Crise du logement : la situation au Canada et en Afrique du Sud
Le Canada fait face à la plus grosse pénurie de logement de son histoire. En 2023, en moyenne à travers le pays, le taux de logements vides est seulement de 1,5%. Pour faire face à ce manque, l’une des réponses est d’utiliser des bâtiments de bureaux vides pour les transformer en logements.
En Afrique du Sud, quand Nelson Mandela est arrivé au pouvoir, en 1994, une construction à grande échelle de logements a été lancée, souvent sous la forme de petites maisons, pour les donner aux plus défavorisés et permettre l’accès à la propriété des populations noires et métisses. Mais 30 ans plus tard, le bilan de ce programme, parmi les plus ambitieux au monde, n'est plus du tout satisfaisant.
Au Canada, un programme pour reconvertir des bureaux en habitations séduit les promoteurs
Une ville au Canada est particulièrement avancée dans ce domaine : Calgary, dans l’ouest du pays. Après la pandémie, le nombre de bureaux vides a atteint un taux record de 34%. En 2021, la ville a donc lancé un plan de réhabilitation. Pour motiver les propriétaires immobiliers à convertir ces bâtiments vides en habitations, ils reçoivent 75 dollars pour chaque mètre carré d’espace de bureau transformé.
Le promoteur Strategic Group est en train de convertir plus de 400 appartements et l’avantage, selon le vice-président du groupe, Ken Toews, c’est que ça va vite : "On a fait notre planification en quatre mois et il nous a fallu moins de 12 mois pour achever la construction ! Alors que pour construire une tour classique, il faut compter trois ans pour la conception et l'obtention des permis, ensuite il faut encore deux ou trois ans pour la construire."
Redynamiser des centres-villes
Avant de se lancer dans la conversion d’un bureau en logements, il y a tout de même plusieurs critères à prendre en compte, les fenêtres, le plan aménageable ou pas en appartements, l'état des ascenseurs, le nombre de places de parking. En deux ans, La ville de Calgary a déjà réhabilité 5% de ses bâtiments vides en logements.
L’objectif est de répondre à la crise du logement, mais aussi de redynamiser le centre-ville de Calgary. Avec toutes les grandes tours en verres vides, le centre-ville de Calgary est plutôt désert. Surtout depuis 2014, explique Natalie Marchut, la directrice du développement du centre-ville à la mairie. "Quand le secteur du pétrole et du gaz a commencé à entrer en récession, notre centre-ville était en grande partie aménagé pour accueillir des bureaux commerciaux de cette industrie. On essaye donc de profiter de cette situation pour y installer des logements, mais aussi des établissements scolaires, des garderies, des épiceries, des espaces verts, toutes les choses que les gens veulent pour vivre en communauté." En tout, d’après la mairie, plus de 12 bâtiments sont en train d’être reconvertis en habitations en ce moment dans le centre-ville de Calgary.
En Afrique du Sud, les logements manquent et se décrépissent
Aujourd'hui en Afrique du Sud, 30 ans après la construction à grande échelle de maisons pour les pauvres, c'est encore l’un des programmes dont le parti de l’ANC, toujours au pouvoir, est le plus fier. C’est aussi le plus visible. D'après les chiffres officiels, il existe près de 3 millions de ces logements. Ces petites maisons reconnaissables de loin, construites sur le même modèle, sont surnommées les "maisons RDP" du nom du programme phare de l’ANC en 1994, le "Programme de reconstruction et de développement". Ce plan ambitieux visait à offrir des logements salubres aux populations maintenues dans la pauvreté sous l’Apartheid, qui n’avaient accès ni à l’eau, ni à l’électricité, ni à des toilettes décentes. Ce droit au logement était d’ailleurs déjà inscrit dans la Charte de la Liberté de 1955, ainsi que dans la Constitution post-Apartheid.
Si un foyer gagne moins de 170 euros par mois, il peut, en théorie, devenir propriétaire d’un de ces logements, de façon gratuite, et aura le droit de le revendre au bout de 8 ans. D’après le dernier recensement de 2022 - mais ces chiffres sont à prendre avec des pincettes selon certains experts - près de 30% des familles sud-africaines vivent dans ces "maisons RDP".
Liste d'attente et corruption
Mais selon les autorités, dans la région autour de Johannesbourg, la plus peuplée du pays, il existe une liste d’attente de plus d’un million de personnes, dont certaines se sont inscrites il y a près de 30 ans ! De nombreuses arnaques ont vu le jour, autour des procédures d’attribution et régulièrement, la patience atteint ses limites. Des résidents n’hésitent plus à envahir les sites et à s’emparer illégalement de maisons, parfois non terminées.
La qualité n’est pas non plus toujours au rendez-vous. En effet, les bâtiments, au bout de seulement quelques années, auraient déjà besoin d’être reconstruits, et beaucoup de chantiers restent aussi abandonnés pendant de longues périodes. Tout cela est en plus entouré par des soupçons de corruption et de détournement de fonds.
Ségrégation spatiale
Beaucoup de critiques concernent aussi les zones où ces maisons sont installées. Ces "maisons RDP" sont très souvent implantées dans les townships, en périphérie des villes, sur des terrains moins chers. Elles sont accusées de renforcer la ségrégation spatiale qui a été créée sous l’Apartheid. Leurs habitants se retrouvent loin des centres d’activités, et comme les transports en commun sont encore limités, les inégalités s’en trouvent renforcées. "Nous travaillons pour garantir que les logements sociaux soient situés plus près des emplois, des écoles et des services", a déclaré le président Cyril Ramaphosa conscient de la situation, à seulement quelques mois des élections.
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