Covid-19 : L'Afrique du Sud et l'Indonésie œuvrent à l'indépendance vaccinale des pays en développement
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui direction Le Cap et Jakarta, où de nouveaux projets de vaccins contre le Covid-19 sont menés.
Alors que le dispositif de solidarité Covax est très critiqué – par des pays donateurs comme bénéficiaires – plusieurs projets visant à rendre les pays en développements autonomes vis-à-vis de la vaccination contre le Covid-19 se développent. Nous partons en Afrique du Sud et en Indonésie.
L'OMS prépare un vaccin à ARN messager en Afrique du Sud
L'avenir de la vaccination contre le Covid-19 dans les pays en développement pourrait se jouer en Afrique du Sud. L'Organisation mondiale de la santé a ouvert un centre de recherche vaccinal et de transfert de technologies dans la ville du Cap. L'OMS y développe un vaccin à ARN messager dont la formule et le savoir-faire pourront être partagés avec les pays à faible revenu qui désirent le fabriquer. Un acte d'indépendance vis-à-vis des grandes entreprises pharmaceutiques;
Les chercheurs d'Afrigen, l'entreprise de biotechnologies choisie par l'OMS, ont réussi à produire un premier échantillon de vaccin à ARN messager contre le Covid-19. Il s'inspire du vaccin Moderna sans être sa copie conforme. Les scientifiques s'appuient exclusivement sur des données publiques pour créer leur propre vaccin et ça va prendre du temps. Le début des essais cliniques est prévu pour la fin de l'année et l' autorisation de mise sur le marché est espérée pour 2024. Un délai d'au moins deux ans qui, selon un responsable de l'OMS, aurait pu être réduit de moitié si les géants des biotechnologies avaient accepté d'aider Afrigen.
The visit by Dr Tedros and Ms Kitir is focused on the #mRNA vaccine technology transfer hub and ongoing vaccination initiatives, including the mRNA Hub at Afrigen, genomic sequencing at the Biomedical Research Institute and the fill and finish facility at Biovac pic.twitter.com/8aJDqb5R2j
— South African Government (@GovernmentZA) February 11, 2022
Un vaccin contre le Covid-19 en 2024, n'est-ce pas trop tard ? Voici la réponse de Gelise McCullough qui dirige la communication de Medicines Patent Pool, l'ONG partenaire de ce projet : "On ne sait pas quelle direction va prendre cette pandémie mais ce qui donne espoir c'est qu'on réfléchit déjà aux autres vaccins : la tuberculose, le VIH. C'est le début de quelque chose de grand qui n'est pas sur deux ans mais plutôt peut-être sur dix ans et qui changera la donne ici en Afrique pour pouvoir être centre de recherche. Trouver des vaccins qui sont bien adaptés pour ceux qui en ont besoin."
L'OMS a noué des partenariats avec des entreprises dans plusieurs pays en développement pour qu'elles achètent la technologie et puissent produire elles-même le vaccin d'Afrigen une fois qu'il aura été homologué. Le Brésil et l'Argentine sont déjà candidats. De nouveaux partenariats devraient être bientôt annoncés sur le continent africain et en Asie. Pour que l'initiative de l'OMS soit un succès, le vaccin devra remplir au moins trois conditions : un vaccin de qualité, un vaccin adapté aux pays concernés, notamment aux conditions de stockage et de température. Et bien sûr, un vaccin au juste prix.
Un vaccin 100% indonésien et halal
En Indonésie, les essais cliniques d’un nouveau vaccin, le Merah Putih, viennent de commencer. Ce nom n’est pas anodin et dit bien ses aspirations car il signifie Rouge et Blanc, soit les couleurs du drapeau indonésien. Ce vaccin est le premier à avoir été développé entièrement localement. L’Indonésie a déjà autorisé 13 vaccins contre le Covid-19, on pourrait donc se demander quelle est l'utilité de ce nouveau venu. Selon Dicky Budiman, épidémiologiste, les motivations sont sanitaires et religieuses : "L’Indonésie est un pays très peuplé. On ne peut pas dépendre de l’importation pour les vaccins anti-Covid, nous n’avons pas les ressources pour cela."
"La majorité du pays est musulmane et pour elle un vaccin 'halal' c’est très important, en plus de la garantie de transparence sur la production du vaccin."
Dicky Budiman, épidémiologisteà franceinfo
Il faut savoir également qu’à l’heure actuelle la moitié de la population indonésienne n’est pas encore vaccinée, et l’autre moitié a reçu en majorité des doses de vaccin chinois, qui n’ont pas très bonne presse. Ils sont jugés peu fiables, entrent en résonance avec un sentiment anti-chinois qui peut être assez développé dans le pays Même si le Conseil des Ulemas indonésien a également déclaré ces vaccins halals, cela n’a pas toujours suffi à rassurer une tranche de la population méfiante sur ce plan là.
Avec cette production de vaccin 100% nationale, c’est aussi une ambition à long terme de l’Indonésie qui est mis en exergue. Le pays veut apparaître comme un nouveau centre névralgique de la production de vaccin auprès de l’OMS. Et le Merah Putih rend donc Dicky Budiman assez optimiste : "En matière de vaccin, concevoir et produire ainsi des doses de A à Z, c’est du jamais vu dans le pays."
"Nous sommes aujourd'hui dans la situation idéale pour développer ces capacités de recherche en matière de vaccin. C’est donc une très bonne nouvelle non seulement pour la crise du Covid, mais aussi potentiellement pour de futures menaces."
Dicky Budimanà franceinfo
L’Indonésie, pays qui compte le plus de musulmans au monde, pourrait donc se mettre sur le créneau des vaccins halals. Et ce vaccin contre le Covid-19 n’est d’ailleurs pas seulement destiné aux Indonésiens. Le ministre de la Santé a annoncé qu’il pourrait également être distribué aux autres populations qui en ont besoin.
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