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Covid-19 : des remèdes peu fiables recommandés en Inde, à Madagascar et au Brésil

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction l'Inde, Madagascar et le Brésil, où des personnalités publiques et parfois les autorités recommandent des traitements anti-Covid à l'efficacité douteuse. 

Article rédigé par franceinfo - Sébastien Farcis, Anne Vigna, Laure Verneau. Edité par Caroline Félix
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Baba Ramdev, montrant un produit censé guérir le Covid, fabriqué par son entreprise Patanjali, en février 2021 (HINDUSTAN TIMES / HINDUSTAN TIMES)

En Inde, à Madagascar ou au Brésil les autorités ou des personnages influents recommandent des produits pour lutter contre le Covid dont l'efficacité n'a pas été prouvée. 

En Inde, un gourou tient la médecine classique pour responsable du nombre de morts

L'Inde est l’un des pays les plus endeuillés par la pandémie. Et pour l'un des plus grands gourous indiens, cette hécatombe montrerait l’inefficacité de la médecine moderne. Il y a quelques jours, Baba Ramdev a tenu une conférence devant ses fidèles. Non masqué et habillé de sa toge orange, il affirme que des centaines de milliers d’Indiens sont morts du Covid "car les traitements allopathiques sont une farce". Ces propos controversés sont enregistrés, la vidéo fait le tour des réseaux sociaux et créent un tollé, car ce n’est pas n’importe quel gourou qui l'avance. Baba Ramdev est une star du yoga et un entrepreneur du bien-être, à la tête d’une multinationale qui vend des produits d'ayurveda. Il est suivi par des millions d’adeptes, et ne cesse de dénigrer la médecine moderne pour vendre ces herbes sous formes de capsules.

Sauf qu’en pleine crise sanitaire, cette critique ne passe pas. L’association médicale indienne monte au front et menace de poursuivre le gourou devant les tribunaux. Le docteur Karan Juneja, le secrétaire national de l’association, explique au contraire que "si le taux de mortalité des personnes atteintes du Covid est si bas en Inde, c’est grâce à l’allopathie. Baba Ramdev aurait dû conseiller aux gens de suivre une médecine holistique et une bonne alimentation, comme le recommande l’ayurveda".

Baba Ramdev utilise l’ayurveda pour faire des affaires, et cela est dangereux. Car demain les gens vont penser que si leur oxygène est très bas, il suffit de faire du yoga.

Karan Juneja, de l'association médicale indienne

Le gouvernement nationaliste hindou soutient généralement ce gourou de l’ayurveda. Mais cette fois, le ministre de la santé lui a demandé de retirer ses propos. Ce qu’a finalement fait Baba Ramdev.

Au Brésil, le président recommande la chloroquine dès qu'il le peut

Au Brésil, le président Jair Bolsonaro est contre le confinement, porte très rarement un masque, provoque de multiples attroupements mais a toujours défendu une méthode : l’usage de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine dès les premiers symptômes du Covid. Lui-même assure avoir guéri grâce à ces remèdes et il en fait produire 5 millions de doses de ce produit qui fait l'objet de désaccords scientifiques.

Ces doses n’ont pas trouvé preneur et il y a même aujourd’hui une enquête sur cette production qui aurait été surfacturée. Les doses ne se sont pas vendues alors que le président n’a pas ménagé ses efforts pour la promouvoir. Il montrait partout la boîte de chloroquine, en parlait à chaque intervention car pour Bolsonaro, depuis le début, ce médicament est efficace et permet de ne pas faire de confinement et donc de ne pas stopper l’économie

Jeudi dernier encore, il disait qu’il avait eu des symptômes de Covid et avait donc pris de la chloroquine. Ce lundi, une secrétaire d’État du ministère de la Santé, qui est médecin, a été auditionné devant la commission parlementaire qui enquête sur la mauvaise gestion de la pandémie au Brésil. La presse l'a surnommée "Capitaine chloroquine" pour avoir préconisé son usage aux côtés du président. Et elle a maintenu devant les sénateurs, qu'en "tant que médecin", elle recommande de la chloroquine, et a déclaré qu'elle ne s'est pas encore faite vacciner, alors qu'elle en avait le droit en tant que professionnelle de santé.

À Madagascar, les autorités promeuvent un remède dont l'efficacité n'est pas prouvée

Le Covid organics est un remède traditionnel à base d’artemisia qui a été lancé par le président Andry Rajoelina à Madagascar en avril 2020. La formulation est mise au point par l’IMRA, l’Institut malgache de recherche appliquée, un joyau national de recherche scientifique. On trouve le Covid organics sous plusieurs déclinaisons : une tisane à infuser en sachet, une bouteille remplie de la tisane déjà infusée et donc prête à consommer, et enfin la version galénique du remède, et là le nom change, on appelle ça le Cvo+. C’est une gélule formulée à base de principes actifs de plantes traditionnelles, l’artemisia et le ravintsara.

Ce remède a été au coeur de la stratégie sanitaire de l’État malgache, au moins dans sa communication : il a été distribué gratuitement à la population, et envoyé gratuitement à une quinzaine d’États africains dont la Tanzanie et le Tchad. En fait, ce remède cristallise la fierté du pays : l’artemisia est produite localement et la formulation a été conçue par des chercheurs malgaches. Mais à ce jour pourtant, aucune étude ne prouve son efficacité thérapeutique.

Si Madagascar reste très épargné en apparence dans les chiffres (en un an, officiellement, on est à moins de mille morts), le gouvernement a été obligé d’avoir recours au vaccin, malgré ce remède. Ils ont souscrit à la facilité Covax ce mois-ci pour faire face à la deuxième vague, très virulente et aggravée par la présence du variant sud-africain.

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