L'accueil des migrants : toujours un sujet de discorde au sein de l'Union Européenne
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir tout ce qui se fait ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, nous faisons un point sur l’accueil des migrants en Grèce, en Allemagne et en Autriche
Bruxelles présente mercredi 23 septembre une réforme de la politique migratoire, cinq ans après la crise des réfugiés de 2015. La Commission européene propose que le pays responsable de la demande d'asile pourra être celui où un migrant a des liens familiaux, où il a travaillé ou étudié. Au sein de l'Union Européenne les clivages sont nombreux sur cette question de l'accueil des migrants. France Info s’arrête aujourd’hui sur les cas de la Grèce, de l’Allemagne et de l’Autriche.
La Grèce en première ligne
Les quatre incendies du camp de Moria sur l’ile de Lesbos, le plus grand camp de demandeurs d’asile d’Europe, a forcé le gouvernement grec à en construire un autre à la hâte. À ce jour, 9 200 demandeurs d’asiles, selon le ministre de la migration, l’ont désormais intégré et d’ici la fin de la semaine les quelque 3 300 personnes toujours sans solution devraient y être aussi logées. Ce camp est construit sur un ancien champ de tir de l’armée et ses deux extrémités sont à quelques mètres de la mer. Les ONG et la presse n’y ont pas accès ou alors au compte-gouttes, encadrées, sans possibilité de parler aux migrants.
On ne sait pas réellement quelles sont les conditions de vie dans ce camp mais si on en croit une humanitaire qui a pu s’y infiltrer, elles ne sont pas bonnes. Il n’y a pas de matelas pour tout le monde, un seul repas, deux litres d’eau distribués par jours, peu de points d’eau, peu de toilettes, pas d’eau chaude. De plus rien n’est prévu pour l’hiver. Il n’y pas d’école, ni de lieu pour laver son linge et on craint qu’à la première tempête les tentes les plus proches de la mer s’envolent. C’est un camp dressé dans l’urgence. Beaucoup disent que ces conditions de vie relèvent de la punition.
Le gouvernement grec assure que d'ici Pâques l'année prochaine, tout le monde sera évacué sur le continent. Pour l'instant seuls 400 mineurs non accompagnés ont été délocalisés vers les pays d'Europe du Nord.
L’Allemagne a un rôle moteur dans l’élaboration "pacte migratoire"
L’Allemagne ne fait pas que présider le conseil de l’Union Européenne, le pays montre aussi l’exemple en accueillant plus de 1 500 migrants des îles grecques de Lesbos, Chios et Samos. La chancelière Angela Merkel est très claire sur le sujet. Pour elle, l’Allemagne a la capacité d' accueillir et elle le doit, vu le nombre de réfugiés vivant dans des conditions épouvantables en Grèce, à l’intérieur des frontières de l’Europe. Façon de dire qu'à 27, si chacun en faisait autant, le problème serait réglé.
Elle a d’ailleurs regretté l’absence de solution européenne concertée. Angela Merkel se plaint que l’Europe ne montre pas sa capacité à agir et ne défend pas ses valeurs. En Allemagne, la chancelière a le soutien d’une majorité de l’opinion publique, y compris au sein de l’électorat d’extrême-droite. La moitié de cet électorat soutien la chancelière sur cette question ce qui est assez nouveau et loin de la ligne que défend le parti en perte de vitesse AfD, Alternative pour l’Allemagne. Plus de 170 communes veulent accueillir les 1 500 migrants venant des îles grecques et même 87% des Allemands sont favorables à l’accueil des migrants selon sondage pour la chaîne publique ARD réalisé vendredi dernier.
Petit bémol, la moitié des gens qui sont d’accord (44%) conditionne tout de même cet accueil à ce que d'autres pays européens fassent la même chose. Il y a de l’empathie certes, comme il y a cinq ans, quand l’Allemagne a accueilli 1,2 million de réfugiés dont 890 000 Syriens. Tout au long de ces cinq dernières années, il y a eu surtout beaucoup d’attente envers l’Union Européenne. Les Allemands ne veulent pas juste que l’Europe surmonte les crises mais qu’elle les règle. Et qu’elle les règle en étant unie.
L'Autriche reste sur une ligne dure
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz ne souhaite pas, lui, accueillir de migrants du camp de Lesbos, pas même de mineurs. Il a justifié son choix dans une vidéo postée sur son compte Facebook : "Ces cinq dernières années, l'Autriche a accueilli 200 000 personnes. Et nous faisons déjà face à de grands défis pour les intégrer. Nous avons 30 000 réfugiés au chômage et dans les écoles viennoises, plus de la moitié des enfants n'ont pas l’allemand comme langue maternelle. Ces chiffres montrent qu’accueillir toujours plus n’est pas la bonne approche." Plutôt que l’accueil, le chancelier privilégie une aide humanitaire sur place. Une position dure qui n’est pas nouvelle chez lui. Depuis 2015, il a en effet durci le ton sur l’immigration, ce qui lui a permis de prendre des voix à l’extrême droite et ainsi de faire la course en tête lors des précédentes législatives de 2017 et 2019.
Cette stratégie payante électoralement a aussi des limites. Sebastian Kurz fait face à de nombreuses critiques de la part d’ONG, de l’opposition mais aussi des Verts avec qui il gouverne depuis huit mois. Ces derniers, minoritaires au gouvernement, n’ont eu d’autre choix que d’accepter la décision du chancelier mais ils ne taisent pas pour autant leur opposition. Et certaines voix portent, en particulier celle du président de la République, l’écologiste Alexander Van der Bellen. Certains Verts participeront d’ailleurs à une manifestation le 3 octobre pour l’accueil de migrants de Moria.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.