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Patrimoine : l’Allemagne et la Belgique vont restituer des œuvres d’art provenant d'Afrique

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd’hui, direction l’Allemagne et la Belgique qui s’engagent à restituer des œuvres d’art africaines.

Radio France
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Thomas Dermine, secrétaire d'Etat de la politique scientifique belge, lors d'une conférence de presse à l'AfricaMuseum à Bruxelles concernant la restitution d'objets d'art du passé colonial, le 6 juillet 2021. (LAURIE DIEFFEMBACQ / BELGA MAG)

Ils sont de plus en plus nombreux à en faire la demande. À l’image du Bénin, qui a réclamé le retour d’œuvres se trouvant dans des musées français, plusieurs pays africains ont fait part de leur volonté de récupérer les œuvres d’arts de leur pays respectif. Le quai Branly va notamment renvoyer 26 œuvres du musée au Bénin. Mais la France n’est pas la seule concernée, des pays comme l’Allemagne et la Belgique doivent aussi répondre à un certain nombre de réclamations.

En Allemagne, des restitutions et des prêts permanents négociés

L'Allemagne doit commencer en 2022 la restitution au Nigéria d'œuvres d'art connues sous le nom de bronzes du Bénin. Plusieurs centaines de pièces de ce type sont entreposées dans les collections des musées allemands. Parmi elles, 1 100 bronzes du Bénin. Ces objets d'art, pillés en 1897 par les Britanniques dans l'actuel Nigéria, ont ensuite été revendus à travers l'Europe. La moitié des pièces allemandes se trouvent aujourd'hui à Berlin.

Les discussions avec le Nigéria autour d'une restitution ont débuté en 2010 et lentement, les consciences ont évolué en Allemagne. Désormais, l'idée dominante est que la propriété légale de pièces qui ont été achetées n'est pas forcément légitime, puisque le sang des victimes de la colonisation britannique colle à chacune de ces œuvres.

Paradoxalement, c'est l'inauguration d'un nouveau musée à Berlin qui a accéléré le processus. Les pièces béninoises devaient constituer le clou du Humboldt Forum, musée inauguré en décembre dernier au centre de la capitale allemande. Un projet très contesté puisque les collections devaient être montrées dans un château, réplique identique de celui de la famille des Hohenzollern, la famille impériale qui avait lancé le colonialisme allemand.

Au final, seulement quelques bronzes du Bénin y seront exposés. Le modèle de restitution négocié avec le Nigéria prévoit en effet que l'Allemagne conserve quelques-unes de ces œuvres, sous forme de prêts permanents.

En Belgique, une loi en préparation pour une restitution organisée et systématique

La Belgique a décidé de prendre le taureau par les cornes pour ne pas s’exposer à des polémiques concernant des décisions de restitution ponctuelles. Aucune restitution n’a encore eu lieu car le gouvernement fédéral actuel a décidé d’adopter une approche systématique. Tous les objets sont petit à petit recensés et identifiés et selon leur provenance, ils seront automatiquement éligibles pour une restitution, essentiellement à un des trois pays du passé colonial belge.

À savoir au Congo-Kinshasa auquel le pays avait lié son destin à partir de 1885, avant de récupérer le double protectorat du Ruanda-Urundi après la défaite allemande en 1918. Mais c’est de la République démocratique du Congo que proviennent l’immense majorité des œuvres présentes dans le royaume. Si elles sont partiellement dispersées dans diverses institutions muséales, l’essentiel est rassemblé en un même lieu à Tervueren, aux portes de Bruxelles. Appelé aujourd’hui AfricaMuseum ou Musée royal d’Afrique centrale, il s’agit de l’ancien Palais des Colonies lancé en 1897 par le roi Léopold II, à l’origine de la colonisation. Il abrite aujourd’hui 85 000 objets provenant de l’ancien Congo belge. Beaucoup de ces objets devraient être déclassés et sortir du patrimoine inaliénable.   

Les chiffres restent pour le moment flous, mais si l’on s’attache aux objets dont la provenance est clairement douteuse on peut estimer celui des objets acquis avec des méthodes déjà illégales à l’époque coloniale comme le pillage, les prises d’otage ou les profanations. 1 500 à 2 000 objets sont déjà classés comme mal acquis. Au total, entre 35 000 et 40 000 pièces devraient être éligibles à la restitution.  

Kinshasa n’a pas fait de demande officielle, mais côté belge, un projet de loi a été annoncé début juillet et sera déposé début 2022 pour graver dans le marbre les critères selon lequel l’acquisition d’un objet doit être considéré comme illégitime en cas par exemple de vente forcée.    

Le président congolais Félix Tshisekedi a inauguré en 2019 le nouveau musée national de la République démocratique du Congo en affirmant que le patrimoine devait revenir de Belgique, mais de manière organisée. Il devrait y avoir d’abord un effort destiné à reconstituer des collections représentatives de certains groupes ethniques et le reste prendra plus de temps car le nouveau musée national congolais ne peut accueillir pour l’instant que 12 000 pièces dans des conditions optimales de conservation.

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