucial du projet de loi immigration présenté au Sénat, lundi 6 novembre, est l'article 3, qui prévoit la régularisation des travailleurs sans papiers. Cet article créera notamment un titre de séjour "de plein droit", un titre d'un an renouvelable, pour les travailleurs étrangers en situation irrégulière, dans les secteurs en tension, c’est-à-dire, les secteurs qui manquent de bras et de compétences, comme le bâtiment ou la restauration.
Sortir des travailleurs de la clandestinité
Aujourd’hui, des pans entiers de notre économie tiennent grâce à des travailleurs immigrés parfois sans papiers. Selon une étude de 2021 de la Dares (Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), qui dépend du ministère du Travail : en France, près de 40 % des employés de maison sont des immigrés, près d’un tiers des agents de gardiennage et de sécurité, un tiers aussi des ouvriers non qualifiés du BTP, 17 % des agents d’entretien. Dans la restauration, plus d’un quart des commis de cuisine sont étrangers, davantage pour "la plonge".
De fait, selon le gouvernement, un titre de séjour spécifique permettrait de régulariser des travailleurs sans papiers qui pendant des mois et des années sont maintenus dans l’illégalité. Selon le ministre du Travail Olivier Dussopt, ce titre de séjour, via l’article 3, pourrait être attribué à 8 000 personnes par an.
Un enjeu politique inflammable
Cet article 3 est donc favorable au patronat, pourtant on ne l’entend pas et ce silence agace le gouvernement. Très peu de chefs d’entreprise assument publiquement leur soutien au projet de loi. À part l’UMIH, l’Union des métiers de l’hôtellerie, présidé par le chef étoilé Thierry Marx. Celui-ci est monté au créneau très tôt pour demander la régularisation des travailleurs clandestins, tout comme la Fepem, la Fédération des particuliers employeurs, qui s’occupe des employés de maison. Mais le reste du patronat se tient silencieux. Les organisations comme le Medef, la CPME, ou l’U2P préfèrent rester loin du débat.
La plupart des patrons disent qu’il n’y a que des coups à prendre à participer au débat. D’un côté, ils craignent d’être taxés de néocolonialisme par l’extrême gauche, en faisant venir de la main-d’œuvre pas chère (et en privant des pays, souvent pauvres, de leurs talents). De l’autre côté, ils craignent d’être accusés par l’extrême droite, de créer un appel d’air à une immigration massive.
Enfin, ils ne veulent pas être instrumentalisés par les partis politiques, dans une bataille politique qui les dépasse. Il faut dire que cet article 3 est le plus discuté, le plus polémique, au point que le gouvernement pourrait le retirer au cours du débat.
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