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Le débrief politique. A Matignon ce soir, c'est un peu Juppé sans Juppé

Nomination du Premier ministre, passation de pouvoirs à Matignon, réactions politiques, et portrait d'Edouard Philippe côté intime...Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actualité politique du lundi 15 mai. 

Article rédigé par franceinfo - Edité par Cécile Mimaut
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Le nouveau Premier ministre Edouard Philippe lors de la passassion de pouvoir à Matignon le 15 mai. (CHRISTOPHE MORIN / MAXPPP)

14h53 : la fumée blanche, enfin, pour Matignon

"Le président de la République a nommé Edouard Philippe Premier ministre et l'a chargé de former le nouveau gouvernement. Je vous remercie". Ce sont les premiers mots, brefs, d'Alexis Kohler sur le perron, tout nouveau secrétaire général de l'Elysée.

Un Normand peut en cacher un autre...

De l'autre côté de la Seine, une heure et demi plus tard, c'est la passation entre Bernard Cazeneuve et Edouard Philippe. Si vous avez aimé les messages subliminaux d'Anne Hidalgo, dimanche à l'Hôtel de ville, grande absente de la cérémonie d'investiture d'Emmanuel Macron, dans le genre leçon et testament politique, Bernard Cazeneuve est encore plus explicite : "Je quitte la responsabilité qui est la mienne en homme de gauche. On ne vient pas de nulle part et si l'on veut montrer fermement la direction, il faut précisément savoir quels sont ses héritages, dont on est comptable". L'héritage, "la boussole, les convictions, l'authenticité", au moment où Emmanuel Macron casse les codes et veut dépasser les clivages.

Tocqueville revisité par Edouard Philippe

Réponse du nouveau locataire de Matignon, Edouard Philippe, du haut de son mètre 94 : "Je sais que, alors même que vous êtes un homme de gauche et que je suis un homme de droite, nous avons l'un pour l'autre de l'estime. J'ai moi aussi une pensée pour ceux qui constituent des exemples. Alain Juppé, vous avez cité Léon Blum et Pierre Mendès France. J'y ajouterais volontiers le général de Gaulle et Clémenceau, ce qui nous permettrait d'aboutir à un équilibre au fond très français, peut-être violemment modéré mais à mon avis terriblement conquérant".

A Matignon, c'est un peu Juppé sans Juppé

Le juppéiste Edouard Philippe aura comme conseiller de communication le juppéiste Charles Hufnagel, conseiller d'Alain Juppé quand il était ministre de la Défense, puis ministre des Affaires étrangères. Edouard Philippe et Charles Hufnagel ont d'ailleurs travaillé ensemble chez Areva. Après Aurore Bergé, jeune juppéiste investie République en marche, et Marie Guevenoux, candidate macroniste également aux législatives, elle qui était chargée de collecter les fonds pour la campagne du maire de Bordeaux à la primaire, ça commence à faire beaucoup de juppéistes. Alain Juppé nie tout accord de gouvernement mais son hologramme semble planer au-dessus d'Emmanuel Macron. D'autres juppéistes lui tendent d'ailleurs la main dans une tribune signée par une vingtaine d'élus, notamment Dominique Bussereau, Fabienne Keller et Benoist Apparu. Autant de ministres potentiels aux côté des lemairistes Arnaud Robinet, Franck Riester ou Thierry Solère ou encore de Nathalie Kosciusko-Morizet. 

L'info du débrief, c'est Laurent Wauquiez 

Le vice-président des Républicains sera en meeting mardi soir en Seine-Maritime, dans le fief d'Edouard Philippe. La bataille pour les législatives va commencer à Franqueville Saint Pierre. Il pourra commenter la composition du gouvernement puisqu' Edouard Philippe et Emmanuel Macron doivent se voir demain matin. Le casting est annoncé en fin de journée.

Phobbie des requins, passion pour la boxe... mais qui est Edouard Philippe côté intime ?

Le 5 mai dernier, Emmanuel Macron avait fait le portrait chinois de son futur Premier ministre. On en connaît le CV politique désormais. Des rocardiens à l'UMP en passant par l'école Rufenacht au Havre, Edouard Philippe, 46 ans, entre donc à Matignon. Mais qui est-il côté intime ? Marié et père de trois enfants, Edouard Philippe confie dans une interview au Point qui date de 2010 qu’il a une peur bleue des requins. Pas sûr qu'il en ait croisés beaucoup au Havre. Et évidemment, aucune chance qu'il en croise à Matignon, en tout cas pas ceux qui nagent en mer. Et ce n'est pas la seule chose qu'il déteste. Il y a aussi les dentistes. Voilà pour les phobies. Côté passions, le nouveau Premier ministre est fan du Parrain, la trilogie de Francis Ford Coppola, tout comme de la série américaine The West Wing ou encore du "Boss", le chanteur Bruce Springsteen. Et puis il est également fan de l'acteur Sean Connery et collectionne les boutons de manchette. Edouard Philippe est surtout passionné de boxe, comme il l'expliquait  il y a un peu plus d'un an à nos confrères de LCI où il confie que ce sport « extrêmement cinématographique » et "très impressionnant" l'a "toujours fasciné". Edouard Philippe s'y est alors mis et s'il "prend un peu des coups", il "en donne aussi", dit-il. "J'apprends, c'est un sport qui rend humble", conclue-t-il. Prendre des coups et en donner… une belle métaphore politique qui devrait servir au nouveau Premier ministre.  

Et puis on notera enfin qu'une barbe vient d'entrer à Matignon, la barbe d'Edouard Philippe. Changement de style donc, c'est la première barbe, on a vérifié sur les photos, depuis 1958.

Premier pas d'Emmanuel Macron, Président à l'étranger

C'était aussi lundi une rencontre Macron-Merkel à la Chancellerie. Le ton est donné. Le nouveau président applique son concept de "bienveillance" aux relations franco-allemandes. Comme le veut le protocole, les deux chefs d'Etats se sont respectivement présentés leurs équipes sur le tapis rouge. Et celle d'Emmanuel Macron enchante Berlin. Philippe Etienne, jusqu'ici ambassadeur de France, nommé conseiller diplomatique, rassure les Allemands qui le connaissent bien. La nomination d'Edouard Philippe est également perçue comme un signe positif. Le nouveau Premier ministre parle couramment l'Allemand, il a passé la Bac à Bonn où son père était proviseur du lycée français. Au total, il y a donc bien une demi-douzaine de germanophiles et de germanophones dans le tout premier cercle, même si Emmanuel Macron a lui échangé ses premiers mots en anglais tout à l'heure avec la Chancelière.   

>> Suivez en direct la visite d'Emmanuel Macron à Berlin

Un juppéiste à Matignon, ça fait forcément réagir avant les législatives

C'est Edouard Philippe qui mènera la campagne pour faire gagner le mouvement initié par Emmanuel Macron alors qu'il est issu des rangs LR. Cette contradiction n'est pas évidente à gérer. Sans surprise, le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis renvoie Edouard Philippe à la droite, donc au "besoin de gauche" pour les législatives. Jean-Luc Mélenchon estime lui que la droite a été "annexée". Il n'y aurait donc plus qu'une alternative : l'opposition s'appellerait France insoumise. "Ne donnez pas les pleins pouvoirs à Monsieur Macron et à son Premier ministre. Que chacun de vos bulletins de vote soit comme un balai pour les dégager tous", a-t-il déclaré. Et au Front national, qu'est-ce qu'on dit ? Qu'Edouard Philippe, c'est l'UMPS. "La désignation d'Edouard Philippe comme Premier ministre est la démonstration qu'avec Emmanuel Macron ce n’est pas le renouveau, c'est finalement la synthèse du pire de la droite  et du pire de la gauche. C'est la synthèse des rocardiens et des juppéistes, on ne peut pas dire que ce soit le renouveau, c'est plutôt le recyclage", estime Nicolas Bay qui dirige la campagne du FN pour les législatives. Quant à Marine le Pen, on ne peut que la lire, pas l'entendre. Elle a réagi à la nomination d'Edouard Philippe par un simple communiqué de la même teneur que Nicolas Bay et son absence étonne, détonne même, alors que le FN fanfaronne toujours sur son score au second tour le 7 mai dernier. Cet après-midi, le FN présentait sa liste de candidats aux législatives, et pas de Marine Le Pen, retenue officiellement à Bruxelles.

La note du débrief : 10/20 pour Edouard Philippe

Edouard Philippe peut mieux faire en matière de transparence. Dans sa déclaration d'intérêt remise en 2014 à la Haute Autorité, il y a des cases vides, jamais de chiffres sur ses rémunérations. Selon Mediapart (édition abonnés), sur sa déclaration de patrimoine, il a même reçu un blâme. Quand on sait que le premier chantier que veut lancer Emmanuel Macron c'est la moralisation de la vie publique, il va falloir être plus précis.

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