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Brésil, Indonésie, Malaisie… Ces pays visés par le projet de loi sur les importations de l'UE pour lutter contre la déforestation

Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, trois pays concernés par le projet d'interdiction d'importation dans l'Union européenne de certains produits favorisant la déforestation.

Article rédigé par franceinfo - Gabrielle Maréchaux et Jean-Mathieu Albertini
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une photo aérienne montre la déforestation dans une zone proche de Sinop, dans l'Etat du Mato Grosso, au Brésil, le 7 août 2020. (FLORIAN PLAUCHEUR / AFP)

L'Union européenne a présenté mercredi 17 novembre un projet de législation visant à interdire l'importation de certains produits favorisant la déforestation. Le Brésil et l'Indonésie sont deux pays concernés par cette problématique. Les pays visés par ce projet sont le soja, le bois, le bœuf, le cacao, le café et l'huile de palme.

Au Brésil, il n'y a aucune volonté politique de lutter contre la déforestation

Le Brésil fait partie des pays concernés par la déforestation illégale. Une vaste étude publiée en 2020 a révélé que 20% des importations de l'Union européenne proviennent de terres déboisées illégalement en Amazonie, mais aussi dans le Cerrado, une sorte de savane locale. Si ce ne sont pas les seuls responsables, ce sont surtout la culture du soja et l'élevage de bœufs qui sont concernés. Les principaux importateurs de soja brésilien sont les Pays-Bas, l'Espagne, la France et l'Allemagne. Au-delà des importations, des banques européennes investissent et prêtent, par exemple, aux géants brésiliens de la viande, sans avoir légalement à effectuer un contrôle préalable sur le risque de déforestation.

Différentes associations écologistes soulignent déjà des lacunes dans le texte mis au point par la Commission européenne et regrettent que certains produits ne soient pas inclus dans la liste. Dans le cas du Brésil, il y a par exemple le cuir, fabriqué à base de la peau des bovins. Or, dans ce pays, seuls 2% du cheptel bovin est tracé individuellement, alors même que ce système fonctionne massivement dans d'autres pays. Au Brésil, on ne pratique qu’un contrôle collectif, moins efficace et qui rend plus faciles les fraudes. De grandes entreprises achètent donc, plus ou moins consciemment, des produits issus de la déforestation illégale.

Il est très peu probable que ce texte pousse Jair Bolsonaro à modifier sa politique environnementale à court terme. Globalement, le tout puissant secteur agro-industriel, principalement sa partie la plus opportuniste et court-termiste, continue de soutenir le président brésilien. Même si le pays a déjà subi de nombreuses pressions internationales, rien n'a donc véritablement changé. Le déploiement coûteux de l'armée à plusieurs reprises en Amazonie n'a en rien diminué la déforestation. A l'inverse, les institutions de défense de l'environnement ont vu leurs actions sabotées et leur budget sabré. Le Brésil dispose déjà d'un arsenal législatif qui pourrait être efficace, mais le gouvernement n'a aucune volonté politique de lutter contre la déforestation.

En Indonésie et en Malaisie, on parle de "discrimination"

L'Indonésie et la Malaisie produisent 85% de l’huile de palme mondiale. Par le passé, les mesures prises par l’Union européenne pour sanctionner cette industrie y ont été extrêmement mal accueillies et les gouvernements n’hésitent désormais plus à parler de "discrimination" voire passent à l’offensive. Ainsi, en 2019, l’UE a décidé que les carburants à base d'huile de palme devaient être progressivement éliminés d'ici 2030, car l'huile de palme a été classée par l'Union européenne comme entraînant une déforestation excessive. Cette décision a fait bondir Kuala Lumpur et Jakarta, où l’huile de palme est plutôt considérée comme un "cadeau de Dieu", selon le slogan du gouvernement malaisien. Pour contrer cette décision, la Malaisie a ainsi obtenu en janvier 2021 que l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se penche sur ce qu’elle considère comme une discrimination.

Pour discréditer la position de l’Union européenne, certains politiques, comme le Premier ministre malaisien en tournée européenne avant la pandémie, considèrent que l’Europe, qui ne dispose presque plus de forêt primaire, est un peu en train de dire "faites ce que je dis pas ce que je fais", lorsqu’elle évoque la déforestation en Asie du Sud-Est. Le comparatif fait avec les autres huiles végétales revient aussi souvent dans les discours des industriels et des officiels. En effet, lorsque l’on compare le rendement par hectare des différents bio-carburants, le palmier à huile reste la production la plus efficace et la moins polluante.

De leur côté, les scientifiques et des ONG protectrices de l’environnement critiquent les discours de l’UE et ceux des gouvernements locaux, pour des raisons différentes. La comparaison avec les autres huiles végétales est jugée non pertinente car c’est avant tout l’outrance et les dérives de l’industrie de l’huile de palme qui sont condamnées. Les ONG et la presse déplorent également régulièrement l’écart qui peut exister entre les études scientifiques et les positions du gouvernement. Ainsi, quand les ONG ont cité les études pointant du doigt l’huile de palme comme facteur aggravant des inondations à Bornéo, ministres et lobbys ont crié aux fausses nouvelles. Les données officielles en matière de déforestation sont également suspectées d’être en deçà des réalités.

Concernant l’UE, dans un article du média Mongabay, Yuyun Harmono du Forum indonésien pour l’Environnement pointait du doigt une certaine divergence entre la sévérité de l’Union européenne concernant l’huile de palme et son manque d’intérêt pour d'autres problème, comme les mines de nickel. Cette industrie est en effet toute aussi néfaste pour l’environnement mais elle croît aujourd’hui en Indonésie, notamment à cause de la demande grandissante de l'industrie des voitures électriques. 

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