Pourquoi l'Inde et la Pologne ne sont pas prêts d'abandonner le charbon
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Pologne et l'Inde pour voir quelles sont les raisons et les conséquences de la production de charbon dans ces pays.
La Chine est en passe d'augmenter de près de 6% sa production de charbon afin de faire face à des pénuries d'électricité et a même atteint récemment un record de production quotidienne, ont annoncé lundi 18 octobre les autorités. Une mauvaise nouvelle pour la lutte contre le réchauffement climatique alors que la COP26 doit avoir lieu du 31 octobre au 12 novembre 2021 en Ecosse. Alors que l'urgence climatique se fait de plus en plus pressante, certains pays ne sont pas prêts à abandonner des productions d'énergie fortement émettrices en CO2. Direction la Pologne et l'Inde qui sont parmi les premiers producteurs et consommateurs de charbon.
En Pologne, la transition énergétique n'est pas pour tout de suite
L’électricité de la Pologne dépend encore à plus de 70% du charbon. Le pays est d'ailleurs le premier producteur dans l’Union européenne. Le gouvernement et les syndicats de mineurs ont conclu un accord pour fermer la dernière mine au plus tard en 2049, soit un an avant la date limite fixée par l’UE pour atteindre la neutralité carbone. Cela ne veut pas dire que la fin du charbon n’arrivera pas plus tôt car l’industrie minière polonaise engendre des pertes considérables. Pour la société publique polonaise PGG, c'est plus de 100 millions d’euros de pertes en 2019 et cinq fois plus en 2020 à cause notamment de la pandémie de Covid-19. On ne sait pas combien de temps l’État polonais va continuer de combler les trous.
L’État polonais continue de maintenir en vie le secteur minier alors qu'il engendre autant de pertes de dommages climatiques pour une question d’indépendance énergétique. Si la Pologne renonce du jour au lendemain au charbon, il ne lui restera presque rien. Le pays est très en retard sur les énergies renouvelables et n’est pas encore doté de réacteur nucléaire, même si un premier projet dans ce sens devrait voir le jour en 2033. Et puis le charbon, c’est avant tout une fierté nationale et une tradition vieille de plusieurs siècles. Aujourd’hui encore, environ 80 000 mineurs travaillent toujours dans le secteur. Il y a des villes et villages où la quasi-totalité des jeunes hommes travaillent au fond des mines et pour qui la fermeture serait une catastrophe sociale.
Une querelle oppose la Pologne et la République tchèque au sujet de la mine de Turow, à la frontière entre les deux pays. L'UE somme Varsovie de la fermer et lui impose une amende de 500 000 euros par jour de retard. D’après les autorités tchèques, plusieurs milliers d’habitants pourraient être privés d’eau car les nappes phréatiques se vident à cause de l’activité dans cette gigantesque mine à ciel ouvert qui se situe à quelques centaines de mètres de la frontière avec la République tchèque et aussi avec l’Allemagne. Varsovie a récemment autorisé le géant polonais PGE à y extraire du charbon jusqu’en 2044, ce qui a provoqué la colère de Prague. La Cour de justice européenne a donné raison aux Tchèques mais malgré l’amende, le gouvernement polonais annonce qu’il ne fermera pas la mine de Turow car elle produit à elle seule 7% de l’électricité du pays. Depuis, c’est une crise ouverte entre Varsovie et Prague qui ne semble pas prête d’être résolue.
En Inde, la pression sur les énergies fossiles n’est pas prête de se calmer
La reprise en Inde et la saison des festivals entraînent une explosion de la consommation d’énergie et en particulier de charbon. De nombreux États ont alerté ces derniers jours sur l’épuisement de leurs stocks et ont commencé à limiter l’approvisionnement en énergie pour éviter des coupures. Il faut savoir que l’Inde dépend en moyenne du charbon à 70% pour son électricité, avec même un pic à 80% en 2021. Une partie de ce charbon est importé, notamment de la Chine, qui traverse aussi une crise de la demande en ce moment.
Une autre partie est extraite directement du sol indien, notamment dans le centre du pays, dans l'État du Chhattisgarh, qui compte pour 2% de la population mais 16% des réserves du pays. Il s'agit d'un État pauvre, tourné vers l’agriculture. On l’appelle l’Amazonie de l’Inde pour ses grandes forêts sauvages et ses populations encore tribales. Mais on y trouve aussi des zones industrielles auxquelles l'accès est interdit. Les populations ne profitent pas de l’appétit croissant des entreprises pour la richesse des sols. "Ces dix dernières années, le nombre de patients que je reçois a beaucoup augmenté à cause de la déforestation, l’air pur disparaît et la pollution augmente, explique le docteur ayurvédique Haria Patel. Et avec les fumées crachées par les industriels, la population attrape des problèmes pulmonaires, des problèmes de peau, et des cancers même. Les industriels ont promis des jobs et des infrastructures de santé, mais il n’en est rien." Autour des mines, 20% des habitants souffriraient de problèmes pulmonaires, contre 2% dans le reste de l’Inde.
Dans un pays émergent comme l’Inde, cette pression sur les énergies fossiles n’est pas prête de se calmer. Depuis les années 2000, la consommation d’énergie de l’Inde a doublé et elle devrait doubler encore d'ici 2040 selon l’Agence internationale de l’énergie. La crise actuelle laisse redouter le pire à Singh Bhagat qui habite près d’une mine et dont la maison se fissure à cause du dynamitage du sol : "Aujourd’hui, de nouvelles entreprises arrivent et prospèrent et on est très inquiets que l’activité augmente encore. Si nous fournissons de l'électricité au reste de l’Inde, le reste de l’Inde devrait aussi s’intéresser à nous. Le pays doit savoir que si nous perdons nos forêts, cela va faire augmenter les températures partout." L’Inde s’emploie sérieusement à augmenter ses capacités en énergie renouvelable, notamment en énergie solaire, mais cela ne représente toujours que 3% de ses besoins. En attendant, les habitants des zones minières paient le prix fort et demandent plus de considération.
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