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Patrimoine : 26 œuvres du musée du quai Branly vont être restituées au Bénin

En 2017, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir restituer "sans tarder"  ces oeuvres réclamées par les autorités du Bénin. Des prises de guerre de l'armée française en 1892. 

Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les 26 œuvres restituées au Bénin sont exposées jusqu'au 31 octobre au Musée du Quai Branly. (ANNE CHEPEAU / RADIO FRANCE)

À Paris, le musée du quai Branly-Jacques Chirac expose à partir de mardi 26 octobre 26 œuvres de ses collections qui vont être restituées le mois prochain au Bénin. C’est le premier groupe d’objets à quitter un musée français pour l’Afrique depuis qu’Emmanuel Macron a annoncé en 2017 que des restitutions devaient avoir lieu dans les cinq ans. Ce retour en annonce d’autres, même si ce n’est pas simple.

Deux des trois trônes restitués au Bénin par le musée du quai Branly. (ANNE CHÉPEAU / FRANCE-INFO)

Ces 26 œuvres, on connaît parfaitement leur origine et l’histoire de leur arrivée en France. Elles proviennent de l’ancien royaume d’Abomey, aujourd’hui partie intégrante du Bénin. Elles y ont été saisies en 1892, en pleine guerre coloniale, par les troupes d’un général français. Parmi ces 26 pièces, il y a notamment trois statues royales mi-homme, mi-animal, trois trônes et quatre portes en bois sculptées provenant du palais royal. Elles sont entrées dans les collections françaises dès 1893. Et de par leur histoire, elles ont une immense valeur pour les Béninois. Bertin Calixte Biah est le conservateur du musée d’histoire de Ouidah au Bénin. "C'est toute une population qui attend l'arrivée de ces oeuvres, assure-t-il. C'est notre culture, c'est notre patrimoine. Ces objets qui ont séjourné hors de nos territoires pendant des décennies et qui reviennent c'est une émotion forte." 

"Lorsque vous vous retrouvez devant certaines pièces, vous avez la chair de poule, le sentiment qui vous anime est indescriptible."

Bertin Calixte Biah, le conservateur du musée d’histoire de Ouidah au Bénin

à franceinfo

 

Les conservateurs du Musée de Ouidah et du site du Palais Royal d'Abomey qui vont superviser le transfert des 26 œuvres au Bénin.  (ANNE CHEPEAU / RADIO FRANCE)

Ces 26 œuvres devraient retourner au Bénin le 9 novembre. Elles seront d’abord exposées au musée d’histoire de Ouidah car pour l’instant le musée qui est censé les accueillir à Abomey sur le site de l’ancien palais royal n’est pas construit.

D'autres restitutions à venir

À ce jour, sept pays africains réclament le retour d’œuvres se trouvant dans des musées français. Outre le Bénin, il y a le Sénégal, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, le Tchad, le Mali et Madagascar.

Mais les demandes ne sont pas toujours précises comme l’explique l’avocat Emmanuel Pierrat, spécialiste de la propriété intellectuelle, et collectionneur d’art africain. "Il y a ceux qui ont travaillé qui disent 'voilà les objets spoliés dont nous avons besoin et que nous sommes prêts à montrer', c'est la cas de la Côte d'Ivoire, c'est le cas d'un certain nombre de pays. Il y a d'autres pays qui font une démarche très politique qui consiste à faire complètement l'économie de lister, qui ne savent même pas ce qu'ils demandent et qui disent 'rendez-nous' juste parce que les relations diplomatiques du moment ne sont pas bonnes avec la France. Ces demandes ne sont pas à examiner pour l'instant, ce ne sont pas des demandes qui peuvent être faites de façon générale", détaille-t-il.

150 000 objets provenants d'Afrique potentiellement concernés

Combien d’objets et d’œuvres d’art pourraient être concernés ? Ce que l’on sait grâce à une étude qui vient d’être publiée et qui se poursuit, c’est qu’il y a dans les collections publiques françaises, environ 150 000 objets provenant d’Afrique, au moins 219 musées sont concernés. Mais tous ces objets extrêmement variés ne vont pas repartir en Afrique. D’autant que la plupart du temps, on a peu d’informations sur leur provenance, on ne connaît pas les conditions dans lesquelles ils sont arrivés en France.

C’est le cas, par exemple, à Angoulême où le musée des Beaux-Arts détient notamment plus de 3 200 œuvres africaines provenant d’un legs fait en 1934 par un médecin de la ville. Émilie Salaberry dirige les musées municipaux d’Angoulême. "Ma grosse difficulté c'est que nous n'avons aucune archive sur les modalités d'acquisition des objets. On a coutume de dire qu'il se fournissait de Bordeaux et de La Rochelle, qu'il se rendait régulièrement à Paris pour ses affaires et qu'il achetait, a priori, un certain nombre de pièces dans les grandes foires coloniales. Mais on ne sait pas à qui exactement, selon quelles modalités et on sait encore moins comment les objets ont été acquis sur le continent africain avant leur arrivée en France", déplore-t-elle.

Face à ce manque d’information et à la hausse du nombre de demandes de restitutions, trois sénateurs viennent de déposer une proposition de loi pour créer un conseil scientifique, qui serait chargé de donner un avis sur les demandes de restitution. Parmi eux, le sénateur Les Républicains, Max Brisson : "Le conseil que je souhaite est un moyen d'éclairer le politique. Il faut qu'on ait une politique, ça ne peut pas être coup par coup. Je pense qu'il faut contrer ce 'fait du prince' en instaurant une transparence démocratique, un avis d'experts à la disposition de l'opinion publique", explique-t-il.

Les sénateurs comme de nombreux conservateurs ou directeurs de musée en France sont favorables au cas par cas : oui à des restitutions mais pas sans étude préalable et certainement pas générales. Selon le Code du patrimoine, les collections publiques françaises sont inaliénables, on ne peut pas disposer des oeuvres, les déclasser pour les donner, sauf à faire voter une loi spécifique, c’est ce qui a été fait pour les 26 œuvres d’Abomey. Emmanuel Macron ira d’ailleurs les admirer mercredi 27 octobre après-midi au musée du quai Branly-Jacques Chirac, à l’occasion d’une cérémonie.

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