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Reportage
Une mission spatiale franco-chinoise part à l'assaut des sursauts gamma, ces explosions ultrapuissantes qui surviennent dans l'espace
Un flash d'appareil photo, provenant du fin fond de l'univers, comme un phare dans le cosmos : voilà à quoi l'on peut comparer les sursauts gamma, qui vont être observés par un satellite de la mission franco-chinoise, Svom, dont le lancement a lieu le samedi 22 juin. "Un sursaut gamma, c'est un flash très intense de rayonnement gamma, explique Bertrand Cordier, responsable scientifique de la mission SVOM. Ce flash signe en fait un phénomène violent, c'est-à-dire l'effondrement et la mort d'une étoile massive qui est en train de former un trou noir."
Ces sursauts gamma ont été découverts par hasard par des satellites espions américains, dans les années 1960, et depuis les scientifiques tentent de comprendre ces phénomènes. "Ils sont intéressants pour deux raisons, indique Bertrand Cordier. D'abord comprendre comment on peut produire autant d'énergie sur un temps aussi court et ensuite l'utiliser comme une lumière pour sonder l'univers, puisque les sursauts les plus lointains sont détectés alors que l'univers est âgé de quelques centaines de millions d'années."
Quatre instruments embarqués dans le satellite
Pour observer les sursauts gamma, les scientifiques français et chinois ont mis au point quatre instruments embarqués à bord du satellite. Deux d'entre eux ont été fabriqués en France au département d'astrophysique du CEA de Saclay, où auront lieu les observations.
À chaque sursaut, les équipes d'astreintes vont devoir être très réactives. "La plupart des sursauts vont durer quelques secondes, détaille Clara Place, une scientifique que l'on appelle une "avocate sursaut". Le rôle de l'avocat sursaut est de défendre son sursaut, ça va devenir son objet. Il va devoir prouver à la communauté avec toutes les données dont il dispose que ce sursaut est intéressant et qu'il faut le plus rapidement possible aller observer cette source, avant que l'émission ne s'estompe totalement." Ce sera ensuite aux télescopes au sol de pointer dans la bonne direction pour collecter davantage de données. Les premières observations du satellite SVOM sont prévues pour le mois d'août.
La Chine à la conquête de l'espace
Ce n'est pas le seul projet de coopération entre la France et la Chine en matière spatiale. L'autre mission en cours est Chang'e 6, une sonde chinoise qui s'est posée sur la face cachée de la Lune, début juin 2024. À bord de cette sonde, l'instrument français baptisé Dorn est chargé d'étudier un gaz naturel radioactif, le radon, à la surface de la Lune. "Pour la France, l'intérêt est que finalement elle ne finance que l'instrument, elle ne finance pas le coût du satellite et le coût du lancement, indique Isabelle Sourbès-Verger, géographe, spécialiste des politiques spatiales. Après, les données scientifiques sont distribuées internationalement et côté chinois, c'est très important d'être reconnu, même si aujourd'hui, les réussites chinoises toutes seules leur permettent déjà d'être très fiers de leur programme spatial."
Ce programme spatial a donc un côté scientifique, propice à la coopération, mais dans le même temps la Chine est engagée dans un programme de conquête spatiale, avec d'autres enjeux géopolitiques. Son but est de réaliser tout ce que les grandes puissances spatiales ont pu réaliser avant. "Ils font d'abord des satellites d'application et ils envoient des hommes dans l'espace et commencent à construire leurs stations", explique Isabelle Sourbès-Verger.
"Est-ce que la Chine prétend être concurrente des États-Unis ? Peut-être pas, mais en tout cas, elle peut monter à un niveau lui permettant d’être un partenaire majeur."
Isabelle Sourbès-Vergerà franceinfo
Cependant, il n'est pas question pour les États-Unis de coopérer avec les Chinois sur les questions spatiales. Pour Isabelle Sourbès-Verger, "les États-Unis ont véritablement une conception de leur puissance dans l'espace comme étant sans rivale." Les deux pays ont promis d'envoyer des astronautes sur la Lune, dans les prochaines années, d'ici 2026 pour les États-Unis et 2030 pour la Chine.
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