: Reportage Espace : la France et la Chine assemblent un satellite commun pour observer les sursauts gamma
C'est un site hautement sécurisé à l'intérieur duquel très peu d'étrangers sont autorisés à pénétrer. Lorsque les visiteurs se déplacent à l'intérieur des bâtiments, ils sont automatiquement suivis par un garde. Nous sommes dans la grande banlieue de Shanghai, à une trentaine de kilomètres de l'aéroport international de Pudong, au sein de l'Académie chinoise d'innovation sur les microsatellites. Cet organisme dépend de la toute-puissante Académie des sciences (CAS), et c'est là que la Chine élabore et fabrique la plupart de ses satellites scientifiques, dans le cadre de son programme spatial.
Les télescopes installés sur le satellite
Cette semaine, l'ambiance est un peu différente. Dans l'un des bâtiments, une équipe d'ingénieurs et techniciens français a pris possession d'un étage. Ils sont arrivés il y a une dizaine de jours dans le cadre de la mission SVOM, un partenariat franco-chinois lancé en 2006 et consacré à l'observation et à l'étude des sursauts gamma, les plus lointaines explosions d'étoiles de notre univers. Côté français, le projet est supervisé par le Centre national d'études spatiales (Cnes), avec la participation de plusieurs laboratoires de recherche publics. La mission prévoit d'envoyer dans l'espace un satellite commun. Après plus de dix ans de travail sur la conception de cet engin, le partenariat est entré cette semaine dans une phase cruciale. L'assemblage du satellite a démarré dans la banlieue de Shanghai.
Une quinzaine d'ingénieurs et techniciens, Français et Chinois, sont en plein travail dans un immense hall de 1 500 m2. Le satellite est encore en pièces détachées, avec d'un côté le socle principal qui servira de véhicule et de l'autre les instruments d'observation. "Nous sommes en train de travailler à l'assemblage du satellite SVOM" nous explique Zhang Xiaofeng, directeur adjoint de l'Académie chinoise d'innovation sur les microsatellites.
"Il y a quatre instruments différents qui sont installés sur le socle, dont deux instruments français et deux instruments chinois qui vont permettre d'observer les phénomènes scientifiques, avec une détection complète des rayons Gamma. Le poids total du satellite approche les 1 000 kg, sa hauteur est très élevée, près de quatre mètres. Lorsque les panneaux solaires du satellite seront déployés, cela atteindra les douze mètres."
Les deux instruments d'observation français, notamment un télescope ECLAIRs grand champ qui va permettre de localiser les sursauts gamma, ont été conçus et fabriqués dans l'Hexagone. Ils sont arrivés le mois dernier à Shanghai à bord d'un avion-cargo. "C'est l'aboutissement d'un projet de près de dix ans, explique Bertrand Cordier, astrophysicien au CEA Paris Saclay. Au départ, quand on avait imaginé cette mission, on avait fait une proposition à l'agence spatiale française pour étudier les sursauts gamma. Il se trouve que les Chinois avaient fait une proposition similaire chez eux. Il y a eu une volonté politique de faire une collaboration. On nous a demandé de rencontrer nos collègues chinois pour bâtir ce projet ensemble pour une meilleure connaissance de la jeunesse de notre univers."
Le partenariat n'a pas toujours été facile en raison des différences de méthodologies entre les équipes française et chinoise, mais "nous avons réussi à mettre en place une façon de travailler à mi-chemin entre les deux cultures, analyse François Gonzalez, qui supervise la mission au Cnes. On a trouvé une voie commune entre une culture occidentale, où nous travaillons plutôt par analyse et par simulation, et du côté de nos amis Chinois, une culture plutôt empirique. Eux, il faut qu'ils voient les choses, qu'ils les touchent pour bien appréhender une situation."
Des scellés pour protéger les secrets de fabrication
Comme nous avons pu le constater, Français et Chinois travaillent main dans la main lors des opérations d'assemblage du satellite. "Toutes les données du processus d'assemblage sont partagées. Étant donné que certains équipements sont français et d'autres chinois, nous devons tous deux échanger ces données pour les comparer et les juger" affirme Li Dong, le responsable des opérations côté chinois. Un climat de confiance évident, même si les Français n'oublient pas que la Chine est aussi une puissance spatiale rivale. Et dans ce hall d'assemblage contrôlé à 100% par la sécurité chinoise, les ingénieurs français prennent quelques précautions élémentaires. "Les deux instruments français d'observation sont quand même des petits bijoux de technologie, détaille François Gonzalez du Cnes. Nous avons évidemment une obligation de protéger nos savoir-faire et nos technologies. On ne donne pas aux Chinois le détail de la conception de nos instruments. C'est en quelque sorte une boîte noire. Et les Chinois font la même chose. Pour protéger tout cela, nous posons des scellés sur les éléments critiques de nos instruments, nous les surveillons. Tout cela se passe en bonne intelligence."
L'assemblage du satellite franco-chinois devrait être achevé avant l'été. Après une phase de tests de plusieurs mois, le lancement est prévu début 2024, depuis la base spatiale de Xichang dans la province du Sichuan, au sud-ouest de la Chine.
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