Paludisme : le Cameroun a entamé la vaccination à grande échelle des enfants, "une révolution"
Deux vaccins sont désormais homologués par l'Organisation mondiale de la Santé : c’est une avancée historique dans la lutte contre cette maladie, qui est documentée depuis l’Antiquité mais qui a encore touché quelque 250 millions de personnes et fait 600 000 morts en 2022 dans le monde.
Au Cameroun, on vaccine désormais les bébés qui habitent dans les régions les plus touchées par ce parasite. À l’hôpital de Soa, sur les collines environnantes de la capitale, Yaoundé, Henriette est venue faire vacciner son deuxième garçon. L’an dernier, son aîné, un bébé également, a failli mourir du paludisme : "Il avait six mois, il vomissait et sa température était très élevée, raconte-t-elle. Un soir, j'étais toute seule avec lui dans la chambre, j'ai cru qu'il allait mourir. Beaucoup de gens ignorent que c'est un truc mortel."
Vomissements, fièvre, convulsions… Le paludisme a représenté six millions de cas l’an dernier au Cameroun, et ce parasite transmis par les moustiques a tué 4 000 personnes, en grande majorité des bébés. Ce sont donc eux que cible ce vaccin, qui est injecté pour la première fois dans le monde "en routine", c’est-à-dire qu’il s’insère dans le calendrier vaccinal des bébés, au même titre que le vaccin BCG ou celui contre la polio.
La vaccination plutôt bien acceptée par les parents
Ce jour-là, Danièle Ekoto, qui supervise la séance de vaccination, explique le processus à une trentaine de mamans avec leurs bébés dans les bras : "Le vaccin antipaludique, on le prend en quatre doses. Votre enfant recevra une dose à six mois, à sept mois, à neuf mois et à deux ans. Toutes ces doses sont vraiment importantes, Mesdames !"
Le vaccin contre le paludisme est gratuit mais pas obligatoire. Malgré des rumeurs et de fausses informations sur son efficacité et de supposés effets secondaires, l’adhésion des parents est forte, explique Hélène Kwekam, qui gère la logistique des vaccins dans le district : "Pour le moment nous n'avons pas eu de cas de refus. Les parents adhèrent, parce qu'ils ont déjà vu beaucoup de malades du paludisme. Ils veulent que leurs enfants soient protégés."
Assister enfin à la vaccination de bébés, cela émeut Marie-Claire Ndzomo Andela, infirmière depuis plus de 30 ans : "Chaque jour, j'avais l'espoir qu'il y aurait un vaccin contre le paludisme. C'est arrivé avant que je ne parte à la retraite !, se réjouit-elle. Ça va changer la vie des Camerounais. Il y avait trop de décès, beaucoup d'enfants..."
Des vaccins encore imparfaits
Des études menées au Kenya, au Malawi et au Ghana montrent que le vaccin du laboratoire GSK par exemple, celui qui est injecté aujourd’hui au Cameroun, n’empêche pas la transmission du paludisme. Mais il évite 30% de formes graves et de décès, souligne le Dr Léonard Kouadio, l’un des responsables au Cameroun de l’Unicef, qui organise en partie cette vaccination : "Si on évite 30% de décès chez les enfants de moins de 5 ans, c'est déjà beaucoup ! Cela fait plus de 50 ans que l'on court après ce vaccin, donc c'est une révolution."
Ces deux vaccins, élaborés l’un par le laboratoire GSK et l’autre par l’université d’Oxford, sont un premier pas, insistent les spécialistes. Ce sont des outils supplémentaires, mais en aucun cas il ne faut abandonner les autres moyens de lutte contre le paludisme. "Il faut garder et intensifier les autres mesures, dit le Dr Kouadio, comme l'utilisation des moustiquaires imprégnées, ou le désherbage autour des habitations pour détruire tout ce qui peut servir de gîte larvaire aux moustiques."
Cette vaccination gratuite se fait sous la houlette et avec le financement de l’OMS, de l’Unicef et de l’Alliance Gavi qui avait distribué des milliards de vaccins Covid aux pays pauvres notamment. Après le Cameroun, une douzaine de pays d’Afrique vont introduire la vaccination en routine des bébés : le Burkina Faso déjà depuis quelques jours, puis dans les prochaines semaines le Bénin, la République Démocratique du Congo, la Sierra Leone, le Niger… Des pays d’Asie dont l’Inde, étudient également la possibilité de vacciner bientôt contre le paludisme.
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