Les Européens voient dans le gouvernement Attal une stabilité des relations et un renforcement de l'Union

Quelques jours après la nomination de Gabriel Attal au poste de Premier ministre, franceinfo s'intéresse au point de vue de nos voisins européens. En Allemagne, en Italie et à Bruxelles, nos correspondants décrivent la situation sur place.
Article rédigé par Sébastien Baer, Bruno Duvic, Pierre Benazet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, avec son homologue allemande, Annalena Baerbock, à Berlin, le 14 janvier 2024. (CLEMENS BILAN / MAXPPP)

En Allemagne et en Italie, les observateurs commentent globalement la nomination de Gabriel Attal de la même manière qu'en France. Ils sont pour la plupart rassurés par le continuum des relations entre les pays partenaires et comprennent le décalage du gouvernement à droite comme un contrepoids en vue des élections européennes, face au succès de Jordan Bardella dans les sondages. Au Parlement européen, c'est l'arrivée de Stéphane Séjourné aux Affaires étrangères qui a retenu l'attention, les commentaires s'attardant sur les déplacements du nouveau ministre à Kiev, Berlin et Varsovie.

Gabriel Attal salué comme un facteur de stabilité pour les Allemands

La presse allemande reconnaît chez Gabriel Attal un "prodige de la politique, doté d’une rhétorique brillante et d’un certain culot", écrit Die Welt ; le Spiegel voit en lui "un professionnel malgré ses 34 ans", "qui devra donner un nouvel élan au mandat d’Emmanuel Macron", ajoute le Süddeutsche Zeitung. Concernant le remaniement, les commentateurs voient dans le maintien de quatre des poids lourds du gouvernement (Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Éric Dupond-Moretti et Sébastien Lecornu) une preuve de stabilité politique. Mais ils relèvent "le coup de barre à droite", incarné notamment par celle que personne n’a vu venir, Rachida Dati, "icône de l’ère Sarkozy", écrit le Frankfurter Allgemeine Zeitung, "délicieusement insolente, une prise de guerre dans le camp républicain", note le correspondant parisien du Süddeutsche Zeitung.


Avec ce nouveau gouvernement français, l’Allemagne ne s'attend pas vraiment à des changements dans ses relations avec son voisin français, ni sur l’action de la France au niveau européen. "En matière de politique intérieure et extérieure française, c’est le président qui fixe le cap", rappelle l’agence de presse DPA. Avec Gabriel Attal, Emmanuel Macron se prépare plutôt au "grand défi politique de l’année", les élections européennes, estime Die Zeit. Gabriel Attal contre Jordan Bardella pour le RN, la presse juge la dramaturgie passionnante. Mais elle voit aussi plus loin, à l'horizon 2027, en se demandant si Emmanuel Macron prépare sa succession. "Prudence", tempère Die Welt, le pari est risqué, les trois années qui nous séparent de l’élection présidentielle sont une éternité quand on occupe le poste ingrat de Premier ministre.

L'Italie observe les retombées sur les élections européennes

En Italie, c’est d'abord l'homosexualité assumée du nouveau Premier ministre qui a retenu l'attention de beaucoup de médias italiens. "Il est jeune, gay et anti-Salvini", titrait La Repubblica, quotidien de centre gauche, au lendemain de sa nomination. Trois jours après, le journal revenait sur le sujet, avec en première page, une photo de Gabriel Attal avec Stéphane Séjourné : "Il nomme son ex, ministre". Si le Premier ministre est qualifié d'anti-Salvini, c'est que les Italiens se souviennent qu’en 2018, le jeune porte-parole de chez En marche avait dit que la politique migratoire de Matteo Salvini, alors ministre de l’Intérieur, était "à vomir".


Quant à l'image du nouveau gouvernement, la presse italienne note qu'Emmanuel Macron s’est déplacé "encore plus à droite", selon il Fatto Quotidiano, journal proche des populistes de gauche de Cinq étoiles. Comme beaucoup, il Fatto retient la nomination de Rachida Dati. "C’est Sarkozy qui m’envoie", "Dati ou la ministre qui transforme la politique en show"... De l’avis général, le tournant à droite est destiné à contrer Marine le Pen. D’ailleurs, La Repubblica s'est intéressée à la conférence de presse de Jordan Bardella de lundi, en notant de petits signes de rapprochements entre le Rassemblement national et Giorgia Meloni. L’une des questions ici, avant les européennes, concerne la position de Giorgia Meloni : va-t-elle se rapprocher du centre ou rester dans l’orbite de l'extrême droite ?

Stéphane Séjourné a déjà montré à Bruxelles la priorité donnée à une Europe unie

Parmi les surprises du remaniement, la nomination de Stéphane Séjourné aux Affaires étrangères n’est pas passée inaperçue à Bruxelles. Les partenaires européens le connaissent bien puisqu’il était président du groupe centriste au Parlement de Strasbourg. Et ils ont déjà vu le nouveau ministre à l’œuvre, celui-ci, après avoir réservé son premier déplacement à l’Ukraine, s’est aussi rendu à Berlin et Varsovie.

Stéphane Séjourné au Quai d’Orsay est en partie une surprise pour les partenaires européens de la France, parce qu’on s’attendait à le voir en première ligne pour diriger la campagne des élections européennes. Cela tombe bien, puisque parmi les commentaires entendus au Parlement, Stéphane Séjourné a souvent semblé moins à l’aise en tribun que dans des relations individuelles. On le loue ici pour ses capacités de bon négociateur de compromis, comme on l'a vu sur la restauration de la nature ou le Pacte asile et migration.

Du côté des capitales européennes, on voit davantage la continuité que le changement dans sa nomination. Les Européens savent que Stéphane Séjourné est proche du président et connaissent aussi la mainmise de l’Élysée sur les lignes directrices de la politique étrangère française. En l’occurrence, la visite du nouveau ministre à Berlin confirme l’axe franco-allemand comme pivot de la politique française vis-à-vis de l’UE, d’autant que Stéphane Séjourné a martelé que l’Europe serait sa priorité. Sa visite à Kiev et Varsovie confirme aussi aux yeux des Européens la préoccupation existentielle de l’UE en regard de la guerre en Ukraine.

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