Brics : quel impact pour l'Égypte, nouveau membre de l'alliance, et l'Argentine, qui a préféré décliner l'invitation

Ce 1er janvier marque l’intégration de cinq nouveaux pays au groupe des Brics, un élargissement inédit pour cette coalition hétéroclite. Parmi les six pays invités à rejoindre le bloc, dont l'Égypte, seule l'Argentine a refusé. Nos correspondants décrivent la situation sur place.
Article rédigé par Caroline Vicq - Martin Dumas Primbault
Radio France
Publié Mis à jour
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Une photo publiée par la présidence égyptienne le 21 décembre 2023, montrant le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi avec le ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, au palais présidentiel du Caire. (- / AFP)

Le groupe des Brics, regroupant le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud, représentait à lui seul plus de 40% de la population du globe et un quart de sa richesse. En cette nouvelle année 2024, le club s'agrandit et fait un pas vers le Moyen-Orient puisque, si l'Argentine de Javier Milei préfère rester à l'écart, l’Égypte, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Iran rejoignent la coalition. L'Éthiopie est le cinquième nouveau pays à intégrer ce bloc de pays émergents.

Au Caire, l’idée courait depuis 2017, sur proposition de la Chine, pays partenaire de longue date. C’est désormais chose faite, l'Égypte se réveille en 2024 membre des Brics. Sur place, ça ne fait pas la une des journaux, mais l’entrée est saluée comme un pas important pour le pays. La demande d’adhésion n’a pas fait débat tant les liens du Caire sont étroits avec la plupart des pays de l’alliance, surtout en matière économique. À titre d’exemple, les échanges commerciaux entre l’Égypte et les membres des Brics ont représenté plus de 31 milliards de dollars sur l’année 2022.

L'Égypte espère accéder aux énormes capacités d'investissement de la Chine ou de l'Inde

C’est bien d’un point de vue économique que l’Égypte pourrait tirer profit de son adhésion. Confrontée à une très importante crise de liquidités, aggravée depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Égypte cherche à tout prix à attirer des investissements étrangers. En intégrant cette alliance, le pays espère d’une part réduire sa dépendance au dollar américain qui lui fait cruellement défaut, et d'autre part faciliter les partenariats avec des pays dont les ressources d’investissement sont énormes, comme la Chine ou l’Inde. L’accès aux prêts de ces pays est d'autant plus une priorité qu’à l’Ouest, le FMI exige de plus en plus de réformes que le régime en place d'al-Sissi rechigne à appliquer.

D’un point de vue diplomatique, cette adhésion est clairement un pas vers la Chine et la Russie. Mais rien de neuf sous le soleil, l’Égypte est alliée à ces pays depuis longtemps. Elle ne remet pas en cause non plus la proximité du Caire avec Washington ou Paris. Il faut plutôt y voir une continuité dans la diplomatie égyptienne, qui reste attachée à son indépendance historique sur la scène internationale et qui mise sur le maintien de bonnes relations avec un maximum d’acteurs, à l’Est comme à l’Ouest.

L'Argentine de Milei préfère rester du côté des États-Unis

L’Argentine, elle, n’intègrera finalement pas les Brics. Le nouveau président Javier Milei, arrivé au pouvoir le 10 décembre, a officiellement rejeté l’invitation du groupe pour en devenir membre. Dans une lettre envoyée le 22 décembre dernier aux cinq pays concernés, il a écrit qu’il ne considérait pas "opportun" l’incorporation de l’Argentine. Une non-adhésion qu'il avait déjà promise lors de sa campagne électorale, alors que l'ex-gouvernement de centre-gauche voulait intégrer ce club.

Cette décision est surtout idéologique. L’ultralibéral Javier Milei a toujours affiché une position pro États-Unis en matière commerciale. Il a eu par le passé des mots très durs envers le régime chinois ou le président brésilien Lula, qualifié entre autres de "communiste corrompu". Depuis son élection, il a cependant baissé d'un ton et posé les bases de relations diplomatiques apaisées avec Brasilia et Pékin, respectivement les deux premiers partenaires commerciaux de l'Argentine. Ce rejet est donc tout d’abord un geste en faveur des États-Unis. En échange de sa loyauté, Milei attend des financements du FMI et/ou d’investisseurs privés.

Un manque à gagner pour les Brics

Les partisans de Milei ont applaudi cette décision, mais dans la société, il y a un mélange d’indignation et de déception. Beaucoup déplorent une mauvaise lecture des dynamiques actuelles, voire une forte dose d’improvisation dans la politique extérieure du nouveau président. Ils ironisent même sur le fait que même Bolsonaro, aux idéologies similaires à celles de Milei, n’avait pas osé claquer la porte des Brics. Pour les experts en commerce international, un alignement total avec les États-Unis dans un contexte international multipolaire ne semble pas très stratégique. Mais la ministre des Affaires étrangères actuelle, Diana Mondino, qui partage avec Milei une vision très bipolaire de la géopolitique, ne s’est pas montrée très inquiète, déclarant avec optimisme tout miser à présent sur de futurs accords avec les "démocraties occidentales et le monde libre".

Pour les Brics, c’est un gros manque à gagner. Avec 42% de la population mondiale, ces alliés ont de forts besoins en aliments et énergie. Deux secteurs dans lesquels l’Argentine a de sérieux avantages, avec ses cultures de soja et de céréales, ou ses gisements et ses extractions de gaz et de pétrole.

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