Paludisme : vaccination et prévention au Kenya et en RDC

Cette maladie tue un enfant par minute dans le monde et l'Afrique est la plus touchée par cette maladie. Nos correspondants au Kenya et en République démocratique du Congo nous décrivent comment les autorités et les ONG tentent d'enrayer ce fléau.
Article rédigé par franceinfo - Paul Lorgerie et Albane Thirouard
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La République démocratique du Congo est le second pays au monde le plus touché par le paludisme, dans les zones rurales, l'accès aux soins est difficile. (JOHN WESSELS / AFP)

En 2022, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 249 millions le nombre de cas de paludisme et à 608 000 le nombre de décès dus au paludisme dans 85 pays. Ce jeudi 25 avril 2024, Journée mondiale de lutte contre le paludisme, le Club des correspondants part en Afrique. La région comptabilise à elle seule 95% des décès dans le monde, liés à cette maladie transmise par les moustiques.

Au Kenya, elle a causé 12 000 décès en 2022, selon l'OMS. Le pays participe à la phase pilote d'un vaccin contre le paludisme, plus de 400 000 enfants ont déjà été vaccinés. Les autorités ont décidé d'étendre la vaccination à plus de régions. Mais les spécialistes avertissent qu'il reste un outil complémentaire à la prévention.

La République démocratique du Congo est le second pays le plus touché au monde par le parasite transmis par les moustiques. Selon l'Observatoire du paludisme sévère, le paludisme aurait causé 70 700 décès en 2022 dans le pays. Des discussions sont en cours pour introduire un vaccin validé par l'OMS, en attendant, les ONG font un travail curatif et préventif.

Kenya : "Il n'y a pas de solution miracle dans la lutte contre le paludisme"

La phase pilote d'un vaccin contre le paludisme a été lancée en 2019, au Kenya, au Ghana et au Malawi, chez les enfants de moins de 5 ans. D'après l'OMS, les premiers résultats montrent une baisse de 13% de la mortalité liée au paludisme chez les enfants. Au Kenya, il a été déployé dans les comtés où la maladie est endémique, autour du lac Victoria, dans l'ouest du pays. Il est accessible gratuitement. Plus de 400 000 enfants ont déjà été vaccinés et dans ces régions, les établissements de santé disent avoir vu une baisse considérable des hospitalisations pour des cas graves de paludisme chez les enfants.

En 2023, le Kenya a donc décidé d'étendre la vaccination à plus de régions. Néanmoins, les spécialistes soulignent qu'elle reste un outil complémentaire à la prévention, comme l'utilisation de moustiquaires ou d'insecticides. "Il n'y a pas de solution miracle dans la lutte contre le paludisme", selon Willis Akhwale, conseiller spécial au sein du End Malaria Council, un partenariat public-privé kényan dans la lutte contre le paludisme. "C'est tout un ensemble de mesures qui est nécessaire. Oui, le vaccin a permis de réduire le nombre de formes graves chez les enfants qui l'ont reçu. Mais, la question à se poser c'est : quand ces enfants vont grandir, quelle forme de paludisme auront-ils ? Les pays africains doivent continuer de mener leurs études et de surveiller les développements avant que l'on puisse affirmer que le vaccin est une solution miracle", explique-t-il.

Un nouveau moustique arrive dans les villes

Malgré tous ses efforts et le déploiement du vaccin, un nouveau moustique inquiète les autorités au Kenya. Il s'agit de l'Anopheles stephensi, un vecteur du paludisme, originaire d'Asie. Il a été repéré dans deux régions du nord du Kenya fin 2022. Il inquiète parce qu'il risque d'apporter le paludisme dans les milieux urbains qui sont pour le moment épargnés. À l'heure actuelle, les moustiques porteurs du paludisme au Kenya prolifèrent surtout dans les régions rurales. L'Anopheles stephensi prospère dans les villes. Or les populations dans ces villes, notamment Nairobi, ne sont pas exposées au paludisme, donc non-immunisées et pourraient développer des formes graves.

Ce nouveau moustique pourrait donc menacer la lutte contre le paludisme alors que le Kenya avait réussi à faire baisser sa prévalence à l'échelle nationale de 11% en 2010 à 6% en 2020. Notamment car le gouvernement organise régulièrement des campagnes de distribution de moustiquaires et de pulvérisation d'insecticides.

RDC : accès aux soins difficile et manque de personnel médical

Selon l'Observatoire du paludisme sévère, le nombre de cas de paludisme confirmés en 2022 en République démocratique du Congo est de 29 300 000. Le nombre de décès présumés la même année est de 70 700. La République démocratique du Congo est sur la deuxième marche du podium des pays les plus exposés à cette maladie transmise par le moustique et ce pour diverses raisons. D'abord structurelle, avec une grande partie de la population vivant dans les zones rurales, la route est souvent longue pour atteindre les centres de santé. Cela entraîne un retard de diagnostic et donc de prise en charge. Ensuite, il y a le manque de médicaments et de tests, dû à leur livraison difficile dans des zones souvent dépourvues de routes goudronnées.

Mais il y a aussi la barrière économique, les soins sont souvent trop chers pour l'une des populations les plus pauvres au monde. Et, autre facteur déterminant, "il faut aussi relever la disponibilité et le niveau de compétence du personnel de santé qui est en première ligne en termes de prise en charge. Si vous n'avez pas le personnel adéquat ou suffisant dans les structures, cela impacte fortement la qualité de la prise en charge", selon le docteur Louis Albert Massing, coordinateur médical au sein de Médecins sans frontières (MSF). Selon le médecin, le climat ainsi que l'environnement sont également déterminants, avec des zones fortement humides et boisées, favorisant la prolifération des moustiques.

"Tirer des leçons des pays pilotes" avant d'introduire un vaccin

Des discussions sont en cours pour introduire un des deux vaccins validés et recommandés par l'OMS. Mais en février 2024, l'Alliance pour le Vaccin et l'OMS ont communiqué que "la RDC veut tirer des leçons des pays pilotes pour garantir une introduction réussie sur son territoire". En attendant, des ONG, comme MSF, font un travail curatif et préventif auprès des différentes communautés, notamment dans les zones à risque. "Nous développons des actions préventives qui ont un impact sur la chaîne de multiplication des pathogènes, avec des actions larvicides, avec les pulvérisations intra-domiciliaires et l'assainissement de l'environnement et des habitations", explique le docteur Louis Albert Massing. Et tout cela se fait en appui et en partenariat avec le ministère congolais de la Santé.

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