Violences faites aux femmes : où en est la lutte contre les féminicides en Espagne et au Mexique ?
L'Espagne est à la pointe de la lutte politique, législative, policière et judiciaire contre les violences faites aux femmes, depuis le tournant des années 2000, après qu'un féminicide a ému tout le pays. La loi intégrale contre les violences de genre a été approuvée à l’unanimité par le Parlement, en 2004.
Elle inclut des tribunaux spécialisés, des mesures de prévention et une protection des victimes, qui sont aidées économiquement et en termes d’insertion professionnelle. L’Espagne consacre 200 millions d’euros chaque année à cette politique. La loi a été, par la suite, complétée par d’autres mesures, notamment l’imposition par les juges de bracelets électroniques aux conjoints violents.
L'éviction d'une ministre
Il est en revanche difficile de mesurer l'efficacité de la loi puisqu’en ce qui concerne le total des victimes et donc en comptant les blessures non-mortelles, on observe une augmentation presque constante depuis 10 ans. Le nombre de victimes est passé de 27 000, en 2014, à 32 000 en 2023. L'explication optimiste serait que le nombre augmente puisqu'il y a plus de femmes qui portent plainte. C'est possible, d'autant plus que les féminicides restent stables. Dans les années 2000, il y en avait autour de 70 par an. Ils sont passés à en moyenne 50, chaque année, depuis 2012. Soit deux fois moins qu'en France, pour une population inférieure seulement d’un tiers.
Cependant, la ministre à l'Égalité entre les hommes et les femmes, Irene Montero n'a pas été reconduite dans le nouveau gouvernement Sánchez. Son éviction est précisément liée à une loi qu'elle avait préparée contre les agressions sexuelles. Cette dernière était connue sous le nom de "Seul un oui est un oui" et elle devait placer le consentement au cœur de la définition du viol. Mais en redéfinissant les catégories des délits, les peines plafond de centaines de personnes ont été réduites et permettant ainsi de bénéficier de remises de peine. Un fiasco technique et juridique qui a eu raison de la ministre.
Pour autant, Irene Montero, la représentante la plus en vue de Podemos, le parti de gauche radicale ne décolère pas de son éviction. Lors de la passation des pouvoirs à la nouvelle ministre, le 21 novembre dernier, elle a déclaré que "C’est précisément parce que nous avons fait ce que nous avions dit que nous ferions, à savoir, mettre les institutions au service de l’avancée des droits féministes, qu'aujourd'hui, Pedro Sánchez nous jette du gouvernement." La lutte contre les violences faites aux femmes avance donc en Espagne, mais dans une ambiance de division politique.
Des chiffres alarmants au Mexique
Le débat est récurrent au Mexique sur le nombre réel de féminicides. En effet, dix femmes sont tuées chaque jour au Mexique, un chiffre qui reste stable depuis cinq ans. Or, moins d’un quart de ces crimes sont traités officiellement comme des féminicides, donc des homicides commis pour des raisons de genre. Le Mexique était pourtant l’un des premiers pays au monde à qualifier pénalement le féminicide, dès 2012. Mais aujourd’hui, la grande majorité des meurtres de femmes sont dilués dans l’indice de criminalité globale, qui est déjà en soi très élevé dans le pays. Il y a aussi un grand nombre de disparitions de femmes, un phénomène qui pourrait occulter des féminicides non comptabilisés.
Face à cette violence extrême, les femmes mexicaines sont constamment mobilisées. Elles dénoncent l’indifférence des autorités avec une colère qui a participé à la montée en puissance d’un nouveau mouvement féministe au Mexique. Le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, est devenu un rendez-vous habituel. Les femmes protesteront contre la banalisation des violences à leur encontre. Elles vont manifester à Mexico en portant 3 000 panneaux en bois découpés en forme de silhouettes de femmes peints en mauve sur lesquels elles ont inscrit les noms des victimes, pour rendre visibles ces milliers de femmes tuées chaque année.
Il n'y a pas de justice au Mexique pour les victimes de féminicides et c'est l'une des principales exigences des manifestantes. Au Mexique, le taux d’impunité, pour tous les délits, atteint 98%. Dans le cas des féminicides, plusieurs études montrent que l’immense majorité de ces crimes restent impunis comme l'explique Ruth Diaz, une militante féministe. "On n’obtient jamais justice dans ces affaires. Les autorités s’activent seulement dans les cas les plus médiatiques. Mais sur 30 ou 50 féminicides qui se produisent chaque mois, il y en a peut-être un qui atterrit dans les médias."
Même dans certains cas qui ont été très médiatisés à travers le pays, les enquêteurs ont privilégié la piste du suicide ou de l’accident, alors qu’il existait des preuves indiquant qu’il s’agissait de féminicides. Il s'agit d'une stratégie récurrente des autorités pour tenter de minimiser la gravité du phénomène.
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