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Face à la guerre en Ukraine, la Suisse assume sa neutralité en détruisant des batteries antiaériennes

Ces 60 systèmes de défense vont être envoyés au rebut alors qu'ils auraient pu être utiles à Kiev. C'est la confirmation du refus de la Confédération helvétique de s'impliquer dans le conflit.

Article rédigé par franceinfo
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Un drapeau suisse, le 21 juin 2022. (Image d'illustration). (FABRICE COFFRINI / AFP)

Le journal de Zürich Neue Zürcher Zeitung qui a révélé l’affaire ce week-end : la Suisse a décidé de se débarrasser de ses batteries sol-air Rapier, de fabrication britannique. 60 systèmes acquis par la Confédération helvétique dans les années 80, régulièrement remis à jour depuis, avant d’être déclarés inaptes au service il y a trois mois alors même que ce type de matériel fait typiquement partie des besoins de l’Ukraine. C’est le dernier indice du refus suisse de sortir de sa neutralité. Ces dernières semaines, de la même manière, Berne a refusé à l’Allemagne de fournir à l’Ukraine près de 12.000 munitions pour les chars antiaériens Guepard. Parce que ces munitions ont été fabriquées en Suisse et les clauses d’exportation interdisent de les transférer à un pays en guerre.

Même fin de non-recevoir pour le Danemark et l’Espagne qui voulaient envoyer à Kiev des véhicules blindés Piranha, fabriqués eux aussi en Suisse. Et ça ne va pas s’arrêter là. Prochainement, nos voisins doivent également envoyer au rebut des centaines de chars et de canons de fabrication américaine, les M113 et M109. Jugés périmés. Mais pas question là non plus de les envoyer à l’Ukraine, plutôt les envoyer à la casse.  

La dénonciation de la "frénésie guerrière"

C’est en cohérence avec la célèbre politique de neutralité de la Suisse, une politique réaffirmée le 8 mars à New York, en marge de l’Onu, par le président de la Confédération helvétique. Le socialiste Alain Berset le martèle : " Les armes suisses ne doivent pas être utilisées dans les guerres". Une affirmation paradoxale : a priori, la destination d’une arme c’est quand même de servir dans un conflit. Alain Berset développe un autre argument : il dénonce "une frénésie meurtrière dans certains milieux". Et il ajoute : "Je respecte la position des autres pays, mais la position suisse doit également être respectée". Cette neutralité, qui date du XVIIe siècle, a été formalisée en 1815 et elle a été réaffirmée en 1993 par un rapport du Conseil fédéral. Elle n’empêche pas la Suisse d’avoir adopté les sanctions économiques européennes contre la Russie. Mais dans la pratique, cela relève surtout des banques. Et au bout du compte, 7 milliards d’euros seulement ont été gelés par les Suisses. Ce qui est assez peu au vu des fortunes des oligarques.  

Un début de remise en cause de la neutralité

Cela dit, l'unanimité n'a plus cours dans le pays sur ce sujet. Officiellement 90% des Suisses soutiennent la neutralité. Mais de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer l’indécence de cette neutralité qui s’arrête là où les intérêts économiques commencent. La Suisse vend beaucoup d’armes, l’équivalent d’1% de son produit intérieur brut. Plusieurs élus écologistes, libéraux, chrétiens démocrates, socialistes, préconisent de réviser cette position. Seule l’UDC, le mouvement de droite populiste veut à tout prix maintenir la neutralité. Et propose de l’inscrire dans la Constitution. Mais selon les sondages, 53% des Suisses rejettent cette idée d’une neutralité définitive. Signe des temps, ce dessin du célèbre caricaturiste de presse suisse Chapatte, paru dans le journal Le Temps. On y voit à l’arrière-plan, un char russe, à droite, qui bombarde une ville ukrainienne, à gauche. Et au premier plan, au milieu, un homme d’affaire suisse, bedonnant et costume cravate qui fait la morale, le doigt levé, en proclamant » : « Rappelons que dans ce conflit, il y a un agresseur, un agressé, et un neutre ».  

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