Ventes d'armes à Israël : alors que le Canada, l'Italie et l'Espagne ont cessé de fournir l'État hébreu, l'Allemagne continue malgré la pression

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a exigé vendredi l’arrêt de toute vente d’armes à Israël. Alors que de nombreux pays, comme le Canada, ont déjà cessé de le faire, l’Allemagne, deuxième fournisseur derrière les États-Unis, s'est opposée à cette résolution.
Article rédigé par Nathalie Versieux - Justine Leblond
Radio France
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Soldats israéliens près de la frontière avec la bande de Gaza, le 12 mars 2024. (JIM HOLLANDER / MAXPPP)

Le Canada n’a pas attendu le projet de résolution d’un embargo sur l'envoi d’armes à Israël pour stopper ses propres livraisons. Le 19 mars dernier, juste après avoir adopté une motion non contraignante en faveur d’un "cessez-le-feu" immédiat au Parlement canadien, et après un vote des députés demandant au gouvernement de "cesser l’approbation et le transfert" d’armes vers l’État hébreu, le Canada a confirmé "cesser d’envoyer des armes à Israël"

Si les États-Unis sont de très loin les premiers fournisseurs d’armes pour Israël, l’Allemagne est en deuxième position. La sécurité d’Israël a été érigée en raison d’État par Angela Merkel, lors de son discours devant la Knesset en 2008, à l’occasion du 60e anniversaire de la création de l’État hébreu. Cependant, les armes fournies à Israël depuis le début du conflit font de plus en plus débat.

L’Allemagne vend essentiellement du matériel de défense

En 2023, l’Allemagne a autorisé 326 millions d’euros d’exportations militaires vers Israël. C’est dix fois plus qu’en 2022. L’essentiel des autorisations a été accordé après le choc de l’attaque du 7 octobre perpétrée par le Hamas. À l’époque, Olaf Scholz avait assuré que les demandes d’armements d’Israël seraient traitées en priorité. Mais il faut toutefois relativiser l’importance de ces ventes. L’Allemagne se trouve très loin derrière les États-Unis pour les ventes d’armes à Israël et l’essentiel de ces exportations représente du matériel de défense. En 2023, les ventes d’armes proprement dites ont représenté moins d’un dixième du total, soit 20 millions d’euros. Notamment 3 000 armes antichars portables, 500 000 munitions et des pistolets mitrailleurs.
 
Comme ailleurs, ces livraisons font de plus en plus débat en Allemagne, à mesure que le conflit s'est enlisé. La pression vient du nouveau parti d’extrême gauche BSW, de Sahra Wagenknecht, qui multiplie les prises de position. Elle veut mettre le dossier à l’agenda du Bundestag la semaine prochaine. Elle ne nie pas le droit d’Israël à se défendre. Mais elle critique le soutien au gouvernement Nétanyahou. "La raison d'État allemande - s'engager pour la sécurité d'Israël - doit aussi signifier, en cas de doute, rappeler à l'ordre un gouvernement israélien incontrôlable", estime ainsi cette égérie de la gauche allemande.

Un soutien sous pression au national comme à l'international

Plus le conflit dure, plus l’opinion évolue. 17% seulement des Allemands soutiennent aujourd’hui l’opération à Gaza, contre plus de 50% cet automne. Le gouvernement allemand est donc sous pression. Résultat, les livraisons d’armement à Israël ont reculé depuis le début de l’année.
 
La pression pression se fait également à l’international, et c’est quelque chose de nouveau. Le Nicaragua a déposé en mars une plainte en urgence devant la Cour Internationale de Justice, le tribunal des Nations Unies. Berlin y est accusée de soutenir le génocide à Gaza, avec ses livraisons d’armes. Les délibérations auront lieu lundi et mardi prochain. Les juristes ne s’attendent pas à ce que le tribunal interdise à l’Allemagne de vendre des armes à Israël. Mais Berlin pourra difficilement ignorer totalement la pression internationale autour de cette plainte.

Le Canada durcit le ton vis-à-vis d'Israël

Le 19 mars dernier, la ministre des Affaires étrangères canadienne a confirmé "cesser d’envoyer des armes à Israël". Mélanie Joly a d’ailleurs précisé que depuis le début du conflit, le Canada n’avait approuvé que des "permis pour des marchandises non létales", par exemple des "outils de communication" d’après le gouvernement. Et toujours d’après la ministre des Affaires étrangères, depuis le 8 janvier plus "aucun permis" de livraison d’armes n’a été octroyé, "compte tenu de l’évolution rapide de la situation sur le terrain."

Évidemment cette décision de stopper les livraisons d’armes a fait réagir le chef de la diplomatie d’Israël, qui juge la décision canadienne "malheureuse", et estime qu’elle "sape le droit d’Israël de se défendre". 

Les fabricants canadiens d'armes dans l'attente d'informations

L'industrie de défense canadienne a regretté dans la presse "le manque d’informations en provenance du gouvernement canadien", car rien n’a été communiqué aux fabricants d’armes. Ni en janvier, quand le Canada a cessé de valider des permis d’exportation, ni en mars quand la décision a été rendue officielle. Et comme le gouvernement n’a pas encore dévoilé les prochaines étapes à la suite de cette décision, la confusion règne encore pour l’industrie. Un organisme se demande par exemple si l’arrêt de livraisons d’armes vers Israël s’appliquera à tous les permis, ou seulement aux nouveaux. 

On ne connaît pas les chiffres des contrats militaires en jeu, mais d’après Radio-Canada, en 2022, le Canada a exporté plus de 14 millions d’euros de matériel militaire vers Israël et plus de 17 millions l’année précédente. Ce qui signifie qu’Israël fait partie des dix plus grosses destinations d’exportation d’armes canadiennes.

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