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Guerre en Ukraine : la question des livraisons d'armes vue de Suisse et d'Allemagne

Tous les jours, le club des correspondants décrit comment un même fait d'actualité s'illustre dans deux pays.
Article rédigé par Jérémie Lanche, Pascal Thibaut
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6 min
Une pancarte "Sauvez des vies, ne livrez pas d'armes" dans une marche pacifique à Dortmund en Allemagne, le 10 avril 2023. (ROBERTO PFEIL / DPA)

Un peu plus d'un an après le début de la guerre en Ukraine, Rheinmetall, le premier producteur d’armements en Allemagne, a fait son entrée à la bourse de Francfort. La valeur en bourse de l’entreprise a plus que doublé en un an. La Suisse, elle, est réticente à fournir des armes à l'Ukraine, neutralité oblige, le pays de la Croix-Rouge est loin d'être désarmé, et vend des armes de guerre, en Europe et jusqu'au Qatar. 

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La Suisse ne veut pas vendre des armes à un pays en guerre

Malgré sa neutralité, la Suisse vend des armes, mais le secteur emploie 14 000 personnes, à peine plus d’un pourcent de l’industrie suisse, avec quasiment 1 milliard d’euros l’an passé, un record. Ce ne sont pas des produits finis, mais plutôt des composants, des logiciels qui vont ensuite équiper des systèmes de défense, comme des véhicules blindés. La Suisse exporte à peu près les deux tiers de ses armes en Europe, mais aussi aux États-Unis, et de plus en plus dans les pays du Golfe comme le Qatar. La Suisse refuse que ses armes puissent être vendues ou revendues à un pays en guerre. Mais le gouvernement avait tenté de les autoriser dans les pays en guerre, en 2018. Face au tollé dans le pays de la Croix-Rouge, l’inverse s’est produit : la loi a été durcie. Avec l’Ukraine, le Parlement suisse se déchire sur ce qu’il faut faire : autoriser la livraison ou la réexportation d’armes vers les pays qui partagent les mêmes valeurs que la Suisse ? Avec le feu vert de l’ONU ? Certains élus expliquent que si on bouge le curseur, c’est la neutralité qui explose. En attendant que la Suisse prenne une décision, le reste de l’Europe perd patience. Surtout l’Allemagne, qui faute de pouvoir récupérer des munitions suisses pour l’Ukraine, a décidé de les fabriquer elle-même. 

En Allemagne, un cinquième des exportations d'armes est destiné à Kiev

L’Allemagne fait partie des principaux pays dans le secteur de l'armement derrière les Etats-Unis, la Russie, la France et la Chine. Mais cette industrie a mauvaise réputation en Allemagne. Si l'Ukraine a réclamé les chars Leopard ces derniers mois, les industriels de l'armement allemand sont un peu la brebis galeuse qu’on évite de mettre en avant. Berlin se vante d’avoir des règles plus strictes pour ces exportations surtout lorsqu’elles concernent des pays n’appartenant ni à l’Union européenne, ni à l’OTAN ou à d’autres alliés. Des livraisons d’armes ont régulièrement suscité des polémiques. À l'automne dernier, la livraison d’équipements à l'Arabie saoudite, pays critiqué pour ses atteintes aux droits de l’Homme, avait créé une polémique. La nouvelle coalition au pouvoir depuis l’automne 2021, à commencer par les Verts, veut durcir ces critères et notamment lutter contre les exportations d’armes à des pays qui ne respectent pas les droits de l’Homme. Mais une nouvelle loi se fait attendre. Avec la guerre en Ukraine, l’Allemagne a jeté un principe par-dessus bord, à savoir pas de livraisons d’armes à des pays en guerre. En 2022, un cinquième des exportations allemandes était destiné à Kiev.

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