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"Pandora Papers" : des personnalités éclaboussées par le scandale au Chili, en Jordanie et aux Pays-Bas

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction le Chili, la Jordanie et les Pays-Bas, trois pays où des dirigeants sont impliqués dans l'affaire des "Pandora Papers".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 524 min
Le roi de Jordanie Abdallah II lors d'une rencontre avec le secrétaire d'Etat américain, le 26 mai 2021 à Amman. (ALEX BRANDON / POOL)

C'est un nouveau scandale financier mondial qui implique des personnalités politiques, des célébrités et des hommes d'affaires sur tout le globe. Cette investigation a été menée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et ses partenaires, dont la cellule investigation de Radio France. Sur plusieurs mois, 600 journalistes de 150 médias répartis dans 117 pays ont épluché 11,9 millions de documents issus de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore.

>> "Pandora Papers" : des milliers de milliards de dollars toujours à l’abri dans des paradis fiscaux

Au Chili, le scandale éclabousse le président  Sebastián Piñera

Les médias locaux qui ont participé à l'enquête ont révélé que les enfants du président, qui est aussi l'un des hommes les plus riches du Chili, ont signé pendant son premier mandat un contrat de vente d'un projet minier très polémique. Or la transaction a eu lieu dans les Îles Vierges Britanniques, un paradis fiscal, et elle est entachée de très forts soupçons de conflits d'intérêt. 

Ces révélations font réagir toute la classe politique d'autant plus que le pays est en pleine campagne présidentielle : l'élection est prévue dans un mois et demi. Et le scandale concerne la vente d'une entreprise minière qui devait s'installer dans le nord du Chili. Or cette société appartenait aux enfants de Sebastián Piñera, qui l'ont vendue à l'un ses plus proches amis en 2010. Et surtout, une clause du contrat, signée dans un paradis fiscal, prévoyait que le dernier versement ne serait approuvé que si l'emplacement de la future mine n'était pas déclaré réserve naturelle. Or cette décision dépendait alors directement du président Piñera, qui était au début de son premier mandat. Un conflit d'intérêt évident pour l'opposition. Le candidat de gauche à la présidentielle, Gabriel Boric parle de faits "gravissimes". À droite, le candidat soutenu par la coalition au pouvoir, a même demandé davantage d'explications.

Sebastián Piñera répond de son côté qu'il n'était pas au courant de la vente (pour 152 millions de dollars au total), et que la justice l'a blanchi en 2017. Pour tenter d'éteindre la polémique, le gouvernement a annoncé mardi 5 octobre vouloir créer une aire marine protégée, qui engloberait une partie du site où devait s'installer ce projet minier très polémique. Malgré cela, des parlementaires d'opposition comptent lancer dans les prochains jours une procédure d'impeachment contre le président.  

En Jordanie, c'est le Roi Abdallah II qui est épinglé

Quatorze résidences d'une valeur de plus de cent millions de dollars. La presse internationale s'emballe mais la presse jordanienne, elle, reste mystérieusement muette. Preuve que la presse marche au pas en Jordanie. Seul le Jordan Times a publié lundi 4 octobre un communiqué de neuf paragraphes émanant de la cour royale. Un communiqué repris tel quel sur le site internet du quotidien. Dans ce texte, le Roi Abdallah II ne nie pas être le propriétaire de ces résidences : une villa sur la côte californienne, des maisons à Londres, des appartements à Washington…etc. Mais il assure les avoir achetées sur ses deniers personnels. Concernant les sociétés enregistrées aux Îles Vierges pour les transactions financières, c'était - dit-il - pour garder ses lieux de résidence secrets et assurer ainsi sa sécurité et celle de ses hôtes.

Le souverain l'affirme, rien d’illégal et d’anormal donc. Mais ces révélations font mauvais effet à un moment où le pays se serre la ceinture et où les Jordaniens manifestent régulièrement contre l’augmentation des impôts. Les enseignants ont défilé dans les rues à de très nombreuses reprises pour réclamer des hausses des salaires. Actuellement, 25% de la population active est à la recherche d’un emploi. Le royaume, pauvre en ressources naturelles, vit de l’aide internationale et de l’argent renvoyé au pays par les travailleurs jordaniens installés dans les pays du Golfe. Dans ce contexte, ces révélations risquent donc de creuser le fossé entre un souverain dont la fortune est maintenant étalée au grand jour et ses sujets qui peinent à joindre les deux bouts. De son côté, le palais royal indique que le Roi Abdallah et sa famille contribuent à de nombreuses actions caritatives.

Aux Pays-Bas, le ministre des Finances est mis en cause

Même si d’autres Néerlandais sont mis en cause, on a surtout retenu un nom, celui de Wopke Hoekstra, le ministre sortant des Finances. Selon les "Pandora Papers", il a investi en 2009 un peu plus de 26.000 euros dans une société écran aux Îles Vierges britanniques. Des actions qu’il aurait revendues peu de temps avant son entrée au gouvernement en 2017. Le principal intéressé, lui, se défend d’avoir été au courant que son argent se trouvait dans le paradis fiscal des Caraïbes. Il se serait, dit-il, contenté d’investir dans la start-up d’un ami qui souhaitait développer de l’éco-tourisme sur le continent africain. Et surtout, il aurait reversé les gains de l’opération, près de 5.000 euros, à une association caritative. Mais face à la défiance de députés qui ont réclamé d’urgence un débat, il a dû s’en justifier plus longuement mardi 5 octobre au Parlement.

Mais Wopke Hoekstra, c'est surtout celui qui était chargé de lutter ces dernières années contre l'évasion fiscale dans son pays. Il essayait d’endosser depuis plusieurs années le rôle d’un ministre des Finances à la main de fer. Il s'était aussi engagé face à la présumée mauvaise gestion financière de pays du sud de l’Europe, y compris la France, qui vivraient de plus en plus aux crochets des Pays-Bas. Ce qui lui avait d’ailleurs valu de devenir en 2020 notamment la bête noire de dirigeants du sud comme le Premier ministre portugais António Costa. Mardi au Parlement, Wopke Hoekstra s’est défendu d’avoir fait quoique ce soit d’illégal. Mais pour devancer d’éventuelles révélations à venir sur d’autres investissements, il a avoué avoir également placé son argent en 2015 cette fois sur l’île de Guernesey.

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